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LA NOUVELLE DU VENDREDI : Une vie, un rêve


 

« Tu peux tout accomplir dans la vie si tu as le courage de rêver, l’intelligence d’en faire un projet réaliste et la volonté de voir ce projet mené à bien », ainsi disait le sage. Le rêve- le réalisme- la volonté. Tout est dans la profondeur de ses trois mots. Le rêve de s’autoriser un avenir, un espoir, une envie. Le réalisme de bien mesurer le chemin et d’évaluer les dangers. La volonté qui donne la puissance au monteur pour escalader les montagnes. Écoutons à présent cette histoire :
Il y a quelques jours, en voyage dans la cité du cavalier rouge dans la belle ville de Koudougou, je rencontrai mon ami Ivon qui me dit :
– Toi qui aime bien les choses extraordinaires de l’existence, demain, je te ferai rencontrer un monsieur exceptionnel. Prend ton calepin et ton stylo, tu auras de quoi écrire.
– Avec plaisir mon cher Ivon.
Le lendemain, Ivon m’aména dans une concession. Dans un hangar, un homme âgé d’entre 35 et 40 ans, entouré de quatre apprentis, donnait des leçons sur la fabrication d’objets : des pots de fleurs, des poubelles, des tables, des chaises, des tuiles….
De beaux objets de qualité conçus par la récupération et le recyclage de sachets d’eau en plastique ramassés dans les rues de la ville. Cet homme que nous nommerons Omar pour la discrétion, me raconta son histoire.
«  Parqueur puis maçon juste pour vivre, après un léger passage à l’école primaire, j’en avais tellement sur le cœur par la misère, le découragement et surtout par l’exploitation abusive de l’Homme par l’Homme. Un soir, j’en parlai à ma femme :
– je veux m’en sortir autrement et vivre utile.
Une semaine plus tard, par le plus grand des hasards, je vis un reportage sur le recyclage des objets en plastique et décidai de m’intéresser à la chose. Je n’avais ni connaissance ni technique dans le domaine, mais je voulais le faire. De mes maigres économies et contre l’avis de mes frères, j’abandonnai tout pour aller suivre une fragile formation d’une semaine dans une ville d’un pays voisin. De retour, je construis mon hangar chez moi et commençai la collecte de la matière première. Chaque jour, je parcourrais la ville avec mon sac sur l’épaule, de maison en maison, de rue en rue et surtout de poubelle en poubelle pour ramasser les sachets. Je ne vous dis pas ce que j’ai vécu comme galère et insultes. J’ai été traité de tous les noms d’oiseaux par mes amis et ma famille. De justesse, ma femme a failli me quitter, car tous me prenaient pour un fou à commencer par ma propre famille.
Pendant deux ans, j’ai vécu très difficilement. Je pleurais tous les soirs mais je voulais réaliser mon rêve. Chaque matin, je faisais sortir des objets pas très nets et les clients se comptaient du bout de doigts. Plusieurs fois, j’ai voulu laisser tomber et prendre ma truelle ou retourner au parking. Mais une voix de l’intérieur me disait :
– Omar, c’est ton rêve, tu es le seul à y croire. C’est toi seul qui peux le réaliser malgré l’incompréhension et l’hostilité générale.

En larmes, j’ai continué mon travail avec les insultes et les moqueries.
Lorsque j’ai maîtrisé la technique, les choses se sont améliorées. Depuis quelques années, comme vous voyez, je ne finis, plus mes commandes. Des neveux, des voisins et même des parents de ma femme travaillent maintenant avec moi sur la chaîne de fabrication. Ouf ! Que ce fut très dur…
Pendant que d’objet en objet, j’admirais ses belles créations, une dame arriva avec un gros sac sur son vélo et un apprenti pesa sur la balance.
– Voyez-vous, me dit Omar, des dizaines de femmes chaque jour, à travers la ville, nous envoient la matière première et font vivre leur famille. Nous donnons du travail tout en nettoyant la ville.
L’artiste nous présenta un album sur ses voyages à travers le monde pour partager son expérience avec les autres. Il nous montra ses médailles et distinctions. Déjà, il avait un beau parcours.
Notre artiste du jour n’a pas fini de parler qu’un groupe de touristes arrivait pour payer des objets. Je payai rapidement un pot de fleurs et dit à Omar :
– Un beau rêve !
– Oui, une vie, un rêve..

Ousseni Nikiéma, 70 13 25 96 [email protected]


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