L’AFRIQUE FACE AU CONFINEMENT LIE AU CORONAVIRUS
Sortir et risquer d’attraper le coronavirus ou rester cloîtré chez soi et mourir de faim ; tel se présente le dilemme du confinement lié au Covid-19, qui commence à gagner le continent noir où à la date du 29 mars 2020, 46 des 54 pays du continent étaient touchés, pour un total de 4 282 cas dont 134 décès. Si ces chiffres sont encore loin de l’hécatombe de certains pays comme la Chine, l’Italie, l’Espagne, la France voire l’Iran, l’Afrique s’apprête à passer à la vitesse supérieure en termes de renforcement des mesures préventives contre la pandémie. Et même si le sujet divise encore, le confinement des populations est bien à l’ordre du jour sur le continent noir où l’Afrique du sud l’a déjà imposé, depuis le 27 mars dernier, à 57 millions de citoyens, pour trois semaines. Deux jours plus tard, le président nigérian, Muhammadu Buhari, emboîtait le pas à son homologue sud-africain en ordonnant le confinement total pour deux semaines, des populations de la capitale fédérale, Abuja, et de Lagos, la mégalopole du Sud qui ne compte pas moins de vingt millions d’habitants.
Aussi salutaire que cette mise sous cloche puisse paraître, toute la grande difficulté sera dans son application
Depuis le 30 mars, le Zimbabwe s’est engagé sur le même chemin, pendant que des mesures similaires sont aussi annoncées au Congo, à la suite du Rwanda et de la Tunisie qui comptent parmi les premiers pays africains à avoir adopté ladite mesure. Pendant ce temps, au Burkina Faso ou en Côte d’Ivoire, par exemple, en plus des mesures préventives allant de la fermeture des lieux publics à l’instauration d’un couvre-feu, l’heure est à la mise en quarantaine de localités entières. C’est dire si petit à petit, l’Afrique s’achemine vers le confinement total des populations même si, par endroits, comme au Bénin, par exemple, les autorités écartent pour le moment une telle option. Le moins que l’on puisse dire, c’est que cette mesure de confinement généralisé vers laquelle on tend, est fortement redoutée sur le continent africain. Pour un continent où la majorité de la population vit pratiquement au jour le jour, cette mesure est même un grand défi. Aussi bien pour les gouvernants que pour les populations elles-mêmes. Car, aussi salutaire que cette mise sous cloche puisse paraître, toute la grande difficulté sera dans son application. A ce niveau, on peut craindre des débordements des forces de l’ordre chargées de faire respecter ladite mesure auprès de populations qui ne se montrent pas toujours enclines à la discipline, quand elles ne tendent pas à minimiser la situation. Même dans les cas où les populations marqueraient leur adhésion, le risque est grand que, tenaillées par la faim, les plus vulnérables ne choisissent, à leur corps défendant, de sortir pour affronter le virus en priant pour ne pas le choper à un coin de rue plutôt que de rester à la maison où, sans ressources, sans réserve de provisions, sans revenus et sans mesures d’accompagnement du gouvernement, c’est la mort assurée, le ventre creux. C’est dire combien l’extrême pauvreté des populations se présente aujourd’hui comme un obstacle potentiellement rédhibitoire au succès des mesures de confinement, sur un continent où l’autosuffisance alimentaire reste un défi permanent.
L’expérience des grandes nations qui sont en train de payer un lourd tribut à la pandémie, doit servir de leçon à l’Afrique
Pourtant, c’est une mesure radicale qui a fini de faire ses preuves ailleurs et que l’Afrique n’aurait pas d’autre choix que d’adopter, si la situation l’exigeait. C’est pourquoi il est impératif de veiller, d’ores et déjà, au respect des mesures de restriction déjà édictées par endroits, pour ne pas en arriver à cette mesure extrême qui doit être le dernier recours. C’est dire si aussi salutaire qu’elle puisse être, la mesure de confinement des populations ne doit pas tendre à se généraliser par mimétisme ou par calculs politiciens sur le continent, encore moins à s’imposer plus que de raison. Il faut savoir raison garder, tout en prenant la pleine mesure du péril, selon les pays. L’objectif étant d’arriver à briser la chaîne de transmission du virus pour ensuite travailler à inverser la courbe des contaminations. C’est un pari difficile, certes. Mais l’expérience des grandes nations qui sont en train de payer un lourd tribut à la pandémie, doit servir de leçon à l’Afrique qui a été touchée plus tardivement, et être un adjuvant au respect des règles d’hygiène et d’application des mesures préventives. Car, face à cette pandémie qui ne cesse de gagner du terrain, en attendant qu’un traitement soit trouvé et disponibilisé, le salut de l’Afrique réside dans la prévention. Mais si les circonstances ne nous donnent pas le choix, le confinement sera alors un passage obligé. Il faudrait commencer à y penser et surtout, à s’y préparer. Mais l’espoir est permis sur le plan de la recherche médicale, toute chose qui pourrait être déterminante dans la lutte contre la maladie. Pour le continent africain qui fait l’objet de craintes et de prédictions alarmistes, en raison de la faiblesse de son système sanitaire notamment, il appartient aux Africains de faire mentir ces prévisions apocalyptiques et de travailler à écrire l’histoire autrement. En toute discipline. Sauront-ils relever ce défi ? C’est le moins qu’on puisse souhaiter.
« Le Pays »