HomeA la uneL’ARMEE FACE A LA RUE EN ALGERIE : Va-t-on vers le clash ?

L’ARMEE FACE A LA RUE EN ALGERIE : Va-t-on vers le clash ?


 

Depuis le début de la contestation en Algérie, une certaine fébrilité s’est emparée de la majorité présidentielle si fait que chaque jour qui passe, l’on assiste à des défections ou à des retournements de veste. Et comme si cela ne suffisait pas, certains caciques du système, sentant la cause perdue, essaient de prendre la poudre d’escampette. C’est le cas de l’ex-chef du patronat algérien, Ali Haddad, qui a été alpagué le week-end dernier alors qu’il tentait de regagner la Tunisie voisine. Pour quelle raison ? Difficile d’y répondre pour l’instant. Pour le moins, on sait que, pour éviter la fuite des capitaux, les autorités algériennes ont restreint les sorties du territoire, allant jusqu’à interdire aux avions privés appartenant à des Algériens, de décoller ou d’atterrir dans le pays et ce jusqu’au 30 avril prochain. Pendant ce temps, la rue continue de gronder. En effet, pour la 6e semaine consécutive, les Algériens étaient nombreux à manifester.

L’Armée nationale populaire menace tous ceux qui auraient l’intention de lui porter atteinte

Loin de s’émousser, l’on peut faire le constat que la contestation prend de l’ampleur. Et les revendications vont crescendo. Aujourd’hui, toutes les propositions de sortie de crise initiées par le pouvoir, ont été balayées du revers de la main. L’activation notamment de l’article 102 de la Constitution proposée par le patron de l’armée, Ahmed Gaïd Salah, a été jugée irrecevable par les croquants. En lieu et place, la rue croit dur comme fer, que la solution à la crise politique passe par une Constituante et l’avènement d’une nouvelle classe politique qui va s’atteler à apporter des réponses aux nombreuses attentes du peuple algérien. Ce scénario, visiblement, n’est pas du goût des responsables de la Grande muette et ils l’ont fait savoir sans ambiguïté. En effet, dans un communiqué publié le 30 mars dernier, le ministère de la Défense algérien réaffirme que la seule solution à la crise est celle proposée par Ahmed Gaïd Salah, le chef d’état-major. Il faut rappeler que celle-ci prône le recours à une destitution constitutionnelle du président Abdelaziz Bouteflika, via l’article 102. L’élément nouveau de ce communiqué de la Grande muette, qui mérite d’être souligné, est que l’Armée nationale populaire (ANP) menace aussi tous ceux qui auraient l’intention de lui porter atteinte et dit avoir eu connaissance d’une réunion secrète qui s’est tenue ce samedi. Il se pose alors la grande question de savoir à qui est adressé ce message, puisque, pour le moment, l’armée n’a avancé aucun nom. Dès lors, l’on peut avancer les hypothèses suivantes : l’on peut d’abord penser à des éléments de la mouvance islamique. En effet, la Grande muette a mis un point d’honneur, dans les années 90, à casser de l’islamiste, suite à la victoire de FIS (Front islamique du salut) à la première élection véritablement ouverte du pays. Il se pourrait donc que des membres de ce parti vomi par l’armée, profitent du tumulte suscité par la rue pour signer leur retour et en découdre avec leurs bourreaux d’hier. Cette hypothèse tient d’autant plus la route que bien des chefs militaires qui ont piloté la répression féroce contre le FIS, sont encore en activité au sein de l’Armée nationale populaire. Un d’eux est justement un certain Ahmed Gaïd Salah, l’actuel chef d’Etat-major. L’autre hypothèse relativement à la question de savoir à qui s’adresse la menace de l’armée, peut se fonder sur le fait suivant : les jeunes gens qui ont pris d’assaut la rue pour appeler à un changement politique radical, sont conscients que le pilier central du système qu’ils veulent déboulonner aujourd’hui, est l’armée.

On assiste aujourd’hui à une lutte entre deux classes sociales

La restructuration de la Grande muette et sa mise à l’écart sont, pour eux donc, des impératifs. Et cette vision des choses est, on ne peut plus, justifiée. En effet, l’armée est par nature conservatrice. Cela fait qu’elle se méfie de tout mouvement politique qui a pour credo de balayer le système existant pour instaurer un autre système. Et si un tel scénario venait à se produire en Algérie, le peuple pourrait demander des comptes à l’ensemble des haut-gradés de l’ANP, qui, de connivence avec le FLN et ses nombreux appendices, ont pillé pendant un demi-siècle l’Algérie. La rue a dans son collimateur, peut-on dire, tous ces hommes et ces femmes qui roulaient carrosse alors que le peuple algérien végétait dans la misère et cela, en dépit du fait que le pays ne manque pas de ressources. En réalité, on assiste aujourd’hui à une lutte entre deux classes sociales dont les intérêts sont diamétralement opposés. D’un côté, l’on a la classe politico-militaire qui s’est servie de l’Etat depuis l’indépendance du pays en 1962, pour se mettre à l’abri du besoin et de l’autre, les laissés-pour-compte de la révolution. C’est cette derrière classe qui s’est déversée dans la rue depuis février dernier pour crier sa frustration et son exaspération. De ce point de vue, on peut dire que les velléités de 5e mandat de Boutef n’ont été que la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Et l’armée serait mal inspirée de mettre sa menace à exécution en s’attaquant à ces gens-là. La première raison est liée au caractère légitime de leurs revendications. En effet, ils battent le pavé aujourd’hui pour réclamer le pain, l’emploi et la liberté. Et tout le monde sait que cela ne relève pas de l’affabulation. C’est le triste sort que le système Boutef a réservé à l’écrasante majorité du peuple algérien.  La deuxième raison qui peut expliquer un éventuel échec de l’armée à réduire le mouvement de contestation populaire en cours, est liée à son caractère, peut-on dire, acéphale et anonyme. En effet, aucune association de la société civile, encore moins un parti politique, ne revendique, pour l’instant, la contestation. Tout ce que l’on sait, c’est que tous les vendredis, les rues d’Alger et celles des principales villes du pays, sont noires de monde, appelant au vrai changement. Et l’apport des réseaux sociaux dans la mobilisation est un signe des temps nouveaux face auquel le pouvoir est visiblement impuissant. Et cela constitue une force. Mais dans le même temps, c’est une faiblesse puisqu’il n’y a pas d’interlocuteurs avec lesquels l’on peut s’asseoir pour discuter de la crise à l’effet de lui trouver une solution adéquate ; d’où l’agacement de l’armée. Mais il faut reconnaître que cette institution n’a pas qualité de se saisir des questions politiques. Sa vocation première est de défendre l’intégrité territoriale du pays. Et en Afrique, et plus particulièrement dans les républiques bananières, l’on peut faire le constat que c’est l’armée qui arbitre les crises politiques. Et cela est un mauvais signe pour la démocratie. Dans certaines situations, les menaces, d’où qu’elles viennent, sont inopérantes. C’est le cas de l’Algérie aujourd’hui où tout semble réuni pour aller vers un clash entre l’armée et le peuple. C’est du moins la crainte que l’on peut avoir suite à la menace de l’armée. Mais ce scénario serait du gâchis pour l’ensemble du pays.

« Le Pays »


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