HomeA la uneLEGISLATIVES AU BENIN : Quand le quitus fiscal devient une arme politique

LEGISLATIVES AU BENIN : Quand le quitus fiscal devient une arme politique


Ecartée de la course à la députation en 2019 pour défaut de certificat de conformité et de quitus fiscal, l’opposition béninoise connaîtra-t-elle le même sort en 2023 ? C’est la question que bien des militants et candidats du principal parti d’opposition, les Démocrates, se posent. Certains étant toujours à la recherche des attestations fiscales, à la veille de la clôture des compléments de pièces fixée à ce jour, 15 novembre 2022, pour la validation des dossiers aux législatives du 8 janvier prochain. La question est d’autant plus fondée que l’absence du quitus fiscal qui figure parmi les documents demandés, est éliminatoire alors que la loi ne permet pas le remplacement de noms des candidats défaillants, une fois les listes déposées. C’est dire si l’opposition béninoise qui était déjà absente du débat parlementaire, n’est pas encore au bout de ses peines. Prise qu’elle est, au piège du fisc qui demande des centaines de millions de FCFA à certains de ses candidats, avant de leur délivrer le précieux sésame qui manque à leur dossier. Au-delà de la contestation des faramineuses sommes par les candidats concernés, c’est le sort de toute la liste qui est en jeu. Cela dit, il ne s’agit pas de remettre en cause la loi sur le civisme fiscal.

 

Le défi, pour le pouvoir de Cotonou, est d’organiser, cette fois-ci, des élections inclusives

 

 

 

 

Car, il est tout à fait normal que tout citoyen qui aspire à un poste électif, donne le bon exemple en s’acquittant de ses impôts. De ce point de vue, si elle a prêté le flanc, l’opposition béninoise ne peut s’en prendre qu’à elle-même et ne peut se prévaloir de ses propres turpitudes. Mais la question est de savoir si l’argument du fisc n’est pas plutôt une arme politique dont se sert à souhait le pouvoir de Patrice Talon, pour tenir l’opposition à distance du parlement dans le but de pouvoir gouverner sans coup férir. Car, le fait de coller le fisc aux basques d’opposants gênants, n’est pas une pratique nouvelle sous nos tropiques. C’est pourquoi on peut aussi se demander s’il y a eu de l’équité dans l’application de la loi à tous les candidats. Même si l’on imagine aisément qu’en pareilles circonstances, le pouvoir qui a souvent une longueur d’avance, ne saurait manquer de prendre ses précautions pour se mettre à l’abri d’éventuels désagréments. Toujours est-il que le défi, pour le pouvoir de Cotonou, est d’organiser, cette fois-ci, des élections inclusives. Surtout après l’expérience de 2019 qui a vu les législatives accoucher d’une Assemblée monocolore au profit du pouvoir, après que l’opposition s’est retrouvée sur la touche pour les raisons que l’on sait. En tout état de cause, si c’est une façon, pour le président Patrice Talon, de passer par des moyens détournés pour gouverner sans véritable contre-pouvoir, c’est qu’il se trompe véritablement de combat. Car, en sept ans de pouvoir, l’opposition n’a jamais véritablement pu participer à des élections nationales. Quand ce n’est pas la Justice qui est instrumentalisée pour briser les ambitions présidentielles d’opposants politiques à la veille du scrutin, ce sont des questions de parrainages qui empêchent des candidats sérieux de défier le chef de l’Etat dans les urnes.

 

Patrice Talon gagnerait à songer à laisser une bonne image de lui à la postérité, plutôt que celle d’un Néron prêt à toutes sortes de dérives

 

 

 Les opposants Sébastien Ajavon, Rekya Madougou  et autre Joël Aïvo en savent quelque chose. Et comme si cela ne suffisait pas, c’est à présent l’obstacle du quitus fiscal qui est une fois de plus brandi pour refreiner les ardeurs d’une opposition qui ne demande qu’à jouer son rôle de contre-pouvoir dans un pays qui passait encore, il n’y pas longtemps,  pour l’une des vitrines de la démocratie en Afrique. C’est dire si en sept ans de pouvoir, Patrice Talon semble avoir vendangé l’héritage de ses prédécesseurs au point que certains n’hésitent pas aujourd’hui à parler de recul de la démocratie au Bénin. A ce rythme, on se demande quel héritage politique le natif d’Abomey qui est constitutionnellement à son deuxième et dernier mandat, léguera à son pays. Car, tout porte à croire que le richissime homme d’affaires devenu président, est dans une logique de verrouillage des scrutins électoraux pour mieux se donner les coudées franches dans son action à la tête de l’Etat. Mais en plus de crisper l’atmosphère sociopolitique au Bénin, ce sont des pratiques qui sont loin de servir la cause de la démocratie. Car, à quoi sert-il d’avoir une Assemblée nationale censée contrôler l’action du gouvernement si c’est pour servir de caisse de résonance à l’Exécutif ? Autant dire qu’avec des élections à sens unique, c’est une fois de plus l’image de la démocratie béninoise qui s’en trouvera écornée. La seule alternative raisonnable réside dans l’instauration d’un dialogue politique fécond pour trouver un modus vivendi en vue de sauver l’essentiel. Et maintenant qu’il est à son dernier mandat constitutionnel, Patrice Talon gagnerait à songer à laisser une bonne image de lui à la postérité, plutôt que celle d’un Néron prêt à toutes sortes de dérives, y compris celle de l’instauration de la pensée unique, pour renforcer son pouvoir. C’est le plus grand danger qui menace aujourd’hui la démocratie béninoise. Car, cela pourrait ouvrir la porte à l’autoritarisme, en cas de pouvoirs trop étendus du chef de l’Etat. Le Bénin n’a pas besoin de ça.

 

« Le Pays »

 

 

 


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