LES FAMa A L’ASSAUT DU BASTION DES TOUAREGS : Kidal tombera probablement, et après ?
La campagne de reconquête au nom de la restauration de la souveraineté de l’Etat sur l’ensemble du territoire malien, s’est accélérée depuis samedi dernier, avec l’intensification des frappes aéroterrestres de l’armée sur la ville de Kidal, qui était jusqu’à hier dimanche aux mains des séparatistes touaregs. Un silence sinistre régnait dans les rues de ce qui était considéré comme la capitale du fictif Etat de l’Azawad proclamé par les groupes indépendantistes à majorité touarègue et arabe, les populations s’étant terrées chez elles alors que les barons des groupes armés se seraient fait la belle, en direction du massif montagneux du Djebel Timétrine, et de Tinzaouatine, dans l’extrême Sud algérien. Au moment où nous tracions ces lignes, la défense ingénieuse, retorse et acharnée de la ville par les rebelles sécessionnistes, serait sur le point de céder, face aux militaires maliens ultra déterminés qui n’ont pas fait dans la dentelle : frappes aériennes d’une rare intensité et pilonnage au mortier durant tout le week-end, pour ouvrir la voie aux fantassins qui auraient reçu l’ordre d’investir la citadelle et de prendre le contrôle du camp militaire abandonné par la MINUSMA, dans les plus brefs délais.
Les rebelles pourraient poursuivre la lutte armée sous d’autres formes
Les carottes semblent donc cuites pour Alghabass Ag Intalla et ses comparses du Cadre stratégique permanent. Car, Kidal va probablement tomber aux mains des Forces armées maliennes (FAMa), à l’issue des combats en cours. Reste à savoir si ces FAMa maliens pourront tenir durablement cette position hautement stratégique, et si les rebelles vont benoitement déposer les armes et reprendre une vie normale comme le pensent les Maliens les plus naïfs. Le plus gros défi reste, en effet, la pacification de cette région désertique désertée par l’Etat une décennie durant. Car, les rebelles, même s’ils venaient à être défaits à Kidal, pourraient poursuivre la lutte armée sous d’autres formes, avec la possibilité qu’ils agissent en tandem avec les groupes terroristes du JNIM, au nom d’une alliance de circonstance pour la survie de tous. Ayant affaire à un groupe où la culture de la guerre est prégnante et où la vengeance est pratiquement une obligation sociale, les autorités maliennes doivent toujours garder à l’esprit que le réservoir de combattants y est ipso facto inépuisable, et elles doivent cesser de croire qu’une victoire militaire mettra définitivement un terme à la guerre insurrectionnelle déclenchée depuis plus d’une décennie par les Touaregs de l’Adrar des Ifoghas notamment. La stabilisation de Kidal et de sa région est d’autant plus hypothétique qu’il ne sera pas facile pour le gouvernement de la transition, de gagner les cœurs et les esprits des populations qui pourraient voir dans cette prochaine reprise de la ville par les FAMa, une agression contre leur pseudo-Etat de l’Azawad et contre elles-mêmes. De quoi galvaniser les résidus de résistants des mouvements séparatistes pour continuer à perturber le retour à une vie normale dans ce septentrion malien meurtri par plusieurs décennies de guerres successives, avec le soutien possible et imaginable venant de pays voisins comme l’Algérie, la Mauritanie, la Libye et même le Niger où l’ancien chef rebelle touareg, Rhissa Ag Boula, a ouvertement appelé ses frères du Niger à traverser la frontière pour soutenir les Touaregs du Mali si les FAMa venaient à attaquer ces derniers.
Il appartiendra aux forces combattantes déployées par les autorités maliennes, de faire usage de la violence avec beaucoup de discernement
Toutes les conditions d’un cocktail explosif pourraient ainsi être réunies et tout pourrait partir en vrilles, au point de contraindre une nouvelle fois les protagonistes à s’asseoir autour d’une même table de négociation, à Alger ou à Nouakchott, pour encore signer un accord « perdant-perdant » afin de mettre un terme aux hostilités. Mais si, par extraordinaire, les autorités maliennes arrivaient à établir une confiance réciproque entre elles et les populations locales, ce serait la fin des haricots pour les terroristes du JNIM qui enflamment actuellement les pays du Liptako-Gourma (Mali, Burkina Niger). Car, avec cette nouvelle donne, les djihadistes de la Katiba Macina qui ont fait du Centre du Mali, leur zone d’action et de prédilection, seront fatalement pris en étau, et les zones qu’ils contrôlent à la frontière du Burkina Faso, par exemple, ne constitueront plus des bases arrières pour les ‘’bandits de la brousse’’ qui opèrent au Pays des hommes intègres. Il semble d’ailleurs que depuis l’annonce de l’offensive des FAMa contre la place forte des rebelles, c’est la bérézina chez tous les groupes terroristes qui ont fait main basse sur des pans entiers des territoires malien, burkinabè et nigérien, parce qu’ils se savent désormais plus que jamais dans l’œil du cyclone, avec la probabilité qu’ils soient pris en tenaille par les forces armées des trois pays de plus en plus aguerries dans le combat contre la nébuleuse djihadiste. Il appartiendra aux forces combattantes déployées par les autorités maliennes, de faire usage de la violence avec beaucoup de discernement, afin de ne pas commettre des crimes de guerre sur lesquels leurs ennemis à l’intérieur comme à l’extérieur, pourraient surfer pour exiger la reddition des comptes, en agitant le chiffon rouge de la Cour pénale internationale (CPI). Des mises en garde fermes doivent être faites aux soldats et aux supplétifs russes à la main leste et à la gâchette facile, afin d’éviter les bavures qui pourraient ternir l’image de toute l’institution militaire, et donner naissance à des sentiments de vengeance qui compliqueraient la réconciliation nationale et la pacification de cette région affreusement meurtrie du Mali.
« Le Pays »