HomeA la uneLETTRE OUVERTE DES ETUDIANTS ET STAGIAIRES BURKINABE EN ALGERIE AU PRESIDENT DU FASO : « Dites-nous que nous n’avons pas été envoyés au casse-pipe »

LETTRE OUVERTE DES ETUDIANTS ET STAGIAIRES BURKINABE EN ALGERIE AU PRESIDENT DU FASO : « Dites-nous que nous n’avons pas été envoyés au casse-pipe »


Dans la présente lettre ouverte adressée au président du Faso, Roch Marc Christian Kaboré, des étudiants et stagiaires burkinabè en Algérie, l’interpellent sur leurs conditions de vie qui sont des plus difficiles. C’est pourquoi ils demandent au chef de l’Etat de les rassurer qu’ils n’ont pas été « envoyés au casse-pipe ». Lisez plutôt !

Excellence Monsieur le Président du Faso. Nous aurions aimé deviser longtemps  dans un air de famille, mais le réel nous pousse à la phrase, nous sommes contraints par les colorations du présent. Il est bon, pour qu’il n’y ait pas de glissements d’ombre, de dire une banalité essentielle à savoir que vous n’avez jamais été pour nous un sorcier et comme tel, nous déposons sur votre table pleine de labeurs à entamer, un sujet pas si extraordinaire, qui ne mérite pas que tant d’encre coule, ou pour être contextuel, qui ne mérite pas tant de hurlements de clavier.

En effet, des fils, ceux qui vous écrivent depuis le Nord-africain, seraient vivement intéressés de savoir ce que représente aux yeux de l’Etat dont vous êtes le capitaine, la question estudiantine. Sans aucune fouille d’intention, vous leur direz à quelques virgules près « beaucoup, et même presque tout ». Et ce serait une répétition car tout est déjà écrit. Oui, l’éducation est le poumon de la nation, sans elle, c’est l’asphyxie assurée, une mort bon marché. Tout le monde le sait, mais les agissements de beaucoup nous rapprochent du bal des monstres que nous fuyons, tant tout le monde se plaît d’oublier que le chaos tient ses promesses et assure ses tours de garde.

Venons-en à l’histoire. Nous sommes près de deux centaines à étudier en Algérie, tous envoyés par l’État sur le seul critère discriminant de la taille des notes, selon la version officielle. Nous nous sentions alors importants et célébrés. « En route alors pour le bon port », nous disions-nous, la bouche bée. Niaiserie !  Niaiserie !

Aujourd’hui, c’est avec amertume que nous vous écrivons sans intention de troubler vos dîners de nos problèmes que voici et sachez qu’il n’est ici question que de ceux sur lesquels nous n’avons aucune prise.

Primo, il y a un gros mensonge à Alger qui enfante une fausse réduction de dépenses à Ouagadougou. Il est dit que nous recevons une « double bourse », une de notre pays et une autre du pays hôte ; ceci a pour conséquence de pousser nos ministères de tutelle à traiter notre cas avec beaucoup d’économie. Or il y a maldonne. Nous ne recevons de l’État algérien que la somme de 1 330 dinars algériens (l’équivalent de 6 650 F CFA) tous les mois. Il y a vraiment ignorance de notre condition. Sachant  qu’aucun étranger n’a le droit de travailler en Algérie, excepté bien sûr les ambassades et les consulats, comment, Monsieur le Président, avec cette loi incapacitante et 50 000 F CFA mensuels en complément de bourse de la part de notre pays payés trimestriellement et qui arrivent après un semestre, pouvons-nous nous acheter des vestes et des baskets pour traverser le rude hiver algérien ? Il y a aussi des restaurants universitaires, mais la cuisine, en plus, est loin d’être tropicale en plus des conditions hygiéniques qui laissent à désirer et nous n’avons d’autres solutions que de nous mettre à manipuler les marmites.

Secundo, une autre injustice à nous faite et sans doute la plus grande, Excellence Monsieur le Président, le premier des Burkinabè, est que nous avons une bourse statique. Elle n’évolue d’aucun centime, ni entre les années ni entre les cycles. C’est une misère stable que rien ne vient ébranler sinon la croissance folle de nos besoins. En effet, vous le savez vous-même, vous qui êtes un brillant économiste, le coût de la vie ne fait qu’augmenter au jour le jour dans n’importe quel point de la terre. Et pire, le contexte actuel marqué par les chutes continues du prix du baril de pétrole porte un coup fatal à l’économie d’un pays essentiellement pétrolier comme l’Algérie, impliquant une hausse du coût des produits et services de première nécessité et rendant ainsi encore plus vulnérables les étudiants aux bourses stationnaires que nous sommes.

Excellence Monsieur le Président, il n’y a aucun plaisir à parler de ses plaies et de ses poux, mais il ne faut jamais voiler les maux qui les mettent au monde. La troisième injustice est la plus absurde et la plus insupportable. Savez-vous qu’une fois ici, nos chances de décrocher une bourse pour un meilleur pays sont nulles ? Pourquoi ? Question pourtant simple ! Pourquoi nous écarte-t-on des bourses d’excellence en dépit de nos excellents résultats acquis à force de peine, à coup de misère et d’oubli de ressentiments ? Lorsque nous postulons à des bourses qui relèvent de la compétence nationale, une réponse discriminante nous est opposée, à savoir « vous êtes déjà boursiers » et nous voilà éconduits, coltinant au loin notre fardeau de bourse regrettable. Ainsi, nous avons le sentiment qu’un gros pouce national bouche notre horizon, que nous avons été gentiment déposés dans une impasse, envoyés dans un pays où le racisme est toujours présent. Dites-nous le contraire. Dites-nous que nous n’avons pas été envoyés au casse-pipe, dans une tranchée en plein air.

Nous aimerions aussi savoir si vous avez un projet pour les étudiants que vous envoyez à l’extérieur et qui font résonner le nom de notre pays dans les contrées où on ne l’entendait pas. Parce qu’à l’heure où nous vous écrivons, nul ne peut nous rassurer que l’on se souvient parfois de nous dans vos réunions. Sinon comment expliquer le grand silence assourdissant de l’État ? Comment comprendre qu’aucun fonctionnaire mandaté ne soit jamais venu nous voir pour discuter difficultés et avenir ? Dans l’absolu, rien ne nous motive à espérer. Nos devanciers qui sont revenus, ont des ongles blancs à force d’inactivité, d’emploi difficile à trouver, et pire aucune mesure d’accompagnement ; notre pays semble être un désert de poste.

Monsieur le premier Citoyen, nous avons des camarades couchés en ce moment sur des bat-flancs en prison ici en Algérie, attendant un procès qu’on ne programme pas, faute de temps, comme s’il n’y avait pas 365 jours dans l’année et souvent même 366. Et dans cette situation, l’inaction révoltante de notre ambassade nous laisse penser qu’ils en ont encore pour longtemps. Monsieur le Président, si nous qui respirons la liberté, nous nous plaignons des conditions sociales en Algérie, imaginez un peu le vécu de vos compatriotes, hommes et femme (parce qu’il y a également une fille détenue) dans une prison algérienne !  L’air serait devenu infect à Kosyam, si tant est que vous eussiez entendu les raisons de leur mise hors société. Tout ce qu’on peut vous dire, est qu’ils n’ont ni volé, ni tué, ni violé. Nous vous suggérons de demander des explications à l’ambassadeur qui se trouve à Alger, et cela au nom de votre politique.

Somme toute, Excellence Monsieur le  Président, nous pensons  qu’il est d’un commun avis que l’éducation demeure l’immense corps malade de la République et qu’il faille vite aller aux soins. Le Burkina compte sur ses jeunes, qu’ils aient étudiés ou pas. Alors aucun citoyen ne devrait être oublié dans son chantier quotidien. L’impression de mépris est le ventre sombre du droit à l’irresponsabilité.

Excellence Monsieur le Président, des fils et des filles du pays vous ont parlé.  

Lobnury Arnold Abdou HIEN

SG de l’Union des Etudiants et stagiaires burkinabè en Algérie

 


Comments
  • mes enfants, que Dieu vous sorte de cette galère. Ce que je voudrais dire aux parents dites merci aux bourses d’Algérie. ce n’est pas la peine d’envoyer vos enfants
    en enfer. les enfants subissent trop de choses ignobles dans ce pays.

    10 août 2016
  • En tant qu’Algerien, je suis navré de vous savoir dans cette situation !
    Aussi, je suis navré que l’Algerie vous attribue une si maigre bourse d’étude !
    Eh, ho….je plaisante là.
    Vous croyez que l’Algérie est une vache laitière ?
    Une bourse, annulation de dette…puis quoi d’autres ?
    Je vous mets au défi de trouver un pays étranger qui vous octroie une bourse pour études alors que vous n’êtes pas citoyen de ce pays.
    Aussi, arrêtez de critiquer le pays qui vous accueille. Vous parlez de nourriture pas tropicale (bah oui, bienvenue au Maghreb), de manque d’hygiène..euuuuh pardon ??? Manque d’hygiène ? C’est vrai que chez vous c’est tellement propre que vous hôpitaux (si vous en avez) sont vides, que vous ne connaissez ni paludisme, ni choléra, ni ébola ni…..
    Je finirai ma missive en vous invitant à revoir votre rédactionnel, car pour des étudiants qui apparemment ont été sélectionnés selon leurs brillants résultats, votre français est des plus médiocres. Puis, ça va, arrêtez de faire de la lèche à votre président. Lui (le fameux et illustre économe) n’a pas besoin d’envoyer sa descendance en Algerie ou ailleurs, leur avenir et tout tracé et ils seront vos maîtres de demain.
    Pauvre Afrique !!!!!!

    10 août 2016
    • Bonjour à vous cher Algérien.
      Je suis un étudiant Burkinabè en Algérie.

      Au vue de votre commentaire, on pourrait dire que vous n’avez jamais vécu dans les résidences universitaires ni manger dans les restaurants universitaires en Algérie. Si vous y aviez au moins fait un tour, vous saurez que les conditions de vie n’y sont pas du tout agréables :
      – pas de chauffage ou chauffage en panne en hiver : nous nous retrouvons donc dans des chambres glaciales après avoir fait des cours dans des réfrigérateurs servant d’amphithéâtre ou de salle de cours;
      – restauration de mauvaise qualité où les vivres sont pillés par l’administration et les responsables Algérien des associations universitaires; évidemment, nous sommes au Maghreb, on aurait dû s’en douter…en plus demander à vos “kouya” Algérien qui vivent dans ces conditions dans les résidences universitaires, il vous diront;
      – manque d’hygiène : nous partageons les plateaux servant aux repas avec les chats qui ne se gênent pas de manger à l’intérieur après que nous ayons fini; sans oublier le manque d’hygiène des agents des restaurants universitaires, manque d’hygiène qui occasionne fréquemment des intoxications qui sont rapidement étouffé au niveau des médias….

      Je m’arrête là pour ne pas avoir à écrire un livre.
      Cependant, la présente lettre, si vous l’avez bien lu et compris, Monsieur l’Algérien, qui ne comprend pas ce qu’on appelle le niveau soutenu ou littéraire de langue, vous auriez compris que la lettre est adressée au Président du Faso, SEM Rock Marc Christian KABORE. De ce fait, il n’y fait aucune revendication concernant l’allocation boursière accordée par l’Algérie à tous les étudiants d’Algérie (qu’ils soient nationaux ou pas). Nous savons bien que cela n’est pas du ressort du Président du Faso. Evidemment, nous ne sommes pas idiots. D’ailleurs, si vous côtoyez les étudiants étrangers en Algérie, vous verrez qu’ils sont rares ceux qui vivent grâce aux maigreurs offertes par l’Algérie. Que peut-on faire avec 1300 dinar mensuel. Personne, je dis bien PERSONNE ne compte sur les ressources de votre cher grand pays pour vivre et étudier ici. Votre “Viva l’Algérie”, vous pouvez le garder pour vous, nous n’en voulons pas.

      Pour finir, je vous invite à mieux vous renseigner sur nos pays avant de nous sortir vos réactions épidermiques et sans fondements.

      Salam

      10 août 2016
    • Pour des étudiants si brillant on doit les soutenir au lieu de les critiquer si profondément , injurier jusqu’à insulter leur pays voir tout un continent. Ces boursiers ont un problème avec leur pays pas avec l’algerie.Pour des pays qui offrent des bourses au étudiants de ces pays je peux citer la France, la Chine, le Japon la Russie, le Canada tout frais prisent en charge. Se sont des jeunes, encourageons les tout en les montrant les limites de luxe que les pays africains ne peuvent pas leur offrir.Essayons de nous comprendre au lieu de se manquer du respect. Que halla nous aide tous. Merci

      10 août 2016
      • Merci bien à Zino pour son commentaire et son soutient.
        Malheureusement, il y en a qui n’ont pas compris cet esprit et qui se lancent dans des déclarations sans fondements et dépourvues d’intelligence et de respect.

        11 août 2016
        • Je ne sais pas si “zino” est algérien, mais j’en doute fortement. Car chez nous, on dit Allah et non pas halla !
          Sinon, cher étudiant en Algérie, oui j’ai vécu à la CUTA (Alger). Oui, on peut critiquer, mais faut arrêter de toujours pointer du doigt l’Algérie. 1300 dinars certes c’est peu, mais ça reste une allocation que vous percevez gratuitement. Je ne sais pas si le Burkina en fait de même avec les étudiants étrangers à Ouaga ou ailleurs.
          Bref, j’ai réagi sur un coup de tête. J’en ai marre qu’en s’en prenne au pays hôte. L’Algérie a de tout temps soutenu les pays africains. Mais ces derniers temps, tout le monde s’en prend à ce grand pays.
          Vous savez quoi ? Les français disent aux étrangers ” la France aimez la ou quittez la”. Alors, l’Algérie aimez la ou quitter la.
          J’adresse mes excuse à tout burkinabé ou autre que j’ai pu offensé.

          12 août 2016
          • Justement cher Algerino, la lettre est adressé au Président du Faso et a pour but de lui faire voir notre misère en Algérie afin qu’il prenne des mesures pour venir à notre secours.
            Donc une fois de plus, nous ne sommes pas en train d’accuser l’Algérie; nous mettons les plus hautes autorités du Burkina Faso devant leurs responsabilités parce qu’ils nous ont abandonné, et nulle part dans la lettre, si vous la relisez, vous ne verrez de reproches faites aux autorités Algériennes concernant les 1330 dinar algérien (6650 francs CFA) mensuel. Je ne comprend donc pas pourquoi votre acharnement à ce sujet, personne ne s’est plaint de cela. Au contraire, j’ai l’impression que vous n’êtes pas d’accord avec cette faveur faite aux étudiants étrangers. C’est votre droit le plus absolu. Mais ne nous le reprochez pas, ce n’est pas nous qui avons décidé cela.
            Du reste, je vous invite à relire encore une fois la lettre afin de comprendre en substance que ce dont il est question, ce sont des revendications AU Président du Faso et NON AUX responsables Algériens.

            17 août 2016

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