LIBERATION D’ACTIVISTES DE LA SOCIETE CIVILE EN RDC : Volonté réelle de décrispation ou calcul politique ?
En République démocratique du Congo (RDC), trois militants de la société civile ont été libérés provisoirement, le 29 août dernier, par la Cour suprême de justice. Après un premier rejet de leur demande de liberté provisoire, Christopher Ngoy de Synergie, Fred Bauma et Yves Makwambala de Lucha ont finalement vu la Justice accéder à leur requête, lundi dernier, dans le cadre des mesures de décrispation politiques exigées par l’opposition. A leur sortie de prison, ils ont tenu à remercier tous ceux qui se sont battus pour leur élargissement, tout en s’engageant à continuer la lutte. La question que l’on pourrait se poser est de savoir si ces libérations procèdent d’une volonté réelle de décrispation ou d’un simple calcul politique. Etant donné que depuis plusieurs mois, le président Joseph Kabila est à couteaux tirés avec l’opposition et la société civile qui le soupçonnent de chercher à briguer un troisième mandat pour se maintenir au pouvoir, à l’expiration de son deuxième et dernier mandat constitutionnel en novembre prochain. Usant pour cela d’artifices en tout genre pour obtenir un glissement du calendrier électoral qui lui permettrait de se remettre en selle pour la prochaine présidentielle censée se tenir avant la fin de l’année. Dans l’absolu, aucune hypothèse n’est à écarter. En effet, d’un côté, l’on peut se laisser convaincre que Kabila est de plus en plus gêné aux entournures par l’ampleur de la contestation, chaque jour un peu plus grandissante, de ses compatriotes opposés à son éventuel troisième mandat. Aussi a-t-il besoin de répit et stratégiquement, de faire baisser la tension. Surtout qu’en face, ses adversaires affichent une farouche détermination à déjouer ses plans et à lui barrer la route. En outre, son souhait le plus ardent est sans doute de voir ses contempteurs les plus virulents, adhérer au dialogue politique auquel s’attèle, avec beaucoup de difficultés, le médiateur désigné de l’Union africaine (UA), Edem Kodjo, dans le secret espoir de donner à ces pourparlers une allure inclusive. Somme toute, l’on est porté à croire que Kabila est toujours en train de ruser pour parvenir à ses fins.
Le président Kabila semble plus préoccupé par la question de son troisième mandat que par le triste sort des populations de Béni
Et ces libérations au compte-goutte alors que l’opposition en attend beaucoup plus, font davantage penser que tout cela n’est que pur calcul politique, dans le but d’obtenir des concessions de ses adversaires. Notamment la participation de l’opposition radicale et de la société civile à son fameux dialogue. En leur faisant les yeux doux, le président Kabila espère pouvoir les amadouer. Y parviendra-t-il ? L’histoire nous le dira. En attendant, le temps joue en faveur de Kabila, car plus les choses traînent, plus la tenue des élections dans les délais constitutionnels, devient hypothétique. Pendant ce temps, les populations de Béni, dans le Nord du pays, se font massacrer par des rebelles, sans que cela ne daigne véritablement émouvoir les autorités de Kinshasa et les décider à voler réellement au secours de ces populations qu’elles sont pourtant censées protéger, au même titre que les populations des autres contrées du pays. Et le plus préoccupant, c’est que, de sa tour d’ivoire à Kinshasa, le président Kabila semble plus préoccupé par la question de son troisième mandat que par le triste sort des populations de Béni. Et ce n’est certainement pas la sortie du Pape François, qui a récemment dénoncé un «silence honteux » suite aux tueries de Béni, au point d’envoyer un émissaire en la personne du Nonce apostolique pour remonter le moral desdites populations en leur apportant son message de compassion, qui devrait le faire sortir de sa léthargie. Si Joseph Kabila n’est pas au pouvoir pour servir ses compatriotes, pour qui y est-il alors ?
Outélé KEITA