HomeA la uneLIBERATION DE SERGE LAZAREVIC : IBK ôte une épine du pied de Hollande et la met dans le sien

LIBERATION DE SERGE LAZAREVIC : IBK ôte une épine du pied de Hollande et la met dans le sien


La libération de l’otage français, Serge Lazarevic, n’a pas fait que des heureux. En effet, le personnel pénitentiaire malien en colère, hausse le ton. A Bamako, l’on menace même d’aller en grève pour traduire son mécontentement suite à l’échange de prisonniers. En effet, parmi les preneurs d’otages libérés, figure un assassin qui a tiré à bout portant sur un garde de sécurité pénitentiaire auquel on permet ainsi de se soustraire à la justice.

On a certes pu sauver l’essentiel : une vie humaine, celle de Lazarevic. Pour d’aucuns, il faut parfois accepter de tendre la main au diable pour sauver des vies. Sans grand risque de se tromper, l’on peut avancer que le ciment va se renforcer entre Paris et Bamako. Toutefois, des Maliens ruent dans les brancards. Ils ne digèrent point cette transaction. « Nous, surveillants des prisons du Mali, nous sommes consternés. On pouvait laisser Ali Ag Wadoussène (en prison) pour que la Justice termine avec lui. C’est quand même lui qui a tiré à bout portant sur notre collègue, le regretté adjudant Kola Sofara », clame Abdoulaye Fofana, contrôleur des services pénitentiaires.

Ibrahim Boubacar Keita n’avait guère le choix

Parmi les mécontents qui manifestent leur dépit, on compte aussi des opposants politiques. On peut reconnaître aux Maliens le droit d’exprimer leurs frustrations, au nom de l’Etat de droit. Toutefois, cet échange de prisonniers est un troc de mauvais aloi : quatre Noirs ont été échangés contre un Blanc ! Frustrant, et difficile à admettre ! Le choc de la différence est dur à encaisser. Mais, à l’évidence, le président Ibrahim Boubacar Keita (IBK) n’avait guère le choix. Entre deux maux, il fallait choisir le moindre. A son corps défendant sans doute, le chef de l’Etat malien a accepté d’échanger un otage français contre des « djihadistes ». Du coup, il a permis à un grand criminel de prendre le large. Entre le pouvoir et la population, le conflit est donc réel, les terroristes ayant posé des actes graves qui méritent jugement et emprisonnement. Pour certains déçus maliens, le « deal » entre IBK et son homologue français s’est effectué sur des bases inégales. Selon eux, « la vie d’un Malien ne vaut rien », comparativement à celle d’un Français ! Et c’est sans doute cela qui choque. Cette mauvaise parité dans l’échange ravale le Noir à sa plus simple et plus triste expression, pendant qu’elle magnifie le Blanc. Mais, défendre le Mali n’a jamais été une promenade de santé pour la France qui a déjà payé un lourd tribut. Ce n’est pas l’armée malienne qui dira le contraire. IBK ne pouvait donc pas dire « non » à la France qui a par ailleurs opté de continuer à soutenir le Mali, en dépit de l’immensité de la tâche. N’eût-été l’intervention de la France, que serait devenu le Mali ? Les risques étaient grands en effet, de voir le legs de Soundiata Kéita anéanti par les « djihadistes » ! L’armée malienne en déconfiture, que seraient aussi devenus les protestataires actuels ?

En tout état de cause, il est heureux que la France continue de rester au Mali, et même de renforcer son dispositif militaire. Paris vient d’ailleurs de mettre hors d’état de nuire un des grands chefs de Mourabitoun, dans la nuit de mercredi à jeudi dernier. C’est un bon lot de consolation pour Bamako et pour toute la population. Cet homme, ce barbu prénommé Ahmed, était plus que dangereux pour le Mali.

Il faut éviter de donner le sentiment d’être amnésique

C’est un fait que la médiatisation de l’opération a fait plus de tort que de bien au président IBK. Le chef de l’Etat malien se trouve effectivement dans une position inconfortable. Ne pouvant ignorer la dimension politique de l’événement, il lui faut à la fois prendre en compte le choc subi par l’opinion publique malienne, et accepter de subir, pour un temps, les critiques acerbes de son opposition politique. Osons le dire : sans l’intervention française, les envahisseurs auraient pu poursuivre leur avancée plus loin dans le reste du pays ; peut-être même seraient-ils arrivés à s’imposer à d’autres peuples de la sous région. De tout l’Occident, la France aura été la première nation à avoir volé au secours du Mali agressé. Paris a pris le risque de s’impliquer très profondément dans la lutte pour bouter les « djihadistes » hors du territoire malien. A différentes reprises, le peuple malien est sorti dans la rue manifester sa gratitude à Hollande. Pourquoi donc vouer aujourd’hui le régime IBK aux gémonies ? Il faut éviter de donner le sentiment d’être amnésique. D’autant que le conflit est loin d’être terminé. La France qui le sait, continue de jouer au chien de garde, et c’est tant mieux pour les peuples de la sous région. En quête de popularité, François Hollande apparaît aujourd’hui comme un homme comblé. Probable en effet, qu’il tire des dividendes politiques de ce « deal » dont on sait en réalité peu de choses. Ce genre de « deal » n’est jamais révélé au grand public dans les détails. C’est généralement un secret d’Etat que l’histoire finira par dévoiler un jour. En attendant, l’Omerta continuera de régner dans les tractations menées pour libérer les otages. Maintenant que la France a récupéré son otage, quelle tournure la traque contre les « djihadistes » va-t-elle prendre ? Kidal, jusque-là bastion « djihadiste » à l’apparence inexpugnable, demeurera-t-il longtemps ce véritable « Etat dans l’Etat » ? Il faut en convenir, son « extraterritorialité » ne peut se poursuivre indéfiniment, sous peine de renier les principes chers à l’Union africaine (UA). Mais en attendant, on ne peut que faire ce triste constat : IBK a ôté une épine du pied de Hollande, pour ensuite l’enfoncer dans le sien.

« Le Pays »


Comments
  • Titre impeccable, excellente analyse, toutefois, je voudrais attitrer votre attention sur le fait que les touaregs ne sont pas des noirs même s’ils sont maliens et africains.
    Je pense, par ailleurs, qu’il est fait au président malien un mauvais procès car la France a sacrifié ses fils pour sauver le Mali et même la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso que les djihadistes s’il le voulaient allaient également envahir allègrement. En lieu et place de ces deux pays, vous parlez d’autres peuples, certainement par pudeur!
    Vous savez certainement que toutes nos armées de la sous région réunies ne pouvaient rien contre les djihadistes. Ce que nos militaires savent faire,c’est qu’ils font présentement au Burkina Faso c’est-à dire “les putschs, le maintien d’ordre et les parades” comme l’a dit Robert BOURGI.
    Le Mali ne perd pas au change quoique la frustration légitime des parents du garde pénitentiaire soient compréhensibles.

    12 décembre 2014

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