LIBERATION D’OTAGES PAR BOKO HARAM : La peur a-t-elle changé de camp?
Après plusieurs jours de captivité, 192 otages, essentiellement des femmes, ont été libérés par la secte islamiste Boko Haram. Ils avaient été enlevés dans un village de l’Etat de Yobè, le 6 janvier dernier, sur Katarko, à 20 kilomètres de la capitale régionale de Damaturu. Au total, 218 femmes et enfants avaient été faits prisonniers. Les captifs ont été relâchés le vendredi 23 janvier dernier, ont précisé un responsable local et une source militaire. Le raid sur Katarko avait été mené par des dizaines de militants armés de Boko Haram, qui ont assassiné 25 hommes et brûlé des habitations et des magasins. Cette attaque devait apparemment servir de représailles à l’assaut donné par des chasseurs et vigiles locaux contre le village de Buni Yadi où plusieurs membres de la secte avaient été tués et d’autres arrêtés, selon les déclarations des vigiles à l’époque.
S’il faut se réjouir de cette libération qui, à n’en point douter, est une bonne nouvelle pour les parents des otages, il y a aussi lieu de s’interroger sur les motivations qui ont amené la secte islamiste à libérer ces otages. Car, le moins que l’on puisse dire, c’est que ce n’est pas par pure générosité qu’ils l’ont fait. Cette libération d’otages pourrait être la résultante de l’action de la coalition de certains pays (Tchad, Niger, Cameroun, Bénin) qui se met en place pour lutter contre les islamistes. C’est, du reste, dans ce cadre qu’il faut situer la visite de John Kerry, ce dimanche 25 janvier, au Nigeria, qui, il faut le souligner, pourrait augurer de nouvelles perspectives dans la lutte contre Boko Haram. La peur a-t-elle changé de camp ? En tout cas, l’étau se resserre autour de Boko Haram. Surtout que le Nigeria aussi donne l’impression de s’être réveillé, en témoigne l’assaut que ses soldats ont lancé hier contre des éléments de la secte islamiste à Maidiguri, les obligeant à prendre la poudre d’escampette.
Le Nigeria semble sortir de son profond sommeil
De toute évidence, tout porte à croire que Boko Haram n’aura plus affaire seulement au Nigeria, mais à toute la sous-région. Comme dirait l’autre, la peur du gendarme amène à s’assagir. Acculés, ces fous d’Allah ont-ils libéré ces otages en guise de magnanimité ? Ou sont-ils dépassés par les événements, au point d’avoir été contraints de se débarrasser d’un fardeau (les 192 otages) qui aurait empêché leur mouvement ? Autant de questions qui restent, pour l’heure, sans réponse.
Cela dit, même si le Nigeria semble en train de sortir de son profond sommeil en matière de lutte contre ces djihadistes, on peut cependant regretter que Goodluck Jonathan ait laissé le mal s’enraciner profondément. Ce faisant, on peut comprendre le récent coup de gueule de Barack Obama à l’endroit de l’homme au chapeau borsalino, qui semble plus préoccupé par le souci de reconduire son bail à la tête de l’Etat nigérian. Le président américain a, en effet, dit ceci, le 23 janvier, sur son compte You tube : « Le gouvernement nigérian n’a pas été aussi efficace qu’il devrait l’être, non seulement pour retrouver les écolières enlevées, mais aussi pour empêcher que l’organisation extrémiste n’opère sur son territoire. »
Assurément, le président nigérian a failli. Et plus grave, on peut craindre, comme le soupçonnent du reste certaines personnes, qu’il se soit montré atone à propos de Boko Haram, à dessein. En effet, d’aucuns pensent que se voyant au plus bas dans les sondages, le dirigeant nigérian a entrepris d’attendre le moment propice pour organiser la libération de tous les otages, afin de s’attirer la sympathie de ses compatriotes, dans la perspective de sa réélection à la tête du pays. Si tel était le cas, on lancerait à la face du président Jonathan : quel cynisme !
Seydou TRAORE