HomeA la uneLIBERTE CONDITIONNELLE POUR GBAGBO ET BLE GOUDE

LIBERTE CONDITIONNELLE POUR GBAGBO ET BLE GOUDE


Une chance pour la Côte d’Ivoire ? 

Les partisans de Laurent Gbagbo n’iront pas finalement à Gagnoa comme ils l’avaient claironné, pour célébrer le retour au pays de l’enfant prodige qui aura passé plusieurs années derrière les barreaux à Scheveningen, à La Haye. Ils ont visiblement dansé plus vite que la musique distillée en janvier dernier par la Cour pénale internationale (CPI) qui avait acquitté Laurent Gbagbo et son compagnon d’infortune dans la vie politique et dans les geôles de La Haye, Charles Blé Goudé. La procureure Fatou Bensouda a, en effet, fait appel de la décision d’acquittement et de libération immédiate, et la Cour a fini par rétropédaler en accordant une liberté aux accusés, qui confine à une résidence surveillée, d’autant qu’elle est assortie de conditions drastiques qui ne laissent pas de doute quant à la volonté de la Procureure de garder encore ces têtes brûlées de la politique en Côte d’Ivoire, à portée de…cellule.  

Le président Alassane Ouattara n’a pas intérêt à voir le président du FPI revenir libre en Côte d’Ivoire

Gbagbo et Blé Goudé ne reviendront pas de sitôt en Eburnie, davantage pour des raisons extrajudiciaires, puisque le juge président a motivé l’arrêt de la Cour par la vacuité de leur dossier et l’incapacité des avocats de la défense à prouver le contraire. Pour le citoyen lambda ou pour toute personne indocte des subtilités judiciaires, cette absence de preuves à charge contre ces ‘’deux têtes de gondole’’ de la crise postélectorale est une aberration, d’autant qu’il est établi que plus de 3000 personnes ont péri en 2010-2011 suite au refus de Laurent Gbagbo de céder le fauteuil présidentiel à Alassane Ouattara. Qui a donc pu massacrer ces milliers de personnes pendant les 5 mois de braise qu’a duré la crise postélectorale, si le président alors en exercice et acteur majeur de celle-ci, est blanchi ? Certes, le parti au pouvoir à l’époque et ses principaux responsables ne peuvent pas porter à eux seuls la responsabilité du pogrom, loin s’en faut. Mais il est moralement indécent et humainement inacceptable pour les parents des victimes, que celui-là dont le refus obstiné de reconnaître sa défaite a été le détonateur de la crise, et son homme-lige qui haranguait les foules et appelait à la résistance contre le respect du verdict des urnes prôné par la communauté internationale, s’en tirent à bons comptes et reviennent en héros sur les lieux de leurs crimes présumés. C’est pour s’opposer à cette douloureuse perspective que des manifestations hostiles aux juges de la CPI et au retour des célèbres pensionnaires de Sheveningenn ont été enregistrées dans certains quartiers d’Abidjan, dans le centre et dans le nord de la Côte d’Ivoire, bien que ces deux dernières régions n’aient pas été directement affectées par les tueries de la période postélectorale. Ces manifestations dites spontanées dans les fiefs du parti au pouvoir, ont d’ailleurs fini par convaincre ceux qui en doutaient encore, que le dossier déposé à la CPI contre Gbagbo et Blé Goudé est plus politique que judiciaire. Le président Alassane Ouattara n’a pas, en effet, intérêt, à voir le truculent président du Front populaire ivoirien (FPI) revenir libre en Côte d’Ivoire, surtout pas maintenant où il s’est brouillé avec son allié politique de 2010, Henri Konan Bédié, et avec son bras armé pendant la campagne militaire du premier trimestre 2011, Guillaume Soro.

 

Une justice à géométrie variable

 

Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé libres de leurs mouvements en Côte d’Ivoire où le paysage politique est en pleine recomposition, sera sans doute un poison surtout pour le tout-nouveau parti unifié du RHDP, même s’ils venaient, pour des raisons diverses, à prendre momentanément du champ par rapport à la politique. La meilleure façon de les tenir à distance de ce pays où ils gardent encore de nombreux partisans rétifs et à l’esprit revanchard, c’est de les maintenir de l’autre côté de la Méditerranée, avec un statut spécial de « ni libres, ni prisonniers», du moins si l’on s’en tient aux « mesures de cantonnement » qui leur ont été imposées : interdiction de voyager en dehors de leurs lieux de résidence, de faire des déclarations publiques, de détenir des documents de voyage. Ils sont en plus contraints de se présenter une fois par semaine aux autorités du pays d’accueil, entre autres. Une façon de dire, sans le dire, que Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé sont en liberté provisoire, dans des résidences hautement surveillées jusqu’à ce que le juge d’appel se prononce définitivement sur leur culpabilité ou non, dans les mois à venir. De quoi déclencher une bronca dans les milieux proches de l’ex- parti au pouvoir, pour dénoncer la détresse argumentaire de dame Bensouda qui évoque un risque de fuite et de subornation de témoins par les accusés, pour justifier la « séquestration » de ces derniers. Pour les «Gbagbo ou rien », il n’y a pas de doute que la politique est entrée en fanfare dans la salle d’audiences du tribunal en charge du dossier, et c’est ce qui explique, selon eux, cette justice à géométrie variable qui octroie une liberté totale à certains qui ont été acquittés par la même CPI comme Jean Pierre Bemba de la République démocratique du Congo, et qui met d’autres en liberté conditionnelle pour des « motifs légers et indéfendables ».

 

« Le Pays »


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