HomeSur la braiseLIBYE : Pourquoi ne pas confier le pouvoir aux milices ?

LIBYE : Pourquoi ne pas confier le pouvoir aux milices ?


Réuni le mardi 29 avril dernier pour élire un nouveau Premier ministre, le parlement libyen a été victime d’une attaque perpétrée par un groupe armé. Il s’est vu donc obligé de suspendre ses travaux et de procéder à l’évacuation de tous les députés, alors que les crépitements des armes se poursuivaient dans l’enceinte même de l’hémicycle. Cette intrusion brutale du groupe armé dans l’enceinte du parlement n’est malheureusement pas la première, comme l’a reconnu en effet, un député : « Le siège du Congrès est régulièrement la cible d’attaques de groupes armés. »

Les milices armées font désormais la pluie et le beau temps au pays de Kadhafi

Il faut rappeler que depuis la mort du colonel Mouammar Kadhafi, la Libye est à la merci de nombreuses milices armées qui y font la loi. De Benghazi à Misrata en passant par Zenten, chaque ville a sa milice armée, qui fait pratiquement office d’autorité locale. Le pouvoir central lui-même, cloîtré à Tripoli, la capitale, n’est pas à l’abri des assauts de l’une ou de l’autre de ces milices. Devenues ainsi la terreur des différents chefs de gouvernement, qui tombent les uns après les autres sous leurs actions directes ou indirectes, ces milices tentent depuis un certain temps de prendre le contrôle de l’appareil d’Etat, en imposant par la force leur homme ou alors en sapant, par la menace, l’autorité de toute personne désignée à ce poste de Premier ministre. Ali Zeidan, le premier à ce poste, s’y était accroché contre vents et marées, ignorant les nombreuses menaces et les enlèvements, retournant à son bureau après chaque libération et refusant obstinément d’abdiquer. Mais ne pouvant pas agir sur le terrain, notamment pour empêcher les milices d’exploiter et de vendre le pétrole libyen à leur guise, le parlement, le même qui l’avait élu, l’a destitué avec poursuites judiciaires.

Son successeur, Abdallah Al-Theni, moins courageux que lui, avait rendu le tablier quatre jours seulement après sa nomination, au motif qu’il a été agressé par des membres d’une milice armée qui voulaient l’assassiner.
Comme on le voit, ces milices armées qui font désormais la pluie et le beau temps au pays de Kadhafi, n’observeront pas le moindre répit, aussi longtemps que le chef du gouvernement ne sera pas issu de leurs rangs.

A défaut de réussir à raisonner ces chefs de milices, il faut les confronter à l’épreuve du pouvoir

Dans ces conditions, on se demande alors s’il ne vaudrait pas mieux leur confier une bonne fois la gestion de l’appareil d’Etat. En réalité, il s’agirait tout simplement de formaliser le pouvoir de ces milices, puisque, dans les faits, ce sont eux qui sont les véritables détenteurs du pouvoir. La proposition peut sembler excentrique, mais à bien y réfléchir, c’est peut-être la seule voie qui reste au pays pour sortir de la spirale de la violence. Ce n’est certes pas la voie légale, mais c’est l’une des pistes possibles pour stabiliser le pays. A défaut de réussir à raisonner ces chefs de milices, il faut les mettre devant le fait accompli, les confronter à l’épreuve du pouvoir. Après tout, le pouvoir, c’est d’abord une question de rapport de forces. Or, en ce moment, tout montre que le rapport de forces penche en faveur des milices. Il faut simplement accepter cette évidence en leur donnant l’occasion de faire leur preuve.

Face à la réalité du terrain, ces chefs de milices n’auront pas d’autre choix que de réussir ou alors d’organiser des élections s’ils sont contraints de se retirer. L’expérience des Frères musulmans en Egypte est suffisamment illustrative de ce type de conjoncture. Après seulement 12 mois au pouvoir, cacophonie, décisions contradictoires, désordre de tout genre ont fini par discréditer ces islamistes et entamer le capital de sympathie dont ils jouissaient auprès de plus de 60% de la population égyptienne. Pourquoi n’en serait-il pas de même pour les milices armées libyennes ?

Dieudonné MAKIENI


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