L’UA CONTRE LES COUPS D’ETAT : L’organisation panafricaine devrait plutôt faire de l’anticipation
L’Union africaine (UA) se sent pousser des ailes. Après le ton comminatoire qui a caractérisé sa condamnation du coup de force des « terroristes » du Régiment de sécurité présidentielle (RSP), saluée par plus d’un démocrate du continent, elle entend désormais se montrer ferme vis-à-vis des coups d’Etat en Afrique, auxquels, désormais, elle entend appliquer la tolérance zéro. Voilà qui devrait faire l’affaire des satrapes du continent ! Ainsi signifié, l’UA ne tolèrera aucun changement de régime par la force, peu importe que ceux qui ont leur arrière-train solidement accroché à leur fauteuil de président, se comportent en délinquants de la démocratie. Qu’ils se rassurent, l’UA prendra leur parti. Et tant pis pour les peuples africains ! Bien souvent opprimés, impuissants et interdits de réaliser leurs profondes aspirations au changement, ils devraient s’attendre à la bronca de l’UA contre les coups d’Etat, même bénis, salués par des peuples qui ne demandent qu’à être enfin libérés ! Il leur faudra donc encore compter sur eux-mêmes, avec pour seuls moyens, leurs mains nues, quand aucune perspective de départ de l’autocrate ne s’offre à eux. Que c’est triste à l’idée de devoir boire le calice de la dictature jusqu’à la lie ! Joseph Kabila, Sassou Nguesso, Obiang Nguema, Idriss Déby Itno, Faure Gnassingbé, Yayah Djammeh, Paul Biya et autres, peuvent donc continuer à boire leur petit lait ! Ils savent que l’UA sera toujours à leurs côtés si leur pouvoir venait à vaciller à la suite d’une gouvernance des plus erratiques. Dans sa nouvelle posture qui est celle de s’opposer à tout coup d’Etat, on peut se demander pour qui roulera finalement l’UA. Continuera-t-elle de se comporter en syndicat des chefs d’Etat, ou prendra-t-elle encore plus le parti des peuples, comme ce fut récemment l’exception qui confirme la règle, en ce qui concerne le peuple burkinabè ?
L’organisation continentale devrait prendre les mesures qui s’imposent
Que l’UA soit contre l’usage de la force, d’accord ! Mais en quoi, franchement, un coup d’Etat constitutionnel, comme c’est devenu la pratique la mieux partagée des dictateurs du continent, à travers leurs bricolages répétés de Constitutions, est-il moins condamnable et moins vile qu’un putsch classique ? Quand l’UA remontera-t-elle les bretelles à tous ces satrapes du continent, prêts à brûler leur pays en faisant feu de tous les bois anticonstitutionnels et anti-républicains pour demeurer le plus longtemps possible aux commandes ? Que dit-elle alors des NGuesso, Kabila et autres qui s’apprêtent à jouer le match de trop qui annonce la casse ? Hélas, l’UA a la très fâcheuse habitude de condamner les coups d’Etat, sans jamais s’attaquer au préalable à ses causes. Il urge de faire de la prévention ; elle doit se donner le courage de dire ses quatre vérités à tous ces chefs d’Etat qui s’amusent avec le destin de leur peuple, par leur égoïsme et leur égotisme. Et elle en a les moyens, à commencer par sa Charte sur la démocratie et la bonne gouvernance. S’il y a coup de force quelque part en Afrique, c’est presque toujours parce que le pouvoir a fait la preuve de son absolutisme, de son autisme et de son mépris pour le peuple. Bref, on a affaire à un pouvoir à la gouvernance calamiteuse, qui ne pouvait pas semer autre chose que les germes de l’instabilité voire du chaos. Gouvernance boiteuse et coup d’Etat, c’est l’implacable et redoutable cercle vicieux. Une violente réalité à laquelle l’organisation continentale devrait courageusement faire face pour prendre les mesures qui s’imposent. Autrement, elle se discréditerait davantage. Pire, elle ouvrirait les portes de l’enfer aux populations africaines confrontées à des dirigeants prêts à tout, même à régner sur des décombres, l’essentiel pour eux étant toujours d’être président forever.
« Le Pays »