HomeA la uneLUTTE CONTRE LA CORRUPTION EN AFRIQUE : Un combat contre des moulins à vent ?

LUTTE CONTRE LA CORRUPTION EN AFRIQUE : Un combat contre des moulins à vent ?


Le 11 juillet de chaque année et ce depuis maintenant 20 ans, est célébrée la Journée africaine de lutte contre la corruption. Et ce, depuis l’adoption, le 11 juillet 2003 à Maputo au Mozambique, de la Convention de l’Union africaine (UA) sur la prévention et la lutte contre la corruption par une cinquantaine de pays. Une journée commémorative qui est l’occasion de faire une halte dans la lutte contre un phénomène aussi pernicieux qu’il a la peau dure sur le continent noir où l’arbre des progrès paraît tellement insignifiant devant la forêt de défis, que l’on se demande si la lutte contre la corruption en Afrique, n’est pas un combat contre des moulins à vent. Et cette problématique est encore plus perceptible dans le thème de cette année qui porte sur les « réalisations et perspectives, 20 ans après [l’adoption] de la Convention de l’Union africaine sur la prévention et la lutte contre la corruption ». Le moins que l’on puisse dire, c’est que ce thème qui est véritablement d’actualité, ne pouvait pas mieux tomber ; tant le fléau est pratiquement devenu un phénomène de société. Et de la plus petite à la plus grande, il n’y a pas de strate de la société où on ne trouve pas de manifestations cachées de corruption.

 

On ne finira jamais assez de louer les efforts d’organisations de la société civile comme le REN-LAC

 

 Dans un pays comme le Burkina Faso qui a ratifié la Convention de l’Union africaine en 2005, le phénomène est d’autant plus dangereux qu’au-delà des ravages connus sur la société, l’économie nationale et la gouvernance, tout porte à croire que le phénomène de la corruption a des accointances aujourd’hui avérées avec le terrorisme. En tout cas, c’est ce que l’on est porté à croire, au sortir du procès de contrebande de carburant, qui a tenu le pays des Hommes intègres en haleine pendant plusieurs mois en 2021, et qui a abouti à la condamnation de prévenus à de lourdes peines de prison et à des amendes se chiffrant parfois à des milliards de FCFA. C’est dire si par ces temps d’insécurité, il est temps, aujourd’hui plus qu’hier, de prendre conscience de la gravité de ce phénomène qui n’est pas loin d’engager l’avenir de la Nation. C’est pourquoi, au-delà de la presse qui, dans ses dénonciations, a parfois réussi à lever des lièvres derrière lesquels se cachaient des délinquants à col blanc,  on ne finira jamais assez de louer les efforts d’organisations de la société civile comme le REN-LAC (Réseau national de lutte anticorruption) et autres institutions engagées dans la lutte contre ce fléau dont tout le monde reconnaît que les conséquences sont néfastes pour la Nation. Pour s’en convaincre, il suffit de voir comment certains marchés publics de construction d’infrastructures routières ou de bâtiments, par exemple, pèchent dans la qualité et la solidité des ouvrages et tiennent à peine debout quelque temps seulement après leur réception. En tout cas, de l’écroulement d’un amphithéâtre en construction à l’Université Norbert Zongo de Koudougou à l’effondrement de la dalle d’un bâtiment en construction à l’aéroport de Donsin, en passant par de nombreuses infrastructures du 11-Décembre en ruines dans certaines régions, les exemples de mauvaises réalisations qui puent à plein nez les pots-de-vin liés à la corruption, sont légion.

 

La lutte contre la corruption est un vaste chantier qui passe aussi par un changement de mentalités

 

 C’est dire si au-delà de la volonté politique des dirigeants de la transition, le combat contre la corruption doit être l’affaire de tous. Mais cela est-il seulement possible dans une société en perte totale de valeurs comme celle que nous observons, à quelques exceptions près, aujourd’hui un peu partout en Afrique ? Où le fonctionnaire à la conscience professionnelle douteuse attend un geste de l’usager du service public avant de rendre le service pour lequel il perçoit déjà son salaire ?  Où le policier ripoux croit trouver son bonheur dans le racket des usagers de la route ? Où le commerçant véreux est à loger à la même enseigne que le douanier qui prend des dessous de table, pour affranchir des marchandises au détriment des caisses du Trésor public ?  Où, du chef de service au supérieur hiérarchique le plus haut placé dans l’Administration, toute la chaîne de décision attend à la limite un retour d’ascenseur pour un marché passé ? C’est malheureusement cela l’hideux visage de la corruption en Afrique où le mauvais exemple vient souvent d’en haut. Avec un tel sombre tableau, il faut croire que la corruption a encore de beaux jours devant elle sous nos tropiques. Car, tant qu’il y aura des corrompus, il y aura des corrupteurs et vice versa. Et à y regarder de près, à grande ou petite échelle, nous sommes tous, à des degrés divers, des corrupteurs et/ou des corrompus. Car, pour un quelconque service rendu, qui ne se sent-il pas parfois redevable au point de se demander s’il faille « faire un geste » ou pas ? C’est dire si la lutte contre la corruption, est un vaste chantier qui passe aussi par un changement de mentalités. Mais également par toutes ces valeurs d’intégrité que l’on doit inculquer aux enfants dès le bas âge, et avec lesquelles ils grandiront pour devenir des Hommes de demain.

 

« Le Pays » 

 

 

 


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