HomeLignes de forceLUTTE CONTRE LE TERRORISME EN TUNISIE ET AU NIGERIA : Essebsi actif, Buhari passif

LUTTE CONTRE LE TERRORISME EN TUNISIE ET AU NIGERIA : Essebsi actif, Buhari passif


La recrudescence des actes terroristes en Tunisie a amené le président Beji Caïd Essebsi à prendre des mesures sécuritaires pour protéger les populations tunisiennes et les étrangers qui séjournent dans ce pays, notamment les touristes qui contribuent à hauteur de 70% au budget de l’Etat et qui ont été jusque-là les principales cibles des attaques. 38 d’entre eux dont 30 Britanniques ont, en effet, péri dans l’attentat perpétré le 26 juin dernier dans la ville balnéaire de Sousse, après que 21 autres eurent été tués dans l’attaque du musée de Bardo, le 18 mars 2015.

Tous ces attentats ont été revendiqués par l’Etat islamique (EI), mais ce sont des Tunisiens profondément séduits, pour ne pas dire formatés par des prêcheurs aux discours radicaux et obscurantistes, qui les ont perpétrés. Comme pour rappeler à tous ceux qui en doutaient encore, que la Tunisie n’est pas à l’abri de la terreur et du chaos qui sont les modes d’action des fous d’Allah.

La question que l’on pourrait se poser est celle de savoir comment, dans cette Tunisie qui était considérée jusqu’à la chute de Ben Ali comme un Etat autocratique et policier, les terroristes ont-ils pu s’établir au point de disposer de cellules dormantes et opérationnelles, comme celles qui ont frappé récemment Sousse et qui continuent, depuis 3 ans, à plastronner et à défier l’armée.

La réponse à cette interrogation pourrait être le chaos sécuritaire qui a cours dans la Libye voisine où des régions entières sont contrôlées par des islamistes, mais aussi des statistiques peu flatteuses qui font de la Tunisie le plus grand contributeur de djihadistes dans des pays comme l’Irak et la Syrie.

Si à ces dangers qui pourraient venir de l’extérieur, on ajoute l’effondrement de l’appareil sécuritaire tunisien depuis la révolution de 2011, le chômage et le désespoir de la jeunesse et surtout l’amnistie accordée même aux plus dangereux des extrémistes suite à la victoire du peuple sur le dictateur Ben Ali, on comprend aisément la paranoïa ambiante qui règne actuellement dans toutes les régions du pays, avec comme effets collatéraux, la restriction des libertés individuelles et la chute vertigineuse des revenus tirés du secteur touristique.

Et pour éviter que l’Etat tunisien ne sombre, le gouvernement de Essebsi a décidé, entre autres, de la fermeture de certaines mosquées où officient des imams jugés radicaux, de l’instauration de l’Etat d’urgence pour un mois renouvelable, et de la construction, le long de la frontière avec la Libye, d’un mur protecteur fait de dunes de sable très hautes, avec à leurs flancs des fossés d’une profondeur à même de dissuader le plus déterminé des terroristes.

Certaines de ces mesures sont liberticides, et des ONG comme Amnesty international ont déjà dénoncé de possibles violations des droits de l’Homme sous le couvert de la lutte contre le terrorisme. Les autorités tunisiennes semblent, en tout cas, décidées à se donner tous les moyens, même les plus répressifs, afin que cette gangrène qu’est le terrorisme ne se métastase pas tel un cancer, pour gagner tout le corps social tunisien.

Et comme la Tunisie est, au-delà de l’intérêt géostratégique qu’il pourrait représenter pour des pays comme la France, l’une des principales destinations des touristes européens en Afrique, Beji Caïd Essebsi peut compter sur les soutiens affichés de la France et des Etat-Unis, notamment en termes de renseignements, de formation du personnel, de sécurité et de fourniture de matériel et d’équipements militaires.

Buhari est resté désespérément muet depuis son investiture

Même si toutes ces mesures et tous ces soutiens ne suffiront pas à bouter tous les djihadistes hors de la Tunisie du jour au lendemain, on peut féliciter le gouvernement tunisien pour sa volonté manifeste d’éradiquer la nébuleuse terroriste sur son sol. Ce qui ne semble pas le cas des autorités d’un autre pays africain, le Nigeria en l’occurrence, qui sont emmurées dans un silence incompréhensible depuis qu’elles ont été élues, face aux exactions perpétrées par les terroristes de Boko Haram, récemment affiliés à l’EI.

Le nouveau Président, Muhammadu Buhari, qui a été élu justement sur la base de sa promesse de mettre fin à Boko Haram, est resté désespérément muet depuis son investiture, le 29 mai dernier, laissant le champ libre aux terroristes qui continuent de parader dans l’extrême Nord du pays apparemment déserté par l’armée régulière. On en est même à se demander si le Général (d’opérette ?) Buhari n’a pas simplement usé de manœuvres dolosives pour convaincre l’électorat de le porter à la tête de l’Etat, tant la déception est grande chez tous ceux qui comptaient sur la fermeté, pour ne pas dire la férocité de ce putschiste des années 80 pour bouffer du Shekau… Mais au regard de la multiplication des attaques de la secte islamiste ces derniers jours, on peut affirmer que l’image de l’armée nigériane, accusée d’avoir baissé pavillon sous la présidence du Général, s’est érodée davantage et Buhari devrait rapidement reprendre les choses en main, pour montrer qu’il mérite bien ses galons et surtout la confiance de tous ceux qui l’ont fait roi. Gageons qu’avec le déploiement à partir du 30 juillet prochain, de la force régionale de 8 700 hommes provenant du Tchad, du Niger, du Cameroun, du Bénin et évidemment du Nigeria, Boko Haram ne sera plus bientôt qu’un douloureux souvenir. Mais restons prudents et attendons de voir, d’autant que les dirigeants africains nous ont habitués à des revirements extraordinaires de situation, et que le Nigeria ne dispose toujours pas de gouvernement à cause des querelles de clocher entre les présidents du Sénat et de l’Assemblée nationale d’une part, et le reste des députés du parti au pouvoir d’autre part.

C’est peut-être lorsqu’il aura formé son gouvernement qu’il emboîtera le pas à son homologue tunisien, en prenant des mesures dont l’efficacité sur le plan sécuritaire peut être sujette à débat.

Amadou GADIAGA


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