HomeA la uneLUTTE CONTRE LA MENDICITE DES ENFANTS : Le Sénégal réussira-t-il ?

LUTTE CONTRE LA MENDICITE DES ENFANTS : Le Sénégal réussira-t-il ?


 

L’un des combats du moment des autorités sénégalaises, est la lutte contre la mendicité des enfants. Et pour parvenir à leurs fins, elles ont décidé de ne pas y aller de main morte. C’est ainsi que depuis la fin de la semaine écoulée, des opérations quelque peu musclées ont été engagées dans les rues de Dakar, pour essayer d’endiguer le phénomène. Les premiers chiffres font état d’une centaine d’enfants retirés de la rue par les agents de la brigade des mœurs et remis à leurs parents, tuteurs ou maîtres coraniques, après avoir transité par un centre d’accueil où ils ont été identifiés, enregistrés et sensibilisés. « Ce sont toutes les catégories d’enfants que nous avons pris dans la rue, et dont les parents, tuteurs ou maîtres coraniques se sont présentés devant nous. Nous les avons sensibilisés sur l’opportunité et la nécessité de protéger ces enfants des dangers de la rue », explique Niokhobaye Diouf, directeur des droits et de la protection de l’enfant. Le moins que l’on puisse dire, c’est que les autorités sénégalaises sont dans leur rôle. Et il faut saluer au passage leur démarche qui consiste à sensibiliser aussi bien les enfants que leurs parents sur un phénomène très sensible, mais qui persiste depuis des années. En tout cas, dans un pays comme le Sénégal, un tel combat est loin d’être gagné d’avance. Car, l’application de la mesure peut poser problème, si elle n’est pas bien comprise par certains acteurs, dans une société sénégalaise très  majoritairement musulmane. C’est pourquoi l’on ne peut s’empêcher de se demander si les autorités sénégalaises réussiront. D’autant plus que ce n’est pas la première fois qu’un Exécutif de ce pays, s’attaque à ce phénomène. En 2005 déjà, une loi avait été prise dans ce sens et criminalisait l’organisation de la mendicité. Mais le phénomène ne semble pas résolu, au point que les autorités actuelles se voient obligées de remettre le couvert en bandant quelque peu les muscles. Quoi qu’il en soit, l’on peut dire que le pouvoir de Macky Sall  fait  montre d’engagement dans sa volonté de combattre le phénomène qui présente des risques certains aujourd’hui.

Il est difficile de s’imaginer certaines sociétés africaines sans mendiants

En effet, en raison de l’insécurité ambiante dans la sous-région, ces enfants peuvent être exposés au danger du terrorisme ; en ce sens que leur propre sécurité peut être menacée, s’ils sont par exemple utilisés par des ingénieurs du mal pour accomplir de sales besognes dans la préparation et l’exécution de certains attentats. Et aujourd’hui plus qu’hier, ils sont aussi exposés aux pédophiles de tout acabit qui écument nos capitales africaines. De ce point de vue, ces enfants méritent d’être protégés, car l’enfant est l’avenir de la nation. Et les autorités sénégalaises ont d’autant plus raison de prendre les devants pour essayer de mettre de l’ordre, que selon certaines informations, le pays est dans le collimateur des terroristes. Et par ces temps où l’on parle de plus en plus de radicalisation des jeunes, il est impératif de s’assurer du bon encadrement de ces enfants, car rien ne dit que les terroristes s’embarrasseraient de scrupules s’ils devaient se servir de ces êtres fragiles. Sur le plan culturel, l’importance des mendiants dans les sociétés africaines n’est plus à démontrer. Même dans les sociétés dites modernes,  où l’on s’en remet facilement aux marabouts ou autres voyants pour décrypter l’avenir afin de  conjurer le mauvais sort ou s’attirer la chance. Ils sont un maillon essentiel dans l’équilibre de la société, car ce sont eux qui reçoivent la plupart des sacrifices que recommandent les marabouts à leurs clients. Et cela n’est pas spécifique au Sénégal. C’est pourquoi il est difficile de s’imaginer certaines sociétés africaines sans mendiants, comme l’a si bien illustré l’écrivaine sénégalaise, Aminata Sow Fall, dans son œuvre « La grève des battus ». Sur le plan religieux, l’un des problèmes les plus récurrents, qui a, du reste, été déjà dénoncé par certaines Organisations de défense des droits humains comme Human Rights Watch, reste celui des pratiques de certains maîtres coraniques dont le comportement frise « l’exploitation sous prétexte d’éducation » de ces enfants obligés de mendier pour entretenir leur maître, avec quelquefois des  punitions qui peuvent aller à la flagellation lorsque l’enfant rentre bredouille de sa tournée. Cela dit, tous les enfants de la rue ne sont pas des talibés. Il y en a qui y sont pour des raisons évidentes de pauvreté de leurs parents qui les obligent  à mendier pour subvenir à leurs besoins. Il faudrait  donc savoir faire le distinguo dans la recherche des solutions les plus adaptées à la question. C’est toutes ces raisons réunies qui complexifient davantage le problème. En tout état de cause, la place d’un enfant n’est pas dans la rue. Elle est à l’école, que l’enseignement y soit religieux ou laïc. C’est à ce prix que l’on pourra former une élite responsable.

Outélé KEITA


Comments
  • Tous nos encouragements au gouvernement du Sénégal qui se lance de nouveau dans la lutte contre l’exploitation des enfants à des fins mercantilistes et religieuses. L’Observatoire Africain des droits de l’Homme ‘OADH’ présente ses vives félicitations au Sénégal

    6 juillet 2016

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