HomeA la uneMARCHE AUTORISEE DE L’OPPOSITION EN GUINEE

MARCHE AUTORISEE DE L’OPPOSITION EN GUINEE


Après les échauffourées de la semaine dernière qui ont laissé une dizaine de macchabées sur le carreau, l’opposition guinéenne a encore donné rendez-vous à ses militants, hier, 24 octobre, pour battre une fois de plus le pavé, contre un éventuel troisième mandat du président Alpha Condé. Cette fois-ci, la manifestation était autorisée par les autorités qui n’ont pas bandé les muscles comme à leur habitude, avec les conséquences de violences parfois meurtrières qui en découlent généralement. Vingt-quatre heures plus tôt, c’est un rassemblement de femmes qui donnait de la voix dans les rues de Conakry, pour dénoncer la vague des violences policières qui s’abattent sur leurs enfants, frères et époux, dans l’exercice de leur droit constitutionnel de manifester. Et cela, sous l’œil vigilant des forces de sécurité qui, contrairement à leur réputation de forces à la gâchette facile et souvent promptes à casser du manifestant pour un oui ou un non,  n’ont pas daigné pour une fois lever la moindre matraque.

 

Il est heureux de constater que les autorités guinéennes se sont ressaisies

 

Si cette sortie de l’autre moitié du Ciel peut être lue comme un signe des temps, la question que l’on peut se poser est de savoir si la soudaine retenue des forces de l’ordre marque un changement de cap ou de stratégie dans la répression des manifestations ou s’il s’agit d’un rétropédalage du président guinéen avant le grand saut dans l’inconnu. Autrement dit, cette brusque attitude de pacifisme qui tranche avec l’intransigeance et la fermeté jusque-là affichées par les autorités, est-elle une reculade face au tollé général suscité par l’utilisation excessive de la force dans  la répression des manifestations de la semaine dernière, qui s’est soldée par plusieurs morts d’hommes. Ou alors Alpha Condé recule-t-il pour mieux sauter ? Quoi qu’il en soit, il n’est pas difficile d’imaginer la gêne aux entournures du maître de Conakry, d’être la malheureuse star des médias pour une cause qui ne l’honore pas. C’est pourquoi il est déjà heureux de constater que les autorités guinéennes se sont ressaisies et ont mis de l’eau dans leur vin, en autorisant ces manifestations, pour peu que cela ne soit pas un piège pour mieux faire porter la responsabilité des violences à l’opposition, en cas de dérapages. D’autant qu’il est a priori difficile d’écarter toute possibilité d’infiltration. Ce qui serait une façon, pour le président Condé qui ne s’est toujours pas résolu à démentir clairement les velléités de troisième mandat qu’on lui prête, de rhabiller d’un autre costume sa tentative de passage en force qui est en train d’empuantir l’atmosphère sociopolitique en Guinée. De son côté, l’opposition guinéenne qui se savait attendue au pied du mur et n’avait pas droit à l’erreur, a su prouver qu’elle est capable d’organiser des manifestations sans casse. Il lui appartient à présent de ne pas se laisser avoir à l’usure en évitant de tomber dans la monotonie des manifestations. C’est dire si maintenant plus que jamais, elle doit savoir user de stratégies pour maintenir la flamme de la mobilisation de ses militants contre ce fameux troisième mandat du président Condé.

La plus grosse erreur du chef de l’Etat guinéen, serait de se laisser convaincre qu’il est plus fort que son peuple

 

 

Car, à un an de la prochaine présidentielle, tout porte à croire que le compte à rebours a commencé. Et que conscient de la sensibilité du sujet et de la délicatesse de sa position, le président Condé est désormais dans la logique de prêter le moins possible le flanc à la critique.  Il appartient donc à Cellou Dalein Diallo et à ses ouailles de savoir lire dans son jeu et d’être suffisamment stratégiques dans le déplacement de leurs pions pour pouvoir faire échec  et mate  au roi, le moment venu, dans cette partie d’échecs que le chef de l’Etat a subtilement engagée. Car, s’il est vraiment mu par la volonté irrépressible de prolonger indûment son bail à la tête de l’Etat guinéen comme plusieurs indicateurs tendent à le montrer, il y a des raisons de croire qu’il n’a pas encore abattu sa dernière carte. Et rien ne dit que dans son camp, on n’entreprendra pas bientôt des contremarches pour tenter de prouver à l’opinion tant nationale  qu’internationale, que la position de l’opposition est loin de faire l’unanimité en Guinée.  Un scénario, du reste, déjà expérimenté au Burkina Faso où les partisans de l’exilé d’Abidjan, l’ex-président Blaise Compaoré, en réponse aux manifestations de l’opposition fortement mobilisée à l’époque contre son maintien au pouvoir au terme de son dernier mandat constitutionnel, avaient rempli recto-verso des stades avec parfois des « intercalaires ». On en connaît l’épilogue. Une autre raison, si besoin en était,  pour Alpha Condé, de tirer leçon de l’histoire. En tout état de cause, la plus grosse erreur du chef de l’Etat guinéen, serait non seulement de se laisser convaincre qu’il est plus fort que son peuple, mais aussi de croire que ça n’arrive qu’aux autres. Car, comme le dit un adage africain, « quand tu es juché sur le dos de l’âne et qu’il veut te terrasser, tu n’as pas le temps de voir ses oreilles s’agiter».

 

 « Le Pays »

 


No Comments

Leave A Comment