MASSACRES INTERCOMMUNAUTAIRS AU DARFOUR: Il faut s’attaquer à la racine du mal
C’est avec grand étonnement que l’on vient d’assister aux affrontements intercommunautaires qui auront coûté la vie à plus de 80 personnes et fait plus de 160 blessés avec à la clé, des dizaines de maisons incendiées. Tout serait parti du meurtre d’un homme de la tribu arabe Rizeigat, poignardé à mort dans un marché du camp de déplacés de Krinding, qui a mis le feu aux poudres. Car, en représailles, sa communauté a décidé de s’attaquer au camp, déclenchant ainsi des affrontements meurtriers entre les milices de tribus arabes et non arabes. Et comme si cela ne suffisait pas, un autre affrontement a éclaté en début de semaine en cours, faisant une cinquantaine de morts. Le moins que l’on puisse dire, c’est que cette hécatombe constitue un coup dur pour le Soudan puisqu’elle intervient au moment où le pays est à recherche de ses marques.
Ce pogrom est la preuve, s’il en est, que les cœurs sont loin d’être désarmés. Ce drame, et c’est peu de le dire, vient rappeler que la paix au Soudan, reste encore très précaire. Il est vrai qu’Omar el Béchir qui a longtemps instrumentalisé les communautés, n’est plus aux affaires mais tout laisse croire que la haine qu’il a cultivée durant des décennies entre les communautés, reste encore tenace. C’est, du moins, ce qu’on est tenté de dire au regard de l’ampleur des massacres. En tout cas, tout porte à croire que la confiance ne s’est pas encore installée entre les communautés. Et sans jouer les Cassandre, l’on peut dire que ce n’est pas demain la veille qu’elle sera au-rendez-vous. C’est dire si les nouvelles autorités ont du pain sur la planche.
Cela dit, tant qu’on ne s’attaquera pas à la racine du mal, toute tentative de ramener la paix au Darfour, sera vouée à l’échec. Pour que cette partie de l’Afrique puisse connaître une paix durable, il faut une véritable catharsis. En tout cas, les autorités de la transition doivent mettre un point d’honneur à désarmer les cœurs et à renforcer la cohésion sociale.
Les autorités n’ont autre choix que de veiller à ce que les vieux démons ne se réveillent pas
Certes, ce n’est pas chose aisée, surtout que les conflits identitaires au Darfour datent de Mathusalem tant et si bien que le moindre casus belli engendre une déflagration. Mais si elles veulent d’un pays stable, ces autorités n’ont autre choix que de veiller à ce que les vieux démons ne se réveillent pas. L’on se demande d’ailleurs si le général Abdul Fattah al-Burhan et ses codirigeants n’ont pas eu tort de demander le départ des troupes onusiennes qui ont longtemps contribué à éviter des affrontements intercommunautaires et autres guerres tribales. Ce n’est pas parce qu’on a réussi à chasser Béchir qui a dirigé le pays d’une main de fer pendant plus d’un quart de siècle, que l’on peut croire que tous les problèmes du Soudan ont été réglés comme par enchantement. Les nouveaux dirigeants semblent ignorer que l’on ne peut, par un coup de baquette magique, ramener définitivement la paix dans une région qui a connu une guerre civile qui aura laissé sur le carreau plus de 300 000 morts. Il faut un travail de longue haleine pour y parvenir. Tant que les plaies que portent de nombreux Soudanais dans leurs flancs, ne seront pas cicatrisées, il sera difficile que les populations qui continuent de se regarder en chiens de faïence, puissent fumer le calumet de la paix. Du reste, on en vient à s’interroger d’ailleurs sur l’efficacité des mesures prises pour juguler cet énième affrontement intercommunautaire. L’usage de la force et l’instauration du couvre-feu suffiront-ils à faire entrer les djinns dans leur bouteille ? On attend de voir.
Dabadi ZOUMBARA