MAXIME KABORE, PRESIDENT DU PIB A PROPOS DE LA SITUATION NATIONALE « En lieu et place de l’apaisement des cœurs, on abreuve le peuple de discours haineux»
Le président du Parti indépendant du Burkina (PIB), Maxime Kaboré, a procédé, le 20 février dernier au cours d’un déjeuner de presse à Ouagadougou, au lancement de la troisième voie, une sorte de réponse à l’échec des transformations du système politico-économique mondial. Cette troisième voie est une longue réflexion qui vise à proposer un modèle de développement économique et social, porteur d’espoirs, selon son géniteur qui, à l’occasion, a dépeint un tableau sombre de la situation nationale.
Face au contexte international marqué par les replis identitaires nés de la métastase du péril terroriste et de la crise économique dont sont victimes des pays comme le Burkina Faso, le Parti indépendant du Burkina propose la troisième voie. Elle se présente avant tout, sur le plan doctrinal, comme une tentative de «relecture » du monde contemporain ou plus exactement comme une réponse. Selon le président du PIB, Maxime Kaboré, il s’agit de quitter les considérations idéologiques pour parler des questions économiques, sociales, sécuritaires, bref de développement. Au regard de sa vision, la troisième voie n’exclut pas des centristes et des libéraux, même si elle n’est pas pour le libéralisme. L’essentiel étant de centrer la réflexion sur les problèmes que vivent les populations et de dégager des pistes de solutions, a fait comprendre M. Kaboré. Il a précisé que ce mouvement n’est pas guidé par la conjoncture actuelle ; c’est plutôt le fruit d’une longue réflexion qui vise à renforcer les valeurs humaines, les fondamentaux de la démocratie et des droits humains au Burkina. Selon le président du PIB, après l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014 et le processus de Transition qui a abouti à l’organisation d’élections apaisées, le Burkina Faso est toujours à la croisée des chemins. Car, dira-t-il, le système de santé est sous perfusion, l’insécurité est grandissante, l’économie peine à décoller, l’éducation se porte mal, les syndicats grondent et montent au créneau. Et comme pour ne rien arranger, le gouvernement, a-t-il soutenu, semble être dépassé et tarde à apporter des réponses adéquates aux fortes attentes des populations qui rêvaient d’un Burkina nouveau avec le départ de Blaise Compaoré. Dans un tel contexte, le président du PIB estime que seule l’union des forces, la tolérance et la réconciliation nationale peuvent permettre de faire face aux nombreux défis. « Mais en lieu et place de l’apaisement des cœurs, on abreuve le peuple de discours haineux et on adopte des postures guerrières aussi bien du côté du pouvoir que de l’opposition », déplore-t-il. Maxime Kaboré en appelle à la conscience des Burkinabè et à leur sens élevé de responsabilité pour qu’ensemble, nous sachions raison garder en mettant en avant l’intérêt supérieur du Burkina. Pour lui, l’heure étant grave, il appartient au chef de l’Etat, garant de l’unité nationale et de la cohésion sociale, de concert avec les forces politiques, la société civile et les leaders coutumiers et religieux, d’entamer un dialogue national inclusif afin de promouvoir la paix et la concorde nationale. Et de signifier qu’il est temps de calmer les ardeurs de certains acteurs de son camp. « A l’opposition qui a aussi en son sein des pêcheurs en eaux troubles, il faut savoir que nous n’avons qu’un seul pays : le Burkina Faso », a-t-il lancé. Aux activistes de la société civile, le président du PIB leur dira ceci : « les brebis galeuses doivent rentrer dans les rangs afin que chaque acteur joue pleinement son rôle de veille sociale et citoyenne ». Et de signifier à l’ensemble des acteurs que personne ne sortira vainqueur d’une crise ouverte. « C’est notre cher pays et ses vaillants fils qui sortiront tous perdants », a-t-il averti. Maxime Kaboré a surtout dénoncé le non respect de certaines valeurs et règles de vie en société, qui se caractérise, a-t-il dit, par le développement de la corruption et la dégradation des mœurs, la perte du sens des valeurs traditionnelles, la marginalisation des femmes de manière générale, le développement du banditisme et de la délinquance juvénile, etc.
La culture du civisme
A son avis, il est impératif d’inverser la tendance en installant dans toutes les couches et catégories de la population un comportement nourri par la culture du civisme, de la paix, de la démocratie et des droits de l’homme. Et pour ce faire, il faut plus de fermeté de la part du président Roch Marc Christian Kaboré, préconise celui qui se fait appeler « votre serviteur ». En ce qui concerne la situation sécuritaire nationale, il estime qu’elle exige une réponse globale et non uniquement militaire, tout en reconnaissant que sa résolution définitive dépend en partie de la situation au Mali. S’agissant de la réconciliation nationale, Maxime Kaboré pense que le pardon exige une condition essentielle. La démarche de l’offenseur. Pour lui, il serait souhaitable et même nécessaire que ceux qui ont offensé le Burkina, ceux qui ont commis des crimes, fassent preuve d’une repentance honnête et sincère. Sa vision de la réconciliation est celle qui impliquerait les forces morales, c’est-à-dire une justice traditionnelle qui permettrait de connaître la vérité et d’accorder le pardon sans consacrer l’impunité. Car, de son point de vue, si l’on veut que tous les dossiers soient vidés par la Justice classique, cela risque de prendre beaucoup de temps. Et il en veut pour preuve le dossier Thomas Sankara qui, depuis près de 30 ans, reste toujours non jugé. Selon Maxime Kaboré, on a tendance à catégoriser les victimes. Or, un mort est un mort. Selon le président du PIB, si la démarche de la CODER sur la réconciliation a rencontré des résistances, c’est parce que certains estimaient que certains de ses membres faisaient partie du problème et ne pouvaient, de ce fait, être des solutions. Or, lui, il ne traîne pas de casseroles. Il est donc libre de prêcher l’évangile de la réconciliation. A la question de savoir pourquoi le président du PIB est resté absent de la scène politique depuis quelque temps, il dira qu’il s’était tu de peur de s’exprimer et ne pas être compris, d’autant plus qu’il était considéré comme un dignitaire de l’ancien régime et traité comme tel à travers la confiscation de ses biens. Le président du PIB sera-t-il candidat à la présidentielle de 2020 ? A cette question, Maxime Kaboré fera savoir qu’il évaluera la situation en fonction de la donne politique. Quid de ses relations avec l’actuel président? « C’est mon parent, mais moi, je ne suis pas un courtisan, je n’ai pas un problème avec Roch, je lui dis ce que je pense, je suis un homme libre, (..). Je n’ai pas été candidat en 2015 parce que ce n’était pas opportun, mais en 2020, on verra bien ! (…) s’il ne fait pas les choses comme nous nous l’estimons, on votera pour qui on veut ; moi je suis un homme libre (…) », a répondu M. Kaboré avant d’ajouter qu’il entretient de bonnes relations avec le président du Faso.
Dabadi ZOUMBARA