HomeOmbre et lumièreMEDIAS : Quand l’Administration d’Etat craint la traçabilité

MEDIAS : Quand l’Administration d’Etat craint la traçabilité


L’Administration d’Etat a sérieusement un problème dans son rapport à la transparence, quand il s’agit des médias privés burkinabè. Censée faire de la culture de la traçabilité, une précieuse règle de bonne conduite, c’est elle-même qui travaille à attirer ces médias sur le terrain glissant du laxisme et de la pagaille, bien souvent, à des fins inavouables ou inavouées. L’exemple devrait venir pourtant d’elle. Mais force est de constater que cette Administration ne se montre pas toujours irréprochable dans sa démarche pour  communiquer à travers ces médias.  En effet, il est de plus en plus fréquent que des organes de presse privés soient sollicités par un service de l’Administration publique,  sur la base, tenez-vous bien, d’un simple coup de fil, pour une annonce, un communiqué ou un reportage facturé ! Plus grave, la pratique a cours à des niveaux insoupçonnés de l’Etat et semble même y être  encouragée. Et pourtant, les services de l’Etat qui collaborent avec les médias, sont loin d’ignorer la démarche à suivre, quand il s’agit de recourir aux prestations des médias privés, notamment pour les avis, annonces et certains reportages. Cette démarche consiste, notamment à envoyer un bon de commande à l’organe de presse (c’est l’idéal), ou, à défaut, une lettre qui atteste qu’on est bien demandeur de la prestation.  Une lettre adressée à l’Administration du média, c’est la moindre des choses.  Cela relève même de la courtoisie et  du simple savoir-faire administratif. Du reste, le Premier ministre burkinabè, Paul Kaba Thiéba, lors d’une  rencontre qu’il a eue le 16 mai 2017, à avec des patrons de la presse privée burkinabè dans le cadre du règlement de l’épineux problème de la dette de l’Etat vis-à-vis  de la presse privée, avait invité, à juste titre, les responsables des  médias à travailler à faire en sorte qu’il y ait toujours de la traçabilité quand il s’agit d’offrir leurs prestations à l’Etat. Il pensait, à raison, que c’était la meilleure garantie pour être payé.

 

Les mauvaises pratiques qui avaient cours, ont repris du service

 

L’appel a-t-il été entendu ? Rien n’est moins sûr. En tout cas, le constat aujourd’hui est que  les mauvaises pratiques qui avaient cours, ont repris du service.  En effet, plutôt  que d’adresser un bon de commande, une lettre, pour une couverture médiatique ou pour la  publication d’une annonce, il  arrive toujours, de nos jours, que les médias soient saisis uniquement par téléphone, et souvent à la dernière minute ; comme si l’on avait été surpris par  l’événement ; comme si l’on exécrait le bon de commande ou la simple lettre. Tout cela fait désordre. Tout cela renvoie une très mauvaise image de l’Administration publique ! Passe encore que l’engagement pris au bout du fil donne ensuite lieu à un règlement de la créance. Erreur ! Pour le média sollicité, c’est bien souvent un véritable parcours du combattant pour le règlement de la créance, une fois la prestation faite. Car, ce sont parfois les mêmes qui avaient  sollicité que le média fasse diligence dans l’exécution de la prestation demandée par coup de fil,  qui exigent une preuve écrite attestant qu’ils ont été demandeurs de la prestation.

Ils sont nombreux à vouloir  tirer profit d’une Administration brouillonne et laxiste.

 

Sans traçabilité aucune,  le média, évidemment,  ne peut aller se plaindre nulle part après que le requérant a montré toute sa mauvaise foi. En vérité, ils sont nombreux à vouloir  tirer profit d’une Administration brouillonne et laxiste.  Cela fait leur affaire. Rien de plus étonnant donc qu’on encourage cette pratique, parfois même au plus haut niveau de l’Etat, plutôt que de travailler à l’enrayer, à asseoir une Administration rationnelle et méthodique.  N’ayons pas peur des mots, ce comportement vis-à-vis des organes de presse privés, frise le mépris.  Un ancien Directeur général de la Télévision nationale du Burkina (TNB), n’avait pas eu peur de dire qu’il ne faisait pas bouger son équipe de reportage tant que sa régie n’avait pas encaissé les sous ou reçu un bon de commande ferme. Il n’avait pas tort ; lui qui mesurait certainement tous les risques qu’il prendrait, en comptant sur un simple engagement verbal. L’entreprise de presse, au-delà de sa spécificité, fonctionne comme toute entreprise ou société bien organisée. On ne peut pas lui demander de travailler dans la pagaille et le risque, sans la moindre garantie. Tout ceci relève de la bonne gouvernance, une expression qui rebute certains acteurs de l’Administration publique. Cela dit, chapeau bas à tous ceux qui, dans l’Administration d’Etat, font de la transparence,  leur credo, et qui ne se départissent jamais de cette règle quand il s’agit d’avoir recours aux prestations des médias privés burkinabè.

Par Cheick Beldh’or SIGUE


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