HomeA la uneMEDIATION DE MUSEVENI DANS LA CRISE BURUNDAISE : On ne peut pas mieux assassiner l’alternance

MEDIATION DE MUSEVENI DANS LA CRISE BURUNDAISE : On ne peut pas mieux assassiner l’alternance


La crise burundaise n’en finit pas de faire parler d’elle. En effet, désigné le 6 juillet comme nouveau médiateur dans la crise burundaise par ses pairs de l’EAC (East Africa Community) au sommet de Dar-es-Salaam, le grand dictateur de Kampala, Yuweri Museveni, a atterri hier, 14 juillet 2015 à Bujumbura pour, en 24 heures, administrer à la nation burundaise malade, la potion magique qui va la tirer d’affaire !

Même si les guérisons miraculeuses existent, on ne peut s’empêcher de douter de l’efficacité de cette thérapie à la Museveni.

Que peut faire ce nouveau médiateur en 24 heures et à moins d’une semaine de l’élection ?

D’abord, en raison même de la qualité de ce médecin appelé au chevet du malade. De quel bon prêche pour l’alternance peut se prévaloir Museveni, lui-même un accroc du pouvoir, aux commandes depuis bientôt trois décennies? Quels égards ce dictateur qui embastille son opposition peut-il accorder à l’opposition burundaise ? Autant d’interrogations qui font d’ailleurs douter de l’innocence du choix porté par les chefs d’Etat de l’EAC sur la personne de Museveni au penchant bien évidemment favorable à Nkurunziza. Tout se passe comme si, sachant que Museveni ne pouvant s’autoflageller, les chefs d’Etat de l’EAC l’avaient désigné pour accompagner Nkurunziza dans sa forfaiture. Il ne sera donc autre qu’une torpille pour doucher les espoirs du peuple burundais. De ce fait, on peut dire que l’échec de la mission

est déjà consommé avant même d’avoir commencé, car elle ressemble bien plus à un soutien déguisé à Nkurunziza qu’à la recherche de nouvelles alternatives pour la paix et la démocratie au Burundi. Et on se demande bien d’ailleurs pourquoi l’opposition n’a pas récusé Museveni qui est bien pire que Saït Djinnit, car on n’est crédible que quand on est compétent dans le domaine où l’on prétend donner des conseils et que l’on met en pratique pour soi-même ce que l’on dit aux autres.

Ensuite, en lui accordant le bénéfice du doute, que peut faire ce nouveau médiateur en 24 heures et à moins d’une semaine de l’élection ? Même si le parti au pouvoir et l’opposition semblent disposés à écouter le message du nouveau médiateur, il n’en demeure pas moins que les lignes de clivage sont profondes et que les positions sont encore bien cristallisées. Nkurunziza reste plus que jamais arc-bouté sur son élection dont il veut se saisir pour légitimer la répression dirigée contre les contestataires et asseoir par la corruption son pouvoir face à une opposition qui, égale à elle-même, réclame toujours un dialogue sans sujets tabous, y compris sur le troisième mandat et la définition d’une date consensuelle pour de nouvelles élections. On peut d’ailleurs douter de la pertinence de la feuille de route que l’EAC, à travers son médiateur, tente de proposer pour sortir de ce face-à-face entre Nkurunziza et son opposition, en l’occurrence un gouvernement d’union nationale à l’issue des élections. En effet, comment l’opposition peut-elle participer à un gouvernement issu d’élections auxquelles elle n’a pas pris part ? Comment peut-elle, sans vendre son âme au diable, enjamber les corps des macchabées tombés sous les balles assassines de Nkurunziza pour aller composer avec lui dans un gouvernement ? Et que vaut un tel attelage dans un contexte où une partie de l’armée s’est déclarée ouvertement en rébellion contre Bujumbura et ne fait pas mystère de ses ambitions de venir déloger Nkurunziza ?

La position de l’Union africaine qui s’est emmurée dans une tour de silence est incompréhensible

Visiblement, plus qu’à une action, c’est à une gesticulation que s’est livré Museveni, avec la bénédiction des dictateurs sous-régionaux qui suivent la crise burundaise comme un cas d’école qui leur fournira le nécessaire pour moduler et affiner leurs scénarii afin de tripatouiller leurs constitutions. Et tant pis, si les frais à payer sont l’embrasement de la sous-région, avec ce ton qui monte entre Bujumbura et Kigali. Pendant ce temps, le peuple burundais sue son sang par ses pores et cela n’émeut personne! Mais l’opposition burundaise doit déjouer ce complot sur fond d’hypocrisie, ourdi par ces sauriens des eaux boueuses des Grands Lacs pour éviter d’aller aux élections, leur déniant ainsi toute crédibilité et toute légitimité.

Toutefois, l’opposition burundaise ne saurait être laissée à elle-même face à la confrérie de sorcières qui tente de l’endormir au moyen des manèges de Museveni pour s’emparer de son âme. Et c’est en cela que devient incompréhensible la position de l’Union africaine (UA) qui, après le sommet de Johannesburg, s’est emmurée dans une tour de silence. La communauté internationale, elle, tétanisée, assiste impuissante à la descente aux enfers du Burundi. Elle se réveillera sur le tard comme au Rwanda, quand le pire se sera produit, mais son apathie et son attentisme actuels pourraient être des charges retenues contre elle, quand elle comparaîtra devant le tribunal de l’histoire pour non-assistance au peuple burundais en danger.

« Le Pays »


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