MENACE DE DISSOLUTION DE L’ASSEMBLEE NATIONALE PAR TSHISEKEDI:Un pari risqué mais qui vaut la peine d’être tenu
A la recherche d’une nouvelle majorité à l’Assemblée nationale, le président congolais, Félix Tshisékédi, qui s’est résolu à faire le deuil de la coalition FCC-Cach qui l’a amené au pouvoir et dont il a prononcé la fin le 6 novembre dernier, n’exclut pas de dissoudre l’Assemblée nationale pour s’octroyer une nouvelle légitimité parlementaire auprès du peuple. Et pour cause. S’adressant à ses compatriotes au terme d’une large campagne de consultations tous azimuts, le chef de l’Etat congolais a fait remarquer que la coalition gouvernementale FCC-Cach « ne m’a pas permis de mettre en œuvre mon programme et de répondre aux attentes des Congolais ». Il évoque aussi une situation de « crise persistante » dans laquelle il n’est pas loin d’être l’otage de son allié de circonstance largement dominateur à l’Assemblée nationale où il n’est pas à l’abri de blocage parlementaire. La question que l’on peut se poser est de savoir si en faisant voler en éclats la coalition avec son prédécesseur, Joseph Kabila, Félix Tshisékédi pourra réunir le nombre de députés nécessaires pour se constituer une nouvelle majorité. On attend de voir.
L’argent aura sans nul doute son mot à dire
Mais quand on sait l’assise du FCC qui n’a pas manqué de surfer sur la longévité au pouvoir de Joseph Kabila pour rafler la mise aux dernières législatives, il y a lieu de croire que la recherche, par le président Tshisékédi, d’une nouvelle majorité à l’Assemblée nationale, est un défi qui n’est pas gagné d’avance. D’autant qu’au sortir du double scrutin législatif et présidentiel de fin décembre 2018, sur le demi-millier de députés élus, l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) de Félix Tshisékédi n’en comptait qu’une cinquantaine à peine, là où le Front commun pour le Congo (FCC) de Joseph Kabila en revendiquait plus de 300 avec, à la clé, une mainmise sur la quasi-totalité des 109 sièges au Sénat. Aussi peut-on dire que c’est un pari risqué, d’autant plus que rien ne garantit qu’en cas d’échec et de dissolution de l’Assemblée nationale, Félix Tshisékédi pourra gagner de nouvelles élections pour se constituer une majorité parlementaire sans le FCC.
C’est pourquoi l’on est curieux de savoir par quelle magie il procédera pour renverser la situation en sa faveur en parvenant à ses fins. Déjà, le FCC dénonce des tentatives de débauchage de certains de ses députés contre de lourdes espèces sonnantes et trébuchantes. C’est dire si bien plus dans cette RD Congo que partout ailleurs, l’argent aura sans nul doute son mot à dire. Mais cela sera-t-il suffisant ? On attend de voir. En tous les cas, il n’est pas difficile de se convaincre que c’est un Kabila amer qui ne restera pas les bras croisés, s’il ne met pas un point d’honneur à tailler des croupières au chef de l’Etat afin de l’obliger à la cohabitation, dès lors qu’il ne veut plus d’une coalition.
En tout état de cause, c’est un pari qui vaut la peine d’être tenu si le chef de l’Etat congolais qui est visiblement à l’étroit dans sa relation étouffante avec son encombrant allié de circonstance, veut se donner des chances de réaliser son programme. A l’épreuve du pouvoir, Fashi paie une fois de plus sa compromission avec Kabila dans le deal foireux qui l’a porté au pouvoir certes.
Félix Tshisékédi n’a pas vraiment le choix
Mais quand on sait que cet attelage au sommet de l’Etat en RD Congo est issu d’élections fortement contestées, on se demande si le président Tshisékédi n’a pas finalement une carte à jouer face à son puissant allié, en cas de nouveau vote. En effet, étant donné le rôle joué à l’époque par la Ceni de Corneille Nangaa dans la razzia du FCC lors du scrutin législatif, on peut se demander si dans les circonstances actuelles où le pouvoir, quoi qu’on dise, a changé de main pour se retrouver dans celle de Tshisékédi fils, la plateforme de Joseph Kabila réussira à réaliser les mêmes performances en cas de nouvelles consultations populaires.
D’autant qu’en Afrique, on n’organise généralement pas des élections pour les perdre, surtout quand on a des institutions à sa solde. La question est de savoir si les conditions s’y prêtent pour le président Tshisékédi. Quoi qu’il en soit, dans sa position actuelle où il veut se donner les coudées franches dans son action, Félix Tshisékédi n’a pas vraiment le choix que de chercher à sortir de l’ombre de son envahissant allié. Mais on est aussi porté à penser que le moment choisi pour aller à la rupture, n’est pas le fruit d’un hasard. Mieux, c’est une décision qui semble avoir été mûrie et préparée, surtout au sortir de larges consultations qui ont sans doute permis au chef de l’Etat, de juger de l’opportunité de l’affaire. C’est pourquoi l’on espère que le président congolais ne s’est pas lancé tête baissée dans ce bras de fer sans un minimum de garanties. Car, s’il a, a priori, tout à y gagner, il pourrait tout aussi tout y perdre. C’est pourquoi l’on attend de voir comment il va amorcer ce virage qui est, selon ses propres dires, « un tournant décisif dans la construction démocratique » de son pays.
« Le Pays »