HomeA la uneMENACE DE RUPTURE DIPLOMATIQUE AVEC PARIS : L’attitude suspecte de Kagamé

MENACE DE RUPTURE DIPLOMATIQUE AVEC PARIS : L’attitude suspecte de Kagamé


« Je t’aime, moi non plus ». Ainsi pourrait-on caricaturer les relations entre le Rwanda de Paul Kagamé et la France. Et pour cause : l’ouverture d’une enquête par la justice française sur l’assassinat du président Juvénal Habyarimana, le 6 avril 1994. Ce jour-là, des tirs de missiles ont fait voler en éclats l’avion qui le ramenait de Tanzanie, avec son homologue burundais, Cyprien Ntaryamina, après qu’ils eussent participé à un sommet consacré aux crises de leurs deux pays. Si les circonstances exactes et les responsabilités de cet attentat n’ont jamais été véritablement élucidées, deux hypothèses antagoniques ont cependant fait florès. L’une incriminant Paul Kagamé, alors chef du Front patriotique rwandais (FPR), et l’autre, des extrémistes hutus à qui l’on prêtait des velléités de faire échouer les accords d’Arusha qui les contraignaient au partage du pouvoir avec d’autres partis dont le FPR. Toujours est-il qu’au terme de son enquête, le juge français, Jean-Louis Bruguière, qui était en charge du dossier à l’époque, avait rendu une ordonnance concluant à la responsabilité de Paul Kagamé et plusieurs de ses collaborateurs. Mais les choses n’en resteront pas là puisque le principal témoin du juge Bruguière, reviendra sur son témoignage après la publication de l’ordonnance. Mieux, en 2012, le juge antiterroriste, Marc Trévidic, qui a succédé à Jean-Louis Bruguière, après un rapport balistique, conclura que l’avion a « vraisemblablement » été abattu par des tirs d’extrémistes hutus. Depuis, le dossier était resté en veilleuse jusqu’à ce qu’il soit récemment relancé par l’intérêt des enquêteurs français pour le témoignage de Kayumba Nyamwasa, un ex-général rwandais entré en dissidence avec Paul Kagamé et qui accuse sans coup férir le président rwandais d’être l’instigateur de l’attentat. Il n’en fallait pas plus pour donner de l’urticaire au maître de Kigali qui n’est pas passé par quatre chemins pour menacer de rompre ses relations diplomatiques avec la France, comme ce fut le cas entre 2006 et 2009, lorsque, dans la même affaire,  un mandat d’arrêt avait été lancé contre certains de ses proches.

 

L’on se demande si l’enquête aboutira un jour à la manifestation de la vérité

 

Le moins que l’on puisse dire, c’est que dans cette histoire, Paris et Kigali semblent jouer à se faire peur. Et quand l’un brandit la menace de s’intéresser à un témoin qui peut être autrement plus gênant pour l’autre, ce dernier n’hésite pas à brandir l’épouvantail de la rupture des relations diplomatiques. Le fait est que dans cette sombre affaire, l’Histoire a aussi retenu le rôle trouble que la patrie des droits de l’Homme a joué dans la tragédie qui a suivi ce drame. D’ailleurs, pour Paul Kagamé, « c’est la France qui devait être sur le banc des accusés et personne au Rwanda ». Si la colère du président rwandais est fort compréhensible, ce qui peut l’être moins, c’est son aversion subite pour une éventuelle audition de son ex-allié, d’autant plus qu’il avait semblé, dans un premier temps, ne pas y voir d’inconvénients. Si fait qu’avec cette volte-face, l’on n’est pas loin de croire qu’il a certainement quelque chose à se reprocher. En tout cas, son attitude est suspecte. Car, vu la qualité du témoin et sa réaction pour le moins primesautière, l’on ne peut s’empêcher de penser qu’il ne veut certainement pas que l’on pense qu’il est mêlé, de près ou de loin, à cette affaire. Mais le hic, c’est que l’on a le sentiment que l’amalgame est fait de sorte à ce que tout ce qui touche à l’individu Paul Kagamé, soit considéré comme une affaire d’Etat. Or, dans cette affaire, ce n’est pas l’Etat rwandais qui est mis en cause, puisque c’est lui qui a été lésé par l’assassinat de celui qui incarnait, à l’époque, le pouvoir.

Mais que l’on ne s’y méprenne pas. Kagamé ne saurait être le seul mis à l’index. Et tous ces développements ne sauraient en faire un coupable tout désigné. Du reste, dans ce bras de fer qui l’oppose à la France depuis près de deux décennies, il n’est jamais passé par des circonlocutions pour accuser les soldats français d’avoir été « complices », mais aussi « acteurs »  du massacre des populations tutsi entre avril et juillet 1994, dans un génocide qui a fait plus de 800 000 morts. Et l’on ne peut pas dire que la France ait vraiment réussi à dissiper les soupçons dans cette affaire où Paul Kagamé semble la tenir, quelque part, par la barbichette.

A ce rythme, l’on se demande si l’enquête aboutira un jour à la manifestation de la vérité. Peut-être, faudrait-il, pour cela, laisser tous les dossiers ouverts ! Ce que Kagamé verrait certainement d’un très mauvais œil.

 

Outélé KEITA

 


Comments
  • Mr le journaliste, le titre de votre article est malhonnête. en quoi l’attitude de Kagamé est suspecte? Qu’entendez-vous par suspecte?

    12 octobre 2016

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