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MEVENTE DU SUCRE A LA SN SOSUCO : Les travailleurs bloquent l’axe Banfora-Bobo


La mévente du sucre et la précarité dans laquelle se trouvent les employés de la SN SOSUCO les ont conduits à bloquer la RN7 qui relie Banfora à Bobo-Dioulasso toute la matinée du lundi 31 août 2015. Il faut dire que c’est après l’arrivée du haut-commissaire de la Comoé, Clarisse Bayala, sur les lieux, que les grogneurs ont accepté de libérer la voie. Pour le DG de l’entreprise, Mouctar Koné, qui a lui-même été empêché d’accéder à son bureau par les barricades, la SN SOSUCO est au bord du gouffre.

 

C’est la délivrance d’une Autorisation spéciale d’importer (ASI) du sucre, signée du ministre du Commerce Hippolithe Dah, le 13 août 2015, au profit d’une société du nom de SICOM pour importer 2 000 tonnes de sucre du Brésil, qui est à l’origine de cette action musclée des employés de la SN SOSUCO, ce lundi 31 août 2015. Au niveau du croisement des routes Banfora-Bobo et Banfora- Orodara, personne ne pouvait passer. Plusieurs dizaines de véhicules étaient prises dans ce blocus que les ouvriers ont savamment organisé à l’aide des gros engins servant au transport de la canne à sucre. L’un des premiers que nous avons rencontrés, Mamadou Ouattara dit Pantiori, a amplement situé les enjeux de leur débrayage. « Nous sommes à quelques semaines de la reprise de la production du sucre pour la campagne 2015-2016. Mais dans nos magasins qui se

trouvent à Bobo et à Banfora, nous avons toujours plus de 20 000 tonnes de sucre. Et pendant que nous entendons dire que nous risquons d’avoir des problèmes de salaire, il nous revient que le Gouvernement, à travers le ministre du Commerce, vient d’autoriser l’importation de 2 000 tonnes de sucre du Brésil ; cela, nous ne pouvons pas le tolérer » a-t-il expliqué. Brandissant ledit ASI, il poursuit que « le ministre signataire de l’ASI était personnellement en compagnie du président de la Transition le 20 février 2015 à la SOSUCO puis à Banfora où la question de la mévente a été soulevée par plus d’un habitant de la région. En son temps, ces autorités ont pris l’engagement de résoudre le problème ; donc nous ne comprenons pas pourquoi le même ministre délivre une autorisation sans s’en référer à l’observatoire du sucre ».

A sa suite, un autre manifestant ajoute que du fait de la mévente, une partie de la production de la dernière campagne, qui était entreposée dans la cour de l’entreprise, a été détériorée par la pluie. Au démarrage de la prochaine campagne, il faudra d’abord recycler ce sucre pour le rendre propre à la consommation, dit-il. Et de conclure que « voilà pourquoi, d’une manière spontanée, et comme un seul homme, les travailleurs se sont mobilisés pour se faire entendre ». Pour d’autres manifestants, nettement plus jeunes que Mamadou Ouattara, il n’y a que ce genre d’actions musclées au Burkina d’aujourd’hui pour se faire entendre. De son avis, c’est la raison pour laquelle les travailleurs ont décidé, comme ils l’ont déjà fait de par le passé, de bloquer cette voie.

Des usagers mécontents

Leur cri de cœur est certes compris par certains usagers de la route, quand bien même ceux-ci n’étaient pas contents d’être ainsi pris en otage. Etaient de ceux-là, Abdoulaye Barry, un compatriote vivant en Italie qui revenait de Niangoloko avec sa famille dont certains membres devraient prendre le car à 13 heures à partir de Bobo pour le Mali. Bien qu’ignorant le motif réel de ce blocage, monsieur Barry avoue qu’il n’est pas content de voir pareille manifestation dans son pays d’origine. C’est pourquoi il a souhaité que les autorités prêtent une oreille attentive aux réclamations des travailleurs car, selon lui, à chaque problème, il y a des solutions. « Dans tous les cas, ce sont ces populations qui élisent les gouvernants et elles ne doivent pas être traitées d’une certaine manière », a-t-il lancé.

Mais tous les usagers ne semblaient pas soutenir les grogneurs car pour certains, la RN7 en tant que route internationale ne devrait pas être prise en otage par des manifestants, pour quelque raison que ce soit. Qu’à cela ne tienne. Les travailleurs ont fait la sourde oreille. Ils sont même allés jusqu’à interdire le transfert de passagers et de marchandises que les transporteurs avaient trouvé comme alternative. Leur mouvement, il faut le dire, a bénéficié une fois de plus de l’assistance des chefs des villages riverains du périmètre sucrier. Mobilisés au même titre que les travailleurs, ils ont tenu à leur apporter leur soutien. « Si nous sommes ici présents, c’est à cause de l’avenir de la région. Les travailleurs de la SOSUSCO se défoncent mais ils n’ont pas le bénéfice de leurs efforts. C’est pourquoi nous nous sommes mobilisés à leurs côtés pour demander aux dirigeants du pays de se pencher sérieusement sur la question de la mévente car, sans cette entreprise, plus rien ne va marcher dans la région des Cascades. C’est parce qu’il y a des salariés que nous comptons parmi nous des cultivateurs, éleveurs, commerçants et autres artisans. Si ceux-ci ne sont plus payés du fait de la mévente, que vont devenir ces milliers de personnes qui peuplent la région ? », s’est indigné Dafing Drissa qui parlait au nom des chefs des villages riverains.

Les passagers sont ainsi restés bloqués jusqu’aux environs de 12 heures. Et c’est suite à l’arrivée de Clarisse Bayala, haut-commissaire de la Comoé, qui a invité les responsables de la SOSUCO à une rencontre de crise dans la soirée, que les manifestants ont libéré la voie.

Mamoudou TRAORE

Mouctar Koné, DG de la SN SOSUCO

« Si au cours de ce mois de septembre qui commence, nous ne vendons pas au moins 5 000 tonnes de sucre, nous ne pourrons pas payer les salaires à la fin du mois. Jusqu’à la fin août 2015, la SOSUCO doit 2 milliards et demi aux banques. Quand nous vendons et que l’argent arrive à leur niveau, elles retiennent d’abord leur dû et c’est ce qui reste qui nous permet de payer les salaires. Présentement, nous avons des pièces de rechange en douane que nous ne pouvons pas sortir et les fournisseurs ne nous livrent plus. Même pour le carburant, nous rencontrons d’énormes difficultés et ce n’est pas parce que nous n’avons pas bien produit. Nous avons même produit plus que ce que nous avions prévu, mais nous avons en stock aujourd’hui du sucre d’une valeur de plus de 12 milliards de francs CFA. Avec ça en principe, nous pouvons fonctionner normalement et préparer la campagne sans problèmes. En termes de stock, nous avons dans nos magasins à Banfora et à Bobo-Dioulasso exactement 12 000 tonnes de sucre en morceaux et 8 000 tonnes en poudre. Alors que la campagne 2015-2016 doit prendre son envol le 1er novembre, c’est-à-dire dans deux mois. Au cours du seul mois de novembre 2015, nous comptions produire entre 5 et 6 000 tonnes de sucre et en décembre, nos ambitions étaient de 7 et 8 tonnes. C’est dire que nous aurons entre 12 et 14 000 tonnes à peu près avant décembre 2015. Mais nous n’avons plus de place pour stocker. Cela veut dire qu’il sera quasiment impossible de produire puisque nous n’avons pas de place pour mettre le sucre. Alors que la canne est une plante qui arrive à maturité à un moment bien précis et ce moment passé, si elle n’est pas récoltée, ça devient de la paille. Sachez que de janvier à mai 2015, ce sont 46 800 tonnes de sucre qui sont entrées légalement au Burkina. Si on tient compte de ce qui est entré illégalement, cela veut dire qu’on frôle les 100 000 tonnes entrées au pays. A partir de là, on comprend pourquoi notre sucre ne sort plus. Le sucre fraudé ne payant pas les droits d’entrée, ça veut dire qu’il coûte nettement moins cher que celui de la SOSUCO sur le marché. Sans oublier que le sucre importé légalement est subventionné par l’Etat, puisqu’il est dédouané suivant une valeur de référence qui est en dessous de la valeur réelle du sucre ».

  1. T.

 


Comments
  • Frères et soeurs travailleurs de la SOSUCO, vous avez mon soutien total, même s’il ne pèse pas lourd. Devant votre cri de détresse, le mot d’ordre du Président, Thomas Isidore Noël SANKARA prend tout son sens: “produisons burkinabé, consommons burkinabé”. Et qu’on ne me dise pas que c’est du nationalisme étroit. Tous les pays du monde à commencer par les plus grands protègent d’une manière ou d’une autre leurs industries. Comment des pays comme le nôtre qui ont une industrie embryonnaire peuvent se permettre le luxe d’appliquer sans discernement la politique ultra-libérale qui est loin d’être appliquée par ces concepteurs. j’invite donc les autorités de la transition et en l’occurrence, le Ministre du commerce, à revoir leur copie et ne pas faire la politique de l’autruche au risque d’être taxés de “préparer” leur prochaine sortie de la scène. Sinon, si telle est vraiment la situation de la SOSUCO, ci-dessus dépeinte, il n’est pas économiquement et rationnellement explicable qu’on délivre en ce moment des ASI pour importer du sucre, surtout lorsque, par ailleurs, nos frontières sont poreuses et que certains opérateurs économiques anti-patriotes se livrent à leur sport favori qu’est la fraude avec parfois la bénédiction des soldats de l’économie. Donc, travailleurs de la SOSUCO, vous êtes avertis, “seule la lutte paie et libère l’homme”, dixit le Président SANKARA. Doncc, luttez, luttez et luttez encore et encore, jusqu’à ce que votre cause soit entendue par qui de droit ou de devoir.
    VIVE LA LUTTE DES TRAVAILLEURS DE LA SOSUCO!!! VIVE LE BURKINA FASO!!!

    1 septembre 2015
  • Dans cette affaire d’autorisation spéciale d’importation de 2000 tonnes de sucre, alors que la SN-SOSUCO qui est l’industrie nationale ploie dans ses magasins avec 20.000 tonnes de sucre est tout à fait incompréhensible ! Il faut que le Ministre du Commerce de la Transition fasse diligence pour donner des explications à l’opinion sinon c’est pas évidemment catholique ! Comment l’autorité nationale peut-elle contribuer par ses décisions à fragiliser ou à liquider nos entreprises locales ? N’a-ton pas dit que plus rien ne sera comme avant Monsieur le Ministre ? L’opinion publique attend vos explications s’il y’a n’en ! Salut!

    2 septembre 2015

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