MODIFICATION DE LA LOI PORTANT CODE ELECTORAL : L’opposition politique dénonce « une fraude électorale en préparation »
Les groupes parlementaires de l’opposition politique ont animé, le 31 juillet 2018 au siège du Chef de file de l’opposition politique (CFOP) à Ouagadougou, une conférence de presse relative au vote du projet de loi modificative de la loi 014 portant Code électoral. Une rencontre au cours de laquelle l’opposition politique a dénoncé de façon quasi unanime ce qu’elle considère comme une fraude électorale en préparation, par le pouvoir en place et sa majorité parlementaire. Et elle compte empêcher cette fraude.
Les conférenciers du jour ont une conviction : le retrait de la carte consulaire (biométrique) des documents de votation pour les élections nationales de 2020 au Burkina Faso, expose les citoyens burkinabè de l’extérieur à des dangers, en plus de les exclure des scrutins et de la participation à la vie de la Nation. Pour eux, le projet de loi a été présenté comme une garantie de la participation des Burkinabè de l’extérieur aux scrutins à venir, alors que l’analyse du dossier montre tout le contraire. Ils rappellent que le projet de Code électoral modifié, le 30 juillet 2018, par les députés de la majorité présidentielle, impose désormais comme documents de vote, la Carte nationale d’identité burkinabè (CNIB) et le passeport burkinabè, excluant la carte consulaire que la loi 005-2015 CNT avait pourtant prévue. Autre fait rappelé : en octobre 2017, à la rencontre des ambassadeurs et consuls généraux et honoraires à Abidjan, il est ressorti que la carte consulaire est biométrique et sécurisée, avec la mention au verso indiquant que cette carte tient lieu de CNIB. Mieux, selon le processus de la participation des Burkinabè de l’extérieur aux élections, lancé en 2009, le vote de ces derniers devrait être effectif en 2015 avec comme documents de votation, la carte consulaire, la CNIB et le passeport. Aujourd’hui, le gouvernement doute de la fiabilité de la carte consulaire au point de l’exclure des documents de votation, alors que c’est le même gouvernement qui est responsable de sa fiabilité, à entendre les conférenciers. Par les effets de la loi modificative votée, ce sont des milliers, voire des millions de Burkinabè qui seront exclus des scrutins à venir alors qu’à longueur de discours, disent les conférenciers, les autorités soulignent l’importance de la participation des Burkinabè de l’extérieur à la vie de la Nation, comme l’illustre le forum des Burkinabè de l’extérieur, récemment organisé à Ouagadougou.
Quid des droits attachés à la carte consulaire ?
Pour les conférenciers, le gouvernement expose les compatriotes à l’étranger à des difficultés. Quelle valeur les agents chargés des contrôles de police attacheront-ils désormais à la carte consulaire ? Peut-elle justifier l’identité de son détenteur quand le gouvernement burkinabè qui contrôle le processus de délivrance des cartes consulaires doute de leur fiabilité ? Autant de questions que se posent les opposants.
Le pouvoir doit expliquer les raisons du retrait de la carte consulaire biométrique des documents de votation
Pour ne pas être complices de ce qu’ils qualifient de recul démocratique, les députés des groupes parlementaires de l’opposition politique (UPC, CDP et PJRN), après avoir exposé et défendu leur position au cours du débat général à l’hémicycle, ont quitté la salle, indiquent-ils. Si la carte biométrique est mise en cause, c’est la biométrie qui est mise en cause, selon plus d’un député de l’opposition parlementaire. Ce qui est biométrique ne doit pas souffrir d’anomalie, à les entendre. Qu’est-ce qui identifie un Burkinabè de l’extérieur ? Qu’est-ce qui le différencie de son compatriote de l’intérieur ? Se demandent-ils ? En clair, précisent-ils, la rhétorique politique du MPP, consistant à dire que certains compatriotes à l’étranger détenant la carte consulaire ne sont pas des Burkinabè, est très dangereuse. Autre point d’inquiétudes, la loi votée prévoit que les opérations de vote pour les Burkinabè de l’extérieur se déroulent dans les ambassades et les consulats uniquement, rappellent les conférenciers. Ce qui les rend inquiets quant à la capacité des représentations diplomatiques et consulaires dans certains pays, à recevoir les compatriotes dans leurs enceintes. Même si les autorités en place veulent travailler à élaborer des CNIB pour les Burkinabè de l’extérieur, l’opposition politique ne croit pas à cette éventualité. Sur quelle base, avec quels moyens et pendant combien de temps d’ici 2020 ? Fulminent certains conférenciers. Gilbert Noël Ouédraogo a rappelé que, pour avoir une CNIB à l’étranger, il faut avoir un acte de naissance personnel, celui d’un des géniteurs nés au Burkina ou d’un grand-père ou arrière-grand père pour l’établissement du certificat de nationalité burkinabè avant d’avoir enfin la CNIB. Ce qui, à son avis, montre que les autorités ne peuvent offrir des CNIB aux Burkinabè de l’étranger dans les délais prescrits, avant les élections de 2020. Pourquoi tant de bruit autour du vote des Burkinabè de l’étranger malgré les concertations entre le CFOP et le président du Faso ? Pour Zéphirin Diabré, Chef de file de l’opposition politique et président de l’UPC, les concertations entre le président du Faso et l’opposition politique ont porté sur des questions majeures de la vie de la Nation et la dernière remonte à juin 2016. Elle portait sur la nouvelle Constitution et le vote de la diaspora burkinabè, selon l’ordre du jour présenté par le président du Faso. Il indique que, jamais un consensus ne s’est dégagé sur la question du vote des Burkinabè de l’extérieur et le CFOP a toujours exigé la CNIB, la carte consulaire et le passeport comme documents de votation, à l’entendre. Sur le système d’enrôlement des électeurs, Zéphirin Diabré et ses camarades de l’opposition révèlent qu’il est question que l’Office national d’identification (ONI) fournisse, chaque année, à la Commission électorale nationale indépendante (CENI), les électeurs qui auront eu 18 ans. La CENI se chargera, ajoutent-ils, de les contacter individuellement pour savoir le lieu où chacun d’eux désire voter. Ce qui, à leur avis, révèle une fraude informatique en préparation, quand on sait, allèguent-ils, que l’ONI relève du ministère de la Sécurité. L’opposition politique n’acceptera jamais que le fichier électoral soit adossé au ficher de l’ONI, répète un député. C’est avec l’adoption du Code électoral, hier 30 juillet, que j’ai compris le sens du « mouta mouta », ajoute un autre député. La grande interrogation finale, pour les conférenciers, est la suivante : pourquoi le gouvernement qui défendait bec et ongle la carte biométrique, n’en veut-il plus aujourd’hui ? Le peuple burkinabè ne doit pas être victime d’une bagarre entre « amis », se lâche un conférencier. Il appartient désormais au pouvoir d’expliquer clairement au peuple le sens du retrait de la carte biométrique consulaire des documents de votation. Chaque jour, le pouvoir sème les graines de la colère du peuple, répète Zéphirin Diabré. Et la somme des graines collectées provoquera un jour la grosse colère, prévient-il.
Lonsani SANOGO