HomeA la uneMOTION DE CENSURE CONTRE LE PRESIDENT SUD-AFRICAIN : Ramaphosa s’est-il véritablement tiré d’affaire ?  

MOTION DE CENSURE CONTRE LE PRESIDENT SUD-AFRICAIN : Ramaphosa s’est-il véritablement tiré d’affaire ?  


Le président sud-africain, Cyril Ramaphosa, l’a échappé belle. En effet, les parlementaires de l’opposition qui réclamaient sa tête suite au scandale dans lequel il s’est empêtré, ne l’ont finalement pas eue en raison du soutien de son parti, l’ANC, qui a fait bloc pour barrer la route à la motion de censure lancée contre lui. En rappel, Ramaphosa est au centre d’une affaire dans laquelle il est accusé d’avoir caché à la police et au fisc, un cambriolage dans l’une de ses propriétés privées où il fait l’élevage de bovins rares. En effet, des intrus se sont introduits, en février 2020, dans la ferme et sont repartis avec un butin de 580 000 dollars dénichés sous les coussins d’un canapé. Selon la plainte qui a fait éclater le scandale en juin, il s’agirait d’argent sale. Ce dont se défend le président qui affirme plutôt que la somme résulte de la vente de 20 buffles. Le rapport parlementaire qui a été mis sur pied à la suite de ces évènements a, en tout cas, conclu que Cyril Ramaphosa « a pu commettre » des actes violant la loi dans le cadre de cette affaire aux relents de corruption.

 

Cyril Ramaphosa est au creux de la vague et rien ne dit qu’il en échappera

 

Mais si l’homme échappe à la motion de censure qui aurait pu ouvrir la voie à une probable destitution, il n’en demeure pas moins coupable des faits qui lui sont reprochés. Et c’est véritablement là que le bât blesse. Et pour cause. L’on a, en effet,  la terrible impression qu’après l’emblématique Nelson Mandela, l’Afrique du Sud est frappée, au sommet, par une malédiction. Car, les présidents qui se sont succédé au sommet de l’Etat,  ont tous fait pâlir les couleurs de l’arc-en-ciel qui symbolise la Nation sud-africaine et de ce fait, ont été renvoyés tels des malpropres, de la présidence. Le premier à être victime du signe indien ou plutôt sud-africain, est Thabo Mbéki,  contraint à la démission le 21 septembre  2008, après avoir été mis en cause dans des interférences politiques dans le non-lieu prononcé par le juge dans un dossier de corruption concernant son vice-président, Jacob Zuma. Jacob Zuma, justement, qui lui succède, n’aura pas meilleur sort. Empêtré dans de nombreux scandales dont les plus célèbres sont l’affaire de sa villa privée de Nkandla, l’affaire de l’autorisation accordée à la famille Gupta du nom d’un riche homme d’affaires sud-africain d’origine indienne pour l’utilisation d’une base militaire à des fins privées ou  les pots-de-vin dans l’affaire Thint Thomson-CSF, il finit, lui aussi, par être évincé du pouvoir. Aujourd’hui, c’est Cyril Ramaphosa qui est au creux de la vague et rien ne dit qu’il en échappera même s’il a obtenu, pour l’instant, un court répit. Sans nul doute que ses adversaires vont se pourvoir autrement et reviendront à la charge, surtout quand on sait qu’il n’est pas exclu que cette affaire qui le secoue, ne soit que la partie visible d’un iceberg. Mais pourquoi le sort s’acharne-t-il autant sur les dirigeants de l’ANC ?  Telle est la question que l’on pourrait se poser.  Une chose est certaine : il  n’y a point de main cachée du destin qui agit contre l’élite de l’ANC.  Ce qui arrive aux dirigeants successifs de l’Afrique du Sud, est le résultat de la compromission.

 

Les scandales à répétition au sommet de l’Etat, nuisent à l’image du pays de Nelson Mandela

 

En effet,  l’élite dirigeante de l’ANC a mis tout son génie politique dans la perpétuation des inégalités sociales héritées du régime ségrégationniste  des Blancs. En d’autres termes, ils ont fait de l’apartheid sans les Blancs. Usant du pouvoir politique comme d’un marchepied vers les richesses de l’Etat, ils ont creusé un fossé abyssal avec les populations à la base. Cyril Ramaphosa, comme tous ses prédécesseurs, à l’exception du grand Madiba, n’est que l’incarnation parfaite de cette gouvernance en rupture avec les préoccupations du peuple.  Cela dit, en barrant la route à la motion de censure, l’ANC qui croit sauver les meubles à l’intérieur pour se souder les coudes pour les prochaines élections générales, se tire une balle en plein genou. En effet, rien ne prouve d’abord que le peuple sur le dos duquel s’est fait l’arrangement politique qui permet d’éviter la chute de Cyril Ramaphosa, avalera la couleuvre. Et cela pourrait se payer cash dans les urnes. Les signes avant-coureurs du vote sanction sont déjà perceptibles avec les résultats électoraux  de l’ANC qui s’émiettent progressivement malgré toute sa légitimité historique. Des analystes pronostiquent même que le parti de Madiba pourrait perdre le pouvoir en 2024.  Ensuite, le parti, lui-même, pourrait payer ce deal de son unité. L’on sait, en effet, que  le parti de Nelson Mandela ne présente qu’une unité de façade. Cela dit, il faut craindre que ce scandale étouffé dans l’œuf au parlement, ne vienne renforcer les lignes de fracture déjà bien visibles au sein du parti.  Cela étant, l’on peut saluer la vivacité de la démocratie sud-africaine et surtout la force de ses institutions qui jouent à fond leur rôle. Car, sous d’autres cieux, il aurait été impossible même d’émettre l’idée d’une motion de censure contre le chef de l’Etat. Mais qu’on se le dise, ces scandales à répétition au sommet de l’Etat, nuisent à l’image du pays de Nelson Mandela qui aspire pourtant à assurer le leadership politique et économique du continent. Il y a donc des risques, si cela devrait se poursuivre, que l’Afrique du Sud ne devienne finalement une république bananière.

 

« Le Pays »

 


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