NOMINATION DE HAFTAR A LA TETE DE L’ARMEE LIBYENNE : Une solution alternative pour pacifier la Libye
Le général à la retraite de 72 ans, Khalifa Haftar, l’on se rappelle, avait lancé en mai dernier une opération baptisée «Opération dignité », pour, disait-il, « éradiquer le terrorisme » en Libye. Depuis lors, il est dans le collimateur de la coalition des milices baptisée Fajr Libya, qui a mis en place un gouvernement parallèle à celui de Tobrouk à Tripoli et surtout de la brigade Ansar-al charia, classé terroriste par la communauté internationale et proche d’Al-Qaïda. A ces ennemis du Général Haftar est venue s’ajouter récemment la branche libyenne de l’Etat islamiste (EI). C’est cet homme, qui ne cache pas sa volonté de casser du djihadiste que les autorités de Tobrouk, les seules à être reconnues par la communauté internationale, ont choisi pour être le patron de l’armée libyenne. Cette nomination, qui est intervenue le 2 mars dernier, vient officialiser une situation de fait.
La nomination de Haftar s’apparente à une sorte de rattrapage
En effet, cet ancien officier dissident de Kadhafi, qui a séjourné pendant longtemps au pays de l’Oncle Sam où il a prêté ses services à la CIA contre son ancien mentor et qui est rentré au bercail après la chute de ce dernier, était bien avant cette promotion, la personne qui faisait office de chef militaire du gouvernement de Tobrouk. De ce fait, il pouvait se donner toutes les libertés, bien que n’exerçant à l’époque aucune fonction officielle dans l’armée, pour neutraliser la coalition des milices de Fajr Libya qui écument le pays, depuis la chute de Kadhafi et surtout pour casser du djihadiste en Libye. Et l’homme ne s’en est pas privé. Le Général Haftar, aidé par des unités de l’armée régulière, notamment par celles de l’armée de l’air, a plus d’une fois pilonné les positions tenues par tous les mouvements qui, à ses yeux, sont responsables du chaos dans lequel se trouve la Libye post-Kadhafi. Les organisations djihadistes qui ont fait de Benghazi, la deuxième ville du pays, leur quartier général, en savent quelque chose. Anti-islamiste jusqu’au bout des ongles et partisan d’une Libye laïque et républicaine, les actions du Général Khalifa Haftar, bien que marquées par le sceau de l’illégalité, n’étaient pas pour déplaire à la communauté internationale et notamment aux Etats-Unis d’Amérique. Ce pays en particulier peut même s’allier avec le diable, lorsque l’enjeu est lié à la lutte contre le terrorisme. C’est pourquoi, l’on peut affirmer sans risque de se tromper, que devenu le patron officiel de l’armée libyenne de par la volonté des autorités légales de Tobrouk, le Général Khalifa Haftar bénéficiera d’un soutien significatif de la communauté internationale, à l’effet de bouter les islamistes hors de la Libye et de travailler à ce qu’il y ait désormais un capitaine digne de ce nom aux commandes du navire libyen. Dans un contexte marqué par une lutte sans merci de l’Occident contre l’Etat islamique qui est en train de gangrener tout le monde arabe et qui se signale par moments dans l’espace sahélo-saharien, l’on ne pouvait pas trouver mieux que le Général Khalifa Haftar pour présider aux destinées de l’armée libyenne dont on sait qu’elle compte dans ses rangs des éléments qui partagent l’idéologie de la mouvance djihadiste. C’est pourquoi l’on peut lire la nomination de Haftar à la tête de la Grande muette libyenne comme un message de fermeté envoyé aux islamistes de tous les bords qui, aujourd’hui, régentent en réalité la Libye. Haftar, peut-on donc dire, a le profil de l’emploi. Il est capable d’assainir l’armée et de mater sans état d’âme les djihadistes. Cette mission, bien que difficile, n’est pas impossible pour l’homme. L’on peut même dire qu’il l’exécutera avec brio et enthousiasme. Il le fera d’autant plus que cela est en phase avec ses convictions personnelles et qu’il peut compter, en plus du soutien de l’Occident, sur celui de l’homme fort de l’Egypte, le Maréchal Al Sissi qui a tout intérêt à ce que la Libye voisine ne soit pas un sanctuaire des islamistes. L’on peut aussi dire à propos de la nomination de Haftar à la tête de l’armée libyenne, qu’elle s’apparente à une sorte de rattrapage pour l’Occident.
Le Général Haftar a la réputation d’être un homme à poigne
En effet, après avoir contribué à la chute de Kadhafi, l’Occident n’avait pas daigné assurer le service après-vente. De ce fait, un chaos indescriptible s’y était installé. Et les djihadistes en ont profité pour y élire domicile. Ce constat, l’Occident le fait aujourd’hui. Avec la nomination de Haftar, l’Occident a l’opportunité de réparer cette erreur d’appréciation de sa part. A défaut de monter à nouveau une coalition pour intervenir en Libye, dans l’objectif cette fois-ci d’y mettre de l’ordre, l’Occident pourrait trouver en la personne du Général Khalifa Haftar une solution alternative pour rendre la Libye fréquentable.
Cela dit, la grande question que l’on peut se poser après cette nomination, est de savoir quel accueil la coalition des milices basée à Tripoli va lui réserver. Cette question est d’autant plus pertinente que ces derniers et leurs rivaux de Tobrouk se sont déjà engagés dans un processus de négociations politiques pour trouver une issue à la crise libyenne, avec, faut-il le rappeler, la caution de la communauté internationale. Le Général Haftar qui n’est pas en odeur de sainteté avec, cette coalition et qui a la réputation d’être un homme à poigne et peu disposé au dialogue, pourrait-il s’inscrire dans ce schéma politique ? Cette question vaut son pesant d’or. Car de sa réponse dépend l’avenir de la Libye.
« Le Pays »