NOMINATION D’UN TROISIEME PREMIER MINISTRE AU MALI : IBK ne devrait-il pas se remettre en cause ?
C’est connu. Le Mali a un nouveau Premier ministre ; en fait, un homme du sérail qui avait déjà été chef du gouvernement sous l’ère Alpha Omar Konaré. Il s’appelle Modibo Kéita. Il a été nommé en remplacement de Moussa Mara qui n’aura passé que neuf mois à la primature, et qui, faut-il le rappeler, faisait depuis quelque temps, face à une grogne qui ne faiblissait pas.
Décrié depuis un certain temps par le RPM (Rassemblement pour le Mali), parti du président Ibrahim Boubacar Kéita (IBK) qui lui reprochait notamment de mener une politique aventuriste et qui n’avait pas digéré son choix au détriment de cadres du parti majoritaire, Moussa Mara était aussi la cible de l’opposition politique malienne qui n’avait de cesse de réclamer son départ.
En fait, on ne le sait que trop bien, ces tirs groupés autour de la personne de Moussa Mara, font suite à son déplacement pour le moins controversé à Kidal, en mai dernier, qui avait provoqué l’ire des séparatistes du Nord-Mali. La suite, on la connaît : la déroute de l’armée malienne face aux rebelles du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA).
Ces affrontements, on s’en souvient, avaient causé la mort de dizaines de soldats maliens, avec en sus de nombreux équipements militaires abandonnés au profit d’un adversaire dont la puissance de feu est tout aussi redoutable qu’insoupçonnée. C’est dire que Moussa Mara paye cash ses propres turpitudes ; lui dont le parti, Yelema (changement), n’avait d’ailleurs qu’un seul représentant à l’Assemblée nationale.
A cela s’ajoute l’affaire de l’avion présidentiel acquis à coup de milliards de F CFA, qui avait défrayé la chronique sur les rives du fleuve Djoliba.
Alors que le président IBK parlait de 20 milliards de F CFA, Moussa Mara, alors Premier ministre, avançait le chiffre de 17 milliards de F CFA, comme coût total de l’avion.
On a l’impression que le président IBK navigue à vue
Cette différence de langage, qui a fait désordre, avait laissé entrevoir une divergence de vues entre le président IBK et son Premier ministre. Toute chose qui n’était pas de nature à rassurer les partenaires techniques et financiers qui, illico presto, avaient exigé un audit de la gouvernance d’IBK, tout en coupant le robinet. Ce sont là autant d’erreurs que Moussa Mara a commises, qui préfiguraient son éviction du poste de Premier ministre, même si, naguère, il affirmait devant le parlement qu’il ne démissionnerait pas.
Cela dit, au-delà de la personne de Moussa Mara, le président IBK ne devrait-il pas lui-même se remettre en cause ? Car, s’il est vrai qu’un Premier ministre, dans les régimes présidentiels qui sont les nôtres, est un fusible qui saute dès que la tension commence à monter, il n’en demeure pas moins que c’est le président qui imprime, dans le fond, la marche gouvernementale. Ce faisant, il doit travailler à éviter certaines erreurs stratégiques, sous peine d’être un jour emporté par la bourrasque. En tous les cas, trois Premiers ministres en moins de deux ans d’exercice du pouvoir, c’en est un peu trop. Si fait qu’on a l’impression que le président IBK navigue à vue. Comme s’il oubliait que le problème du Nord-Mali qu’il avait promis de résoudre, demeure entier et attend d’être résolu.
Cela dit, on ose espérer que la nomination de Modibo Kéita qui est un fin connaisseur du dossier, permettra de faire bouger les lignes, lui qui, jusque-là, était le haut représentant du chef de l’Etat dans les pourparlers inter-maliens d’Alger. On est fondé à le penser, au regard des bonnes relations que Modibo Kéita entretient avec les délégués de certains groupes armés du Nord-Mali. Peut-être est-ce la raison pour laquelle IBK l’a préféré à Moussa Mara qui, selon toute vraisemblance, faisait dans le dilettantisme pour ne pas dire dans le tâtonnement.
Boundi OUOBA