NON-RESPECT DES DECISIONS DE LA CADHP
C’est à croire que la décision de la Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples (CADHP) ordonnant au pouvoir ivoirien de surseoir au mandant d’arrêt contre l’ex-président de l’Assemblée nationale, Guillaume Soro, candidat à la présidentielle de 2020 de son pays, n’est pas du goût des autorités ivoiriennes. C’est du moins, ce que laisse penser sa décision de retirer sa déclaration au protocole de création de la juridiction africaine basée à Arusha en Tanzanie. En prenant cette décision, le pouvoir d’ADO interdit ainsi à ses compatriotes et aux organisations de la société civile, de saisir ladite Cour en cas de violation de leurs droits. Et l’on peut être sûr d’une chose : la Côte d’Ivoire n’est pas le premier pays à se retirer du protocole de la CADHP et ne sera pas non plus le dernier. On se rappelle, en effet, que le Bénin de Patrice Talon s’était, lui aussi, retiré du protocole instituant ladite cour. Et comme mobile, le gouvernement béninois avait estimé que la CADHP était sortie de « son champ de compétence », en ordonnant la suspension de l’organisation des élections municipales du 17 mai prochain. Or, la CADHP avait rendu cette décision suite à la requête de l’opposant Sébastien Ajavon qui l’avait saisie en 2019, estimant que ses droits avaient été violés, notamment celui de prendre part aux processus électoraux dans son pays. Il faut donc craindre que de nombreux Etats décident de se retirer du protocole de la CADHP, pour peu que celle-ci rende une décision qui ne leur soit pas favorable. S’achemine-t-on donc vers la mort de l’institution ? Son avenir paraît bien sombre. La preuve, le délai d’un mois qu’elle avait donné à la Côte d’Ivoire a expiré sans que cette dernière ne se soit exécutée. Et les avocats de Guillaume Soro ont beau crier, cela ne changera rien. Car, peu avant, c’est le Sénégal qui faisait fi de la décision de ladite Cour dans l’affaire Karim Wade. En tous cas, les pouvoirs africains sont toujours prompts à se mettre dans tous leurs états voire à casser la baraque quand la critique ne va pas dans le sens de leurs intérêts ! Et illico presto, les grelots de la souveraineté sont agités ! En revanche, lorsque les décisions de cette cour, sont en faveur des gouvernants, ils les exhibent comme un trophée de guerre s’ils ne s’en servent pas pour casser du l’opposant. Certes, on peut formuler des insuffisances et des griefs à l’encontre de cette juridiction africaine. Mais force est de reconnaître qu’elle reste et demeure le recours idéal où le faible peut se faire entendre et obtenir réparation du préjudice subi, dans une Afrique où, généralement, les juridictions nationales sont aux ordres. Il urge donc que les Etats qui foulent allègrement aux pieds les décisions de cette cour, se ressaisissent. Cela est d’autant nécessaire qu’une éventuelle disparition de la CADHP, pourrait doucher les espoirs de milliers de justiciables africains. Cela constituerait, à n’en pas douter, un coup dur pour l’ensemble des organisations de défense des droits de l’Homme et pour tous les citoyens qui aspirent à une justice équitable. Et, malheureusement, une garantie d’impunité pour tous ces dictateurs africains et autres prédateurs des droits de l’Homme. Attention donc à ne pas tuer l’institution ! Ces princes régnants qui clouent aujourd’hui la CADHP au pilori, pourraient plus tard regretter leurs actes dans la mesure où ils pourraient en avoir besoin un jour, au cas où le vent venait à tourner. Cela dit, autant il faut appeler les dirigeants à savoir raison garder, autant il faut inviter la CADHP à affiner davantage ses mécanismes de décisions pour éviter de donner l’impression, de rendre des décisions d’ordre politique. En tout cas, il y va de sa crédibilité.
DZ