NORD-MALI : Que faire ?
La sécurité au Nord-Mali est un véritable serpent de mer. Instable depuis l’accession du Mali à l’indépendance, cette zone aujourd’hui infestée de groupes armés, a vu s’ajouter aux vieilles revendications d’indépendance, une déferlante djihadiste. C’est donc un truisme de dire que sa sécurisation est un véritable casse-tête pour les autorités maliennes. Les troupes de la Mission des Nations unies au Mali (MINUSMA), déjà touchées par plusieurs attentats, viennent encore d’en être victimes. C’est encore le contingent nigérien qui a été visé. En effet, 6 soldats de ce contingent ont été blessés récemment dans l’explosion d’un engin télécommandé, au passage de leur véhicule entre Ménaka et Ansogo dans le Nord du pays. En octobre dernier déjà, faut-il le rappeler, ce contingent nigérien avait perdu 9 de ses hommes dans une attaque terroriste dans cette région de Gao.
La solution purement militaire a des limites objectives
La situation est d’autant plus préoccupante que cet attentat intervient le même jour où des camions transportant du matériel onusien, ont été interceptés et brûlés par des hommes armés et surtout juste quelques jours après l’attaque terroriste qui a coûté la vie au maire d’Anderanboukane, Aroudeiny Ag Hamatou, dans la même région. Ces attaques traduisent toute la témérité, l’audace des islamistes qui écument cette zone. Elles sont la preuve, si besoin en était encore, qu’ils sont encore bien là et qu’ils ne sont nullement impressionnés par les dispositifs militaires mis en place pour les contrer. Leur idée de la foi en Dieu et du paradis, leur donne une certaine euphorie au combat. Face au risque de mourir, ils ne reculent pas, l’essentiel pour eux étant de mourir au service d’une prétendue cause d’Allah. C’est cet aveuglement, fruit d’un terrible endoctrinement, qui rend très dangereux ces islamistes.
Tant qu’ils étaient dans une phase de conquête, d’offensive, ces djihadistes étaient bien en vue, à découvert, et étaient plus faciles à combattre. En témoigne leur débâcle face aux troupes françaises et tchadiennes surtout, lors de l’intervention militaire internationale, à la suite de l’appel au secours des autorités maliennes d’alors. Mais, dans la situation actuelle, les choses sont hautement plus difficiles à gérer. Les extrémistes sont tapis dans l’ombre et jaillissent pour frapper fort, avant de disparaître dans la nature. Et le terrain se prête bien à ce jeu. L’immensité du désert malien est l’une des raisons majeures de la difficulté à sécuriser cette zone. Les islamistes et autres narcotrafiquants y trouvent un terrain favorable à leurs activités, l’Etat y étant globalement absent dans tous les sens du terme. La présence de ces islamistes en ces lieux, complexifie davantage une équation que les autorités de Bamako avaient déjà suffisamment de difficultés à résoudre. En effet, couplée aux velléités indépendantistes des rebelles touaregs qui tiennent à leur Azawad, cette présence djihadiste est un véritable cauchemar pour les autorités maliennes qui ne savent vraiment pas où donner de la tête.
Il est vrai que Bamako a des raisons de se réjouir du fait que les groupes du Nord se combattent entre eux, ce qui est de nature à les fragiliser. Mais, le problème demeure difficile à solutionner. Il est évident qu’une meilleure occupation du désert par l’armée malienne, serait de nature à priver les terroristes de leur sanctuaire. Mais cette occupation du terrain est, en théorie, plus facile à mettre en œuvre qu’en pratique. Quelle viabilité pourrait-on par exemple espérer de camps militaires que le Mali viendrait à placer un peu partout dans le grand désert, mais qui manqueraient de choses essentielles comme l’eau ou les moyens de résister à la moindre attaque ? En tout cas, prétendre maîtriser ce vaste désert est, pour le Mali, du moins en l’état actuel des moyens de ce pays classé parmi les plus pauvres du monde, une véritable illusion. La solution purement militaire a des limites objectives, en ce sens qu’elle ne garantit pas une éradication des islamistes, encore que des connexions douteuses existent entre les groupes rebelles et ces terroristes du Nord-Mali. Et puis, il y a le fait que des Maliens, y compris des ex-soldats de l’armée régulière, font partie de ces extrémistes du désert.
Un dialogue franc et sincère entre Bamako et ses interlocuteurs serait déjà une bonne option
Une autre solution serait de prendre en considération les velléités indépendantistes des groupes rebelles et de leur concéder quelque chose dans ce sens. Peut-être une plus grande autonomie, quitte à faire du Mali une fédération d’Etats, ou une indépendance pure et simple de la zone. Mais ces solutions d’autonomie ou d’indépendance ne sont pas non plus sans danger, et ce ne sont pas les exemples qui font défaut. Les précédents malheureux du Nigeria, Etat fédéral où Boko Haram dicte sa loi, et du Soudan du Sud qui a basculé dans la guerre civile après l’indépendance qu’il a obtenue vis-à-vis du Soudan, en sont illustratifs. Ils devraient donner à réfléchir. Pour ce qui est du cas malien, on a en mémoire le fait qu’une fois le Nord conquis par les groupes armés, les indépendantistes du Mouvement national de Libération de l’Azawad (MNLA) n’avaient pas pu tenir tête aux islamistes. Ils avaient été contraints à fuir ce même territoire pour lequel ils se battent depuis bien longtemps. C’est dire combien une acceptation par Bamako de la demande du MNLA, relative à une indépendance du Nord du pays, ne suffirait pas à garantir la sécurisation du septentrion malien. Bien au contraire. Elle pourrait ouvrir une boîte de pandore. Que faire ?
La solution serait probablement de continuer les négociations avec les rebelles, tout en prenant des dispositions pour accroître les effectifs des troupes militaires déployées dans le Nord-Mali, et d’améliorer les moyens de ces soldats qui doivent continuer la traque des islamistes. Et la contribution des groupes rebelles comme le MNLA dans cette traque des islamistes, ne doit pas faire défaut. Car même si d’aventure l’idée d’une indépendance de la zone qu’ils appellent de tous leurs vœux devait prospérer, il est nécessaire que l’Etat qui en résulterait ne soit pas un Etat sans foi ni loi, aux confins du désert. Car, un tel Etat serait un nouveau sanctuaire pour les djihadistes qui se feraient le plaisir d’y construire des bases d’entraînement dont ils se serviraient pour annexer des portions de territoire malien, voire d’autres Etats de la sous-région. Rien que la dénomination du Mouvement pour l’Unicité et le Jihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO) en dit long sur les ambitions expansionnistes de ces islamistes. La situation du Nord-Mali est donc difficile à régler et le chemin pour y parvenir sera long. Mais un dialogue franc et sincère entre Bamako et ses interlocuteurs sur ce dossier, serait déjà une bonne option. Il importe donc que la prochaine reprise des pourparlers d’Alger, énième du genre, consacre des avancées significatives entre les points de vue des protagonistes. Aux Maliens donc de se montrer à la hauteur de cet énorme défi.
« Le Pays »