NOUNA : La galère des filles de bar
C’était un métier pour des filles venues d’ailleurs. Mais désormais les jeunes filles burkinabè ne se laissent plus conter. Nous parlons des serveuses de bar. Dans la ville de Nouna, elles sont nombreuses dans les maquis les plus « branchés » à la recherche de quoi se nourrir ou préparer leur avenir. Elles sont là, soit pour chercher à joindre les deux bouts, soit pour préparer le trousseau de mariage, soit pour avoir les frais de scolarité ou pour chercher de l’argent et entreprendre d’autres activités. Nous sommes allés à leur rencontre.
Lorsque le soleil tombe, nous prenons la direction du bar « Le Kilombo » sur l’avenue de l’Aéroport au secteur 3 de Nouna. Ce bar est célèbre pour ses nuits endiablées et ses alentours garnis de porcs et de chiens au four. Non loin de Kilombo, nous apercevons un autre cabaret de dolo, c’est l’endroit par excellence où « pintent » ceux qui sont en deuxième division, c’est-à-dire ceux qui boivent à moindre coût. Au maquis « Le Kilombo », l’accueil sur les lieux est très chaleureux. A peine arrivés sur place, nous sommes reçus autour d’une table par les jeunes filles habillées, les parties sensibles presque mises en exergue. L’une d’entre elles, d’un ton angélique nous demande : « Que puis-je vous servir ? » Nous lui répondons « juste une bouteille d’eau ». Dans ce bar très fréquenté qui emploie une dizaine de serveuses, l’ambiance est totale pour les clients qui viennent, chacun, pour des raisons diverses. Là, il n’est pas rare de rencontrer un proche à qui il est interdit, selon les convenances, de demander ce qu’il est venu faire dans ce bar. Certains, surtout la plupart, y viennent pour « calmer les nerfs » et d’autres s’enivrer ou noyer les soucis.
Profitant de notre solitude sur notre table, nous demandons la compagnie d’une serveuse. Elle s’appelle Déborah. Dans la causerie que nous engageons avec elle, le métier de serveuse de bar revient comme sujet. Notre interlocutrice nous confie qu’elle n’exerce ce métier qu’à l’étranger. Dans son pays d’origine, jamais elle ne le fera, à cause de pesanteurs socioculturelles. Cependant, loin d’en faire un métier de carrière, certaines serveuses, pour des raisons économiques, se disent obligées d’exercer ce métier. A titre d’exemple, Natou, une autre serveuse, « fait ce job pour avoir un peu d’argent afin d’entreprendre un autre métier avant de se marier ».
De notre table, nous constatons qu’à l’autre bout du bar, d’autres clients assurent la garde. Ils sont connectés sur les réseaux sociaux. En fait, cette nuit, ces derniers attendent patiemment la descente des serveuses pour aller dans des chambres de passe. Là-bas, c’est calme et discret. On se règle les comptes et on s’efface sans laisser de traces. En face du Kilombo, effectivement, logent les serveuses Hervé Coulibaly, le promoteur du maquis le « Kilombo », emploie une dizaine de serveuses dans son bar. Parmi ses serveuses, il y a des Burkinabè originaires de Dano et de Réo, des Maliennes, des Ivoiriennes, des Togolaises et des guinéennes. Selon ses dires, il débourse plus de 800 000 F pour les salaires à la fin de chaque mois.
Dans ce même bar, nous avons rencontré Ivonne, la doyenne des serveuses du bar « le Kilombo » la trentaine bien sonnée,et de nationalité Ivoirienne. Elle évolue dans ce métier, il y a une dizaine d’années. C’est après le décès de son père qu’elle a décidé de quitter la Côte d’Ivoire pour vivre avec sa tante à Ouagadougou. Elle a par la suite pris l’option d’aller tenter sa chance à ailleurs plus précisément à Nouna. C’est grâce à son salaire de 35 000F qu’elle envoie une partie à sa veuve mère. Elle souhaite être restauratrice quand elle aura les moyens. Une entreprise qu’elle compte ouvrir en Côte d’Ivoire. Pour des multiples raisons, Ivonne déconseille toute fille de pratiquer ce métier car, dit-elle, y a des clients « ingérables ». Ils cassent intentionnellement les verres, volent ou déchirent expressément les factures pour mettre en conflit avec les serveuses et leur patron. Certains clients vont jusqu’à empocher des bouteilles et des verres. Au Kilombo, les serveuses n’ont pas d’heures de repos ni de descente. Elles sont logées par le patron. Le seul bémol n’est qu’elles n’ont pas signé de contrat et ne sont pas déclaré à la caisse.
Cap sur maquis le “Panama Plus”
Il est situé à côté de la gare routière de Nouna. Sur les lieux, l’ambiance était bonne. C’est le seul bar qui a une boîte de nuit. « Il y a des gens qui dépassent l’âge de notre père qui nous racontent des balivernes et du n’importe quoi. Souvent, nous sommes obligées de les satisfaire par pitié, mais une fois que l’objectif est atteint, ils ne nous considèrent plus parce que nous sommes déjà passées dans leur casserole comme disent les plus ingrats », telle est la réaction d’une jeune serveuse du bar “le Panama Plus” à propos des clients qui leur font la cour. Agée de 23 ans, Somé Franceline, ainsi s’appelle-t-elle, a quitté la cellule familiale. Elle a abandonné ses études en classe de 4e à pour cause des frais de scolarité. Elle a décidé, en attendant mieux, de servir dans un bar d’abord à Ouagadougou. Après quelques mois de galère dans la capitale, elle a mis le cap sur Nouna, précisément au bar “Le Panama Plus”. C’est avec ce qu’elle gagne qu’elle paye la scolarité de ses petits frères et envoie de l’argent et des vivres à sa famille. Pour elle, le salaire est dérisoire pour couvrir tous ses besoins. Pour « arrondir » les mois, elle compte sur ses « petits amis ». Elle fait ce travail malgré elle. Car, dit-elle, pour un simple retard de remise de monnaie, « nous sommes traitées de tous les noms d’oiseaux », fulmine une d’entre elles. Dans l’obscurité, nous dit-elle, « certains clients tapotent nos fesses pour leur simple plaisir. Mais, nous sommes obligées de faire avec pour ne pas perdre leur emploi ».
Koné Assata, 20 ans, a perdu sa mère en classe de 4e. Elle vivait avec sa marâtre qui lui a infligé, raconte-t-elle, toutes sortes de brimades et d’humiliations. Le quotidien de sa famille était fait de palabres et de querelles. Elle a abandonné la cellule familiale pour se retrouver en situation de rue. Elle est tombée enceinte, mais l’enfant n’a pas survécu. Elle est venue au Burkina Faso avec cinq autres camarades par l’entremise de sa tante. Elle a commencé dans un bar à Dédougou. Sa tante qui était mêlée à une affaire de détournement d’argent a fui. Assata travaille au maquis le ” Panama Plus” à Nouna. Elles dit rencontrer toutes sortes de personnes qui ont soif du sexe. Pour une question d’argent, elle accepte les avances. « Je ne suis pas fière de ce boulot, mais je n’ai pas le choix. Si j’abandonne, je finirai par être prostituée, dans la rue », déplore Assata. Elle nourrit l’ambition d’être policière ou infirmière. Elle désire continuer ses études dans les prochaines années avec les économies de son salaire de 30 000 F.
Au maquis «La solution »
Au bar, maquis « La Solution » au bord de la RN14, Nouna-Djibasso. Nous sommes avec Raïssa, Fabienne et Laure. Elles nous confient qu’elles sont victimes d’insultes et de harcèlement de la part des clients. Pour Raïssa quand tu travailles dans un bar d’aucun te considère comme une prostituée « Nous n’avons pas à faire au journaliste ici. Si tu es d’accord c’est 10000 F CFA et après on ne se connaît pas. Nous ne sommes pas venues regarder le goudron à Nouna. Nous ne mangeons pas « je t’aime », nous lance une de ses collègues. « Etre serveuse de bar au Burkina Faso est une malédiction », ajoute-t-elle. Dans ce bar, les serveuses signent un contrat après avoir lu et approuvé les différentes clauses. Chaque serveuse gagne, sur papier, environ 50 000 f par mois. Pour Fabienne, une jeune fille de 21 ans et mère d’un enfant de 7ans, l’argent du mois ne suffit pas. Alors, il faut trouver le complément ailleurs. Cet « ailleurs », c’est le sexe. Au début, elle avait honte, mais elle s’y est mise finalement.
Toutes ces serveuses de bar exercent ce métier avec des pseudonymes: Maï, Fatim, Batogma, Anou, Bawa, Cynthia, Yasmine, Stella, Deborah, Olivia, Antou, Lydia, Anne, Kadi, Mélissa, Nathacha, Audrey, Anita, Sabine… ! Ce sont tous des noms d’emprunt. Le statut des serveurs/serveuses est reconnu dans le code du travail au Burkina Faso. Ces derniers bénéficient comme tout salarié Burkinabé, d’un salaire minimum équivalent au SMIG et doivent être déclarés à la Caisse nationale de sécurité sociale. De même la convention C 172N°4 entrée en vigueur le 13 juin 1921 et adoptée par le Burkina Faso lors de la 78e session de la rencontre de Genève en Suisse, revient sur les conditions de ces « travailleurs de nuit». Ainsi on peut y lire que ces travailleurs bénéficient d’un repos hebdomadaire de congés payés et ne doivent pas dépasser les 52 heures de travail par semaine. Sur la même lancée, la législation burkinabè sanctionne les gérants et propriétaires de maquis et bars qui ne respectaient pas la loi. La peine pouvant aller d’une amende jusqu’à la fermeture totale du débit de boisson.
Madi KEBRE (Correspondant)
Coye lepaysan
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Monsieur le journaliste, pour ma part, tu n’avais point besoin de citer les origines des serveuses Burkinabè. la nationalité seule suffisait.
1 janvier 2018Du reste merci de faire découvrir par le public ce métier et ceux qui l’exercent.
Anonyme
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L’opération c’est vraiment pas du tout professionnel cette page le journal le pays ne devais pas publier des trucs bruts de la sorte. Mais c’est le pays domage! Comment citer le nom de ces filles et le nom des maquis dans une petite ville comme nouna?
24 février 2018