NOUVEAU CARNAGE AU SOUDAN
Décidément, l’armée soudanaise en fait à sa tête. En effet, après le massacre du 3 juin dernier qui a coûté la vie à une centaine de personnes, elle vient encore de commettre un nouveau carnage. Elle a réprimé dans le sang, une manifestation d’étudiants, laissant sur le carreau cinq cadavres. Et ce n’est pas tout. 62 autres manifestants ont été blessés. C’était le 29 juillet 2019. Ces manifestants, faut-il le rappeler, protestaient contre les pénuries de pain, d’électricité, d’eau dans le centre du pays, qui ont été à l’origine des manifs ayant entraîné la chute du dictateur Omar el-Béchir. C’est donc clair comme de l’eau de roche : l’armée soudanaise n’entend pas reculer. Elle veut rester au cœur du jeu politique. En tout cas, nombreux sont ceux qui doutent de sa bonne foi. Droite dans ses bottes, elle semble en faire à sa tête, déterminée qu’elle est à mettre fin à la contestation.
Déboulonner le Conseil militaire de transition, ressemble de plus en plus à une tâche herculéenne pour l’opposition
A preuve, on imagine aisément que la foudre qui s’est abattue, hier, sur la tête des contestataires, a pour effet de briser l’élan de nombreux manifestants qui seront désormais tenaillés par la peur. En tous les cas, déboulonner le Conseil militaire de transition, ressemble de plus en plus à une tâche herculéenne pour l’opposition, quand on sait que la hiérarchie militaire bénéficie des conseils d’un partisan de la ligne dure comme le président égyptien, le Général Al Sissi, par ailleurs président de l’Union africaine (UA), et du soutien financier des monarchies pétrolières du Golfe. Et ce ne sont pas les atermoiements du Conseil de sécurité des Nations unies (ONU) qui a échoué à adopter une résolution condamnant les récentes tueries à cause de l’opposition systématique de la Russie et de la Chine, qui peuvent faire plier la junte soudanaise. Pour le peuple soudanais donc, la lutte doit continuer. C’est pour cette raison que de milliers de jeunes ont pris d’assaut les rues, hier, 30 juillet 2019 pour manifester leur colère. Et dans la foulée, l’association des professeurs d’universités a exigé le retrait des miliciens FSR de toutes les localités du pays et la fermeture des écoles. En tout cas, ce serait faire un mauvais procès aux leaders du mouvement de contestation, que de leur reprocher de radicaliser la lutte. Du reste, quel crédit peut-on encore accorder à cette junte dont les promesses sont aussi mouvantes que les dunes du sable du désert ? En tout cas, ce serait faire preuve d’une grande naïveté politique que de croire que cette armée qui est prête à tuer pour conserver le pouvoir qu’elle a subtilisé au peuple au lendemain de la chute du dictateur Omar El Béchir, le lâchera aussi facilement qu’elle le prétend.
L’opposition soudanaise doit travailler à présenter un front uni face à l’adversaire
Et même si par la force des choses, elle venait à aller aux élections, il faut craindre une dévolution arrangée du pouvoir entre militaires, comme cela s’est passé exactement chez le voisin égyptien.Cela dit, il ne suffit pas, pour l’opposition soudanaise, de faire preuve de détermination pour remporter la victoire dans cette lutte, surtout face à des gens qui ont le doigt sur la gâchette. Il faut d’abord et surtout faire preuve d’imagination. Et même si cela ne semble pas gagné d’office, cette ruse reste dans le domaine du possible car l’opposition l’avait réussie pour parvenir à faire chuter Omar El Béchir. Pourquoi ne le réussirait-elle pas avec la junte ? Toujours est-il que l’opposition soudanaise doit travailler elle-même à présenter un front uni face à l’adversaire. Car, on le sait, avant la répression, le mouvement de la contestation était balloté par des vents contraires qui avaient retardé la grève générale et la désobéissance civile annoncées de longue date. C’est dire que le changement de stratégie s’impose après le bain de sang dont s’est rendue encore coupable l’armée, même si celle-ci s’en défend.
« Le Pays »