NOUVEAU DRAME DE L’IMMIGRATION DANS LE DESERT NIGERIEN : Mourir sur les dunes ou périr sous les vagues
Une trentaine de migrants ont trouvé la mort, la semaine dernière, aux confins du Niger, alors qu’ils se dirigeaient vers l’Algérie voisine, qui aurait pu être leur destination finale ou temporaire, juste le temps de mobiliser les moyens pour embarquer dans des bateaux de fortune à partir de la Lybie, pour les côtes italiennes. Cet énième drame qui a frappé ceux qui fuient la misère dans leurs pays respectifs, est d’autant plus choquant que parmi les victimes, il y avait une vingtaine d’enfants, très précocement arrachés à l’affection de leurs parents au sens large et africain du terme, leurs propres géniteurs ayant probablement péri eux aussi de faim et de déshydratation dans l’enfer torride du Ténéré. Le plus malheureux dans le cas de ces migrants généralement originaires de l’Afrique sub-saharienne, est que la comptabilité macabre n’est pas toujours mise à jour, car les médias en parlent de moins en moins, alors que le Sahara est aussi meurtrier que la Méditerranée pour ceux qui ont l’Europe en ligne de mire. Comment faire pour arrêter l’hécatombe, sans porter atteinte à la libre circulation des personnes adoptées par le pays de transit, en l’occurrence le Niger, dans le cadre des accords communautaires ? N’y a-t-il pas de solutions préventives en amont, alors que ces catastrophes humaines se déroulent de façon cyclique et dans la même zone depuis plusieurs années ? Pourquoi attendre une hypothétique aide des pays occidentaux pour mettre fin à ce trafic humain organisé par des passeurs indélicats, avec la complicité passive de certains agents de l’Etat dans les pays de transit ? Comment des êtres humains peuvent-ils consciemment prendre le risque d’aller mourir sur des dunes ou périr sous les vagues de la Méditerranée, malgré les expériences malheureuses d’autres aventuriers qui ont été, du reste, ultra médiatisées pour dissuader les plus téméraires d’entre eux ? En vérité, les candidats à la migration ne sont ni animés d’un esprit suicidaire, ni autistes, ni aveugles, ni irresponsables, mais plutôt fatigués de « vivre mal et de vivre peu » sur ce continent ravagé par les guerres civiles, et tiré économiquement vers le bas par des dirigeants kleptocrates et le plus souvent illégitimes. La misère au quotidien qui jette par colonnes entières de jeunes Africains sur des voies terrestres et maritimes particulièrement mortelles, peut être illustrée par quelques chiffres : plus de la moitié de la population africaine vit avec moins d’un dollar par jour pour se loger, se nourrir, se soigner et s’éduquer, et 75 à 90% de la population active sont au chômage. Dans ces conditions, les dirigeants des pays d’origine des migrants ne peuvent que s’adonner à la politique de l’autruche, en faisant semblant de s’émouvoir du sort de ces « damnés » de la terre, alors qu’ils encouragent par leur complicité passive le phénomène migratoire, peut-être pour éviter des bourrasques sociales qui risqueraient de les emporter.
Le Niger à lui seul, ne trouvera pas la solution
Dans le cas du Niger par où passent ceux qui rêvent d’une vie meilleure en Europe, il est de notoriété publique que c’est à partir d’Agadez ou d’Arlit que s’ébranlent des centaines de pickups brinquebalants, chargés à ras-bord de passagers imprudents, pour l’Algérie ou pour la Lybie. Pourquoi ne pas arraisonner ces cercueils ambulants dès le point de départ, et verbaliser les transporteurs qui se muent en passeurs à l’approche des postes frontaliers ? Ce sont probablement les mêmes criminels qui, après avoir livré leurs passagers aux intempéries et à la mort certaine, reviennent impunément en embarquer d’autres, sous le nez et la barbe des autorités locales. On aura remarqué que ces assassins qui se font « passer pour des passeurs » figurent rarement au nombre des victimes, et il suffirait simplement de leur appliquer de lourdes peines, pour que les dunes du Ténéré engloutissent de moins en moins les candidats a l’immigration. Cela résoudrait du coup le prétexte fallacieux de l’immensité du Niger qu’invoquent les autorités pour justifier leur incapacité à enrayer le phénomène. En vérité, les 10 000 à 20 000 Africains qui séjournent annuellement dans la région d’Agadez en attendant d’aller vers d’autres cieux, contribuent au développement de l’économie locale avec les diverses activités qu’ils y mènent ou qu’ils génèrent. On comprend donc le dilemme dans lequel se trouvent les autorités nigériennes qui sont officiellement contre la migration clandestine à partir de leur territoire, et en même temps soucieuses de préserver la paix et la quiétude dans une région chroniquement instable comme celle d’Agadez. En tout état de cause, le Niger à lui seul, ne trouvera pas la solution, et les pays d’origine de même que les pays de destination doivent être mis à contribution, aussi bien dans le « filtrage » des départs que dans la répression des passeurs et de leurs complices. En somme, pour fixer les jeunes Africains dans leur terroir et éviter que leurs rêves ne se transforment en véritables cauchemars dans le désert ou dans la Méditerranée, il faudra non seulement créer les conditions de développement fondées sur la bonne gouvernance et la redistribution équitable des ressources dans les pays d’émigration, mais aussi et surtout créer une synergie d’action afin d’éviter que le mauvais fonctionnement d’un maillon de la chaîne n’entraîne le dysfonctionnement de tout le système de contrôles et de répression contre tous ceux qui se nourrissent de ce trafic mafieux.
Hamadou GADIAGA