NOUVEAU MASSACRE DES CIVILS AU MALI
Après quelques semaines de relative accalmie, le Centre du Mali renoue avec les attaques brutales et sans discernement contre les civils et les militaires, toutes imputées aux groupes armés qui foisonnent dans cette partie du pays. Vendredi dernier, en milieu de matinée, l’on a assisté à un épisode sanglant de plus dans cette interminable série noire lancée depuis 2012, au cours duquel 31 personnes, des femmes pour la plupart, ont péri calcinées ou sous les balles d’assaillants qui ont manifestement reçu pour ordre de tirer pour tuer. Ni le poids des mots ni le choc des images ne peuvent décrire comme il faut, cette indicible horreur commise par des hommes sans cœur qui ont méthodiquement massacré ces innocentes personnes qui se rendaient au marché bihebdomadaire de Bandiagara, à bord d’un taxi-brousse. Même si l’identification de ses auteurs reste toujours problématique, tout porte à croire, au regard du mode d’action, de l’ampleur et de la cruauté du crime, que cela est l’œuvre des hommes fidèles à Amadou Koufa, qui ont affreusement balafré cette partie du pays.
L’ engrenage de la violence fait redouter des naufrages sécuritaires en série
Mais à vrai dire, aucune piste n’est a priori à exclure, quand on sait que la sanglante attaque de vendredi dernier a été perpétrée dans une zone où de nombreux Maliens ont emprunté le chemin de la radicalisation et de l’extrémisme violent sous le couvert du djihad, ou sur fond de rivalités communautaires, notamment entre éleveurs et agriculteurs. Dans cette partie du Delta intérieur, on sait que les islamistes et les membres de la milice d’auto-défense Dan Na Ambassagou rivalisent dans le jeu horrible de qui tuera le plus, sous le regard complice, passif ou impuissant de l’armée malienne. On se rappelle, en effet, que le 1er janvier 2019 à Koulogon, le 23 mars 2019 et le 14 février 2020 à Ogossagou, des centaines de civils ont été massacrés par des hommes suspectés d’appartenir à la milice pro dogon de Dan Na Ambassagou, alors qu’à Sobane-Da, c’est une nuit de folie meurtrière qu’avaient vécue les habitants de ce village dogon, le 9 juin 2019, au cours de laquelle près d’une centaine de personnes innocentes avaient été exécutées par des individus armés. C’est cet engrenage de la violence déjà connu dans le secteur où s’est déroulée l’attaque du bus, vendredi dernier, qui fait redouter des naufrages sécuritaires en série, sur fond de règlements de comptes et de représailles. Comment ne pas être, en effet, inquiet quand on sait que l’Etat malien qui devait veiller à la désactivation de toutes les milices armées, quelle que soit leur obédience, a jusqu’ici fait preuve d’impéritie absolue, se contentant de condamnations de principe et de promesses utopiques de sécuriser les biens et les personnes, alors que l’armée reste étonnamment cantonnée et ne répond presque jamais aux appels au secours ?
Espérons que les autorités vont toutes sortir enfin de leur apathie
Le président Assimi Goïta et son Premier ministre Choguel Maïga sont Gros-Jean comme devant, et doivent être actuellement transis d’inquiétudes face à la multiplication des attaques et à la prolifération des groupes terroristes qui sapent les efforts surnaturels qu’ils fournissent afin de remettre une République du Mali « une et indivisible » à leurs successeurs, comme ils l’ont promis à leur peuple. Ils ont d’autant plus raison de dormir d’un seul œil qu’ils ont de plus en plus de la peine à convaincre leurs compatriotes qu’ils constituent la soupape de sécurité dont rêvaient les Maliens, surtout qu’il y a manifestement plus de terroristes aujourd’hui au Mali qu’il n’y en avait il y a dix ans, au point qu’eux-mêmes ne parlent plus d’éradication du fléau, mais d’endiguement ou de containment comme disent les Américains. Avec ce constat d’échec dans un pays chroniquement instable, une révolte populaire n’est pas à exclure, malgré le patriotisme qu’ils agitent pour faire diversion. Car, au Mali, tout comme au Burkina et au Niger, les populations éprouvées par le terrorisme, ont besoin de paix et non d’un usage inutilement surabondant de rhétoriques souverainistes qui ne sont guère accompagnées d’actions fortes sur le terrain de la lutte contre le fléau. Dans ces trois pays liés comme chacun le sait par l’histoire, la géographie et désormais par les méfaits du terrorisme, les autorités sont sur la sellette, pour n’avoir pas trouvé la meilleure stratégie pour mettre fin au calvaire de leurs compatriotes comme ces bêtises humaines commises récemment entre Songho et Bandiagara au Mali, Solhan au Burkina Faso et Adab-Dab au Niger. Espérons qu’elles vont toutes sortir enfin de leur apathie, pour une véritable synergie d’actions qui empêchera les mauvais garnements de se jouer des frontières pour s’attaquer aux populations vulnérables à tout point de vue. Il y va de la survie territoriale de leurs Etats, mais surtout de leur pouvoir qui risque d’avoir du sérieux ennuis si des zones entières de leurs pays continuent de tomber aux mains des terroristes, comme c’est malheureusement le cas actuellement.
« Le Pays »