HomeA la uneLA NOUVELLE DU VENDREDI : Des affaires et encore des affaires contre un salaire de misère

LA NOUVELLE DU VENDREDI : Des affaires et encore des affaires contre un salaire de misère


Oh ! Tu sais, mon enfant, le salaire sous nos cieux est une vraie misère ! Tu vois ces belles villas, ces luxueuses voitures et ce rythme de vie pleine d’aisance de nos fonctionnaires ? Ne te fais pas une illusion. Ce ne sont pas nos maigres salaires qui procurent ces merveilles. Ma fille, ce sont les affaires ! Les vraies aff !
J’ai construit trois villas, acquis des voitures de marque et tout ce que tu vois. Tu penses qu’avec mon salaire j’aurais pu faire ces réalisations?
C’est ainsi que le vieux Kaboré, fonctionnaire à la retraite, débordant d’orgueil et brillant de bombance, faisait comprendre à Sally sa jeune nièce, il y a de cela quelques années les moyens de devenir riche. Une nièce qui attendait dans l’anxiété sa première affectation dans le monde administratif après sa formation.
– Prie ma fille pour qu’on te balance dans un lieu où tombent de bonnes affaires ! Au Faso, ce sont les affaires qui font l’Homme.
L’oncle venait de résumer la mentalité générale de plus d’un au pays des hommes intègres. L’oncle venait de peindre sans diplomatie la réalité de notre quotidien administratif et professionnel. Garantir un salaire et traiter des affaires pour se tirer de l’impasse et profiter pleinement de la vie. Une formule magique !
Le salaire que l’employé de l’administration publique ou privée perçoit de son employeur à chaque fin de mois pour service rendu, est la saine pitance, légale et digeste du travailleur.
Le digne salaire et sa gestion, le digne salaire et son usage, voilà ce qui fait la grandeur ou la déchéance de l’employé. L’organisation et les réalisations avec le salaire permettent à son bénéficiaire de se regarder avec fierté dans son miroir. La conscience de l’Homme étant le meilleur des juges, on peut mentir à tous, sauf à soi-même.
– J’ai réalisé ceci ou cela sans vol, sans arnaque et sans souillure. J’ai réalisé tout cela avec mon salaire. Le vrai.
Telle est la vraie fierté de l’homme avec lui-même.
Pour revenir à notre histoire, Il y a quelques mois, nous avons appris que Sally la nièce du vieux Kaboré, après une carrière fulgurante et très lucrative par ses précoces réalisations, à été épinglée par la Justice pour une affaire de détournement d’argent. Un fardeau sur sa tête.
Affaire à suivre.
De l’avis général au pays des Hommes intègres, le salaire dans l’Administration publique est une misère, voire une miette en comparaison avec le traitement des travailleurs d’autres contrées. Comparaison n’est pas raison et ma vieille mère disait souvent :
L’homme qui vit mieux avec peu évite simplement les comparaisons.
Pour ceux (la majorité) possédant parfois les mêmes diplômes de départ, mais croulant sous la misère et le chômage, avoir un salaire est déjà un luxe. Pour le grand nombre suffoquant sous la pauvreté et ses vérités, avoir un salaire quel que soit son volume, est un paradis. A chacun ses problèmes, dira mon voisin. On accepte du moment que chacun est libre de donner ses opinions.
– Certains font le même boulot que nous mais gagnent plus, rouspètent certains.
Ils oublient qu’à coté d’eux beaucoup sous le soleil et la poussière de la savane, dans la sueur des muscles et parfois avec des larmes, beaucoup d’âmes font plus que leur job et pourtant gagnent moins.
C’est bon d’observer ceux ou celles qui sont en haut de l’échelle pour se donner de l’ambition. Mais de temps à autre aussi, jetez un regard sur ceux ou celles qui sont en bas de l’échelle, afin de mesurer nos lamentations.
Traiter des affaires, parce que le salaire ne suffit pas, n’est point un crime. La débrouillardise n’est pas condamnable. Et cela, tant qu’on ne viole pas la légalité en piétinant la morale.
Seulement, on se demande quels genres d’affaires doit-on traiter quand le salaire ne suffit pas. Et c’est là qu’au Faso, les choses se compliquent et se perdent dans un brouillard d’incivisme contre la chose de l’Etat. Difficile de considérer le vol, la corruption, les détournements, les arnaques, les raquettes, les sales combines comme des affaires.
Certains perdent complètement l’âme pour les choses d’ici-bas en affirmant :
L’Etat n’est le champ du père de personne.
Au contraire, l’Etat, permettez-moi, est le père. Et le développement commence par son respect. Car, à quoi servent les grands projets s’ils sont voués aux détournements et à la gabegie ?
Vivre dans l’aisance et dans l’insouciance générale du devenir de l’autre, voilà la plaie africaine à soigner avec rigueur.
Entre le souhait de vivre dans le luxe tapant et ses dérivations, l’alcool, le bling-bling, les maîtresses et ce que cela coûte, les bijoux, les villas de complaisance et autres tape-à-l’œil ou la simplicité de vivre selon ses moyens, il faut choisir.
Certains se libèrent du regard des autres par les affaires dont on sait. D’autres se crucifient par les affaires dont on sait. A l’instar de la nièce Sally.
Pour le vieux Kaboré, aux dernières nouvelles, depuis le décès brutal de sa femme, il séjourne pour la énième fois dans une luxueuse clinique pour son mal de diabète, sa tension et ses rhumatismes qui se réveillent fréquemment et jurent de l’escorter pour rejoindre l’autre monde. Il paraît que ça ne va pas trop fort.
Et mon oncle qui ne manque pas d’humour affirme ceci :
« La vraie santé c’est Dieu. Et avec Lui, il faut être honnête avec les comptes. Le Boss des boss est un expert en comptabilité. Tu connais le nombre de cercueils venant chaque année de Paris, de Rome ou de New-York pour être enterrés dans nos villages africains ? »
C’est par la pourriture de ses branches que le baobab qui narguait le sol, finit par courber l’échine.

Ousseni NIKIEMA
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70-13-25-96


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