LA NOUVELLE DU VENDREDI : Un appel très meurtrier
Ce matin, je revenais de la boulangerie avec un pain chaud sous le bras. Accélérant le pas, j’imaginais la bonne odeur du café qui m’attendait. Il était 7h 40mn sur le cadran de ma montre.
Je venais de traverser l’avenue lorsqu’un coup de frein et un choc brutal se produisirent derrière moi. Je me retournai et vis une voiture grise qui venait de prendre de plein fouet un motocycliste.
Les vendeurs de pomme de terre devant la pharmacie et le parkeur se précipitèrent vers la victime. Je m’approchai.
Un jeune homme d’une trentaine d’années gisait au milieu des débris de ce qui restait de son engin. La conductrice de la voiture, une jeune dame, sortit de son véhicule, regardait ébahie la scène. Je l’entendais dire :
– Ô mon Dieu ! Pourquoi faisait-il une telle vitesse ? Ce n’est pas croyable de doubler à droite avec une telle vitesse ! Ô mon Dieu !
Quelqu’un appelait les sapeurs-pompiers et donnait des informations. Un jeune vendeur du lieu parlait calmement à l’oreille de la victime. L’homme réagissait difficilement. Pendant ce temps, son portable dans sa poche ne cessait de sonner.
Finalement, encouragé par les autres témoins, le jeune vendeur extirpa l’appareil et regarda sur le cadran. Je m’approchai pour voir. Sur le tableau était marqué « Patron ». Il décrocha en activant le haut-parleur. Nous écoutâmes :
– Bonjour…
– Ecoute, si dans 10 mn tu n’es pas au bureau, tu auras de sérieux problèmes…
– Monsieur, la personne que vous appelez vient de faire un accident.
– C’est grave ?
– Oui, je crois… Prévenez sa famille !
L’appelant coupa et nous nous regardâmes. Le jeune vendeur secoua la tête et dit :
– Il roulait trop vite. Pressé sûrement par l’appel du patron. J’espère qu’il s’en sortira.
De loin nous attendions la sirène de l’ambulance. Je m’en allai. Dix jours plus tard, je m’arrêtai devant la pharmacie pour chercher un produit. Je reconnus le jeune vendeur et allai vers lui.
– Cher ami, j’étais là le jour de l’accident et je voudrais vous féliciter pour votre civisme.
– Je n’ai fait que mon devoir. Merci.
– Le jeune homme s’est-il tiré d’affaire ?
– Non hélas, les policiers venus faire le constat ont confirmé sa mort dans l’ambulance.
– C’est triste !
– Très triste. L’appel de son patron lui a été fatal.
– Un appel meurtrier !
– C’est ça. Et le comble, c’est que sa famille ne le saura jamais.
– C’est criminel !
– Je vais vous dire une chose mon ami. Depuis cette histoire, même si le boss national me disait de rappliquer au palais, je roulerai à mon rythme pour répondre à l’appel. Le cadavre d’un grand guerrier ne sert plus le roi.
Il avait raison. Je saluai chaleureusement le jeune homme qui avait de la suite dans les idées et lui souhaitai une bonne journée.
Ousseni NIKIEMA, [email protected] 70-13-25-96