HomeOmbre et lumièreLA NOUVELLE DU VENDREDI : Le conteur

LA NOUVELLE DU VENDREDI : Le conteur


Quand j’étais enfant, nos parents se réunissaient le mardi soir pour écouter l’émission « sous l’arbre à palabre » en langue mooré sur les ondes de la radio nationale. C’était une séance animée par le célèbre homme de culture le Larlé Naaba Anbga. C’était une heure attendue avec impatience.

Pour nos familles, c’était un moment privilégié, un rendez-vous à ne pas manquer. Les mardi soirs, les postes radios avaient droit à leurs piles neuves, une énergie nouvelle.  Contes, proverbes, chants et poèmes, la population buvait goulûment à la source de la sagesse africaine. Les fils et filles s’imprégnaient de l’enseignement traditionnel par le biais de la technologie. Les maîtres de la parole faisaient voyager le père, la mère, la tante, l’oncle, les grands-parents, les adolescents, les enfants dans une communion parfaite. Le dompteur des mots était respecté et respectueux.

Le conteur ou la conteuse maîtrisait son art. Au besoin, il ou elle glissait  une mélodie dans son récit. Le poète ou la poétesse savait imiter la voix du faible, du méchant, de l’hypocrite, du gourmand, de l’avare, du niais. Le conteur, par la langue faisait la foudre, le vent, la tempête, l’eau qui coule. La conteuse interprétait à merveille le rugissement du lion, le barrissement de l’éléphant, le miaulement du chat. L’homme du verbe savait amuser son auditoire dans les règles de l’art, dans la dignité. La femme de la parole donnait du rire au public sans vulgarité.

Le conteur était loin d’un bouffon.

Guidé par la décence, le conteur choisissait ses mots pour le respect de la morale, pour ceux ou celles qui l’écoutaient.

Une soirée de contes n’était pas une exclusivité enfantine, une recréation féminine. Une soirée de contes était une leçon dans une faculté de sciences, de droit, d’histoire, de géographie, de philosophie, de psychologie, de para- psychologie, de sociologie… Une soirée de contes était un cours dispensé dans une université par un professeur soucieux de la pédagogie et de la méthodologie.

La hiérarchie était de rigueur dans le métier du conteur. Les initiés montraient le chemin aux jeunes. Pour perpétuer la tradition, la formation se faisait sous le regard des anciens. Du jour au lendemain, on ne se transformait pas  en conteur ou conteuse. C’est tout un parcours avant de manipuler aisément et honorablement la parole. Car le verbe, c’est le sens de la vie. La parole est le sang de l’âme. Les mots guident le devenir de Dunia.

Le conteur composait avec le musicien dans une parfaite complémentarité. Le conteur communiait avec l’auditoire dans une familiarité fraternelle.

Enfant, je me souviens du lundi soir, de l’arbre à palabre en dioula ou notre père nous traduisait les contes. La mélodie du musicien accompagnant le   conteur captivait mon attention. La voix du modérateur, le Nàa-Mou !  Nàa-Mou ! qui encourageait le maître de la parole me séduisait. C’était pur, naturel, féerique. C’était hier.

Le temps passe. Les choses évoluent. Vivons notre période.

Le conteur des temps modernes peut être à la fois maître de la parole, musicien, comédien, danseur, amuseur public, bouffon et encore et encore.

Trop de qualificatifs, d’étiquettes ne vont-ils pas alourdir le sage ?

Nous nous sommes laissé dire que le conte doit distraire. Mais, l’enseignement de nos aïeux doit surtout amuser, enseigner et éduquer.

 

Ousseni Nikiema, langage de sourds

[email protected]

70-13-25-96

 


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