LA NOUVELLE DU VENDREDI : La force tranquille
La Semaine nationale de la culture (SNC) battait son plein à Bobo-Dioulasso en fin mars dernier. La belle et douce ville de Sya, chaque seconde, chaque jour et chaque nuit, soufflait sa magie culturelle dans le cœur des habitants et des festivaliers venus des quatre coins du pays des Hommes intègres et d’ailleurs.
L’exposition des œuvres littéraires se déroulait dans une bonne ambiance à la chambre de commerce et de l’industrie de la ville. Les lecteurs, visiteurs et acteurs du domaine, du matin au soir, parlaient culture et livres dans une passion partagée des grands jours.Les décibels du plus grand rendez-vous culturel de la région étaient montés au paroxysme ce matin avec l’arrivée du président de la République et sa visite dans un musée voisin du lieu de l’exposition. Chants, danses et acclamations d’une grande foule accompagnaient le cortège présidentiel.Dans son troisième âge, un homme était rentré dans l’exposition avec cette ambiance de grand jour. La démarche alerte et la carrure très impressionnante et bien conservée, il portait à merveille sa barbe blanche dans un boubou bleu impeccable et brillant. L’homme visita notre stand, discuta un moment, puis acheta des œuvres d’auteurs burkinabè pour lui et des livres d’enfants pour sa petite fille.
– Offrir un livre à un enfant, c’est lui ouvrir les portes de l’univers et de la connaissance. Me dit-il avec le sourire.
Avant de s’en aller, je lui donnai ma carte de visite et il me tendit la sienne.
Je pus lire :
- Sanou… alias « la force tranquille ».
Je souris et lui demandai :
– Papa, c’est un gentil surnom … mais un peu spécial ?
– Vous êtes écrivain, venez me voir et je vous raconterai l’histoire de ce nom. Peut-être que ça vous inspirera.
Lorsque la SNC ferma ses portes par la clôture de ses activités, j’appelai le vieil homme. Un après-midi, sous un grand manguier de sa cour dans un quartier de la ville de Bobo, papa Sanou me reçut.
– Mon fils, merci pour l’honneur de ta visite.
– C’est moi qui vous remercie pour l’hospitalité et la fraternité.
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Avec le sourire, l’homme me raconta l’histoire de son prénom singulier et si cher qu’il a imprimé sur ses cartes de visite. Et voici ce qu’il me raconta :
– Quand j’avais 25 ans, j’étais cheminot de profession et boxeur amateur par passion. Par ma taille et mon agilité, j’avais un avantage physique très considérable. Surtout qu’enfant, l’école de la danse et de la lutte au village m’avait donné les rudiments du métier. Sur le ring j’avais décroché mes premières médailles et une belle carrière en construction. Seulement à cette époque, le métier sportif était très précaire et incertain. Ma profession de cheminot prenait le dessus. Un matin à la gare, Bony un jeune collègue de 23 ans, me provoqua verbalement de manière violente. Pendant que je tentai de me contenir sous le regard étonné de mes autres collègues, il poussa l’offense à l’extrême en me jetant sa chaussure sur le visage. Je fermai les yeux de rage et prêt à lui donner une correction bien méritée. Physiquement, j’avais l’avantage. Un doyen que je respectais beaucoup au service attrapa ma main et me souffla à l’oreille :
– Ne lui répond pas fils ! je t’en supplie, si tu m’écoutes, tu ne le regretteras pas.
J’avais beaucoup de respect pour ce doyen. Puisant la force dans la profondeur de l’âme, je dominai ma colère. A la surprise générale, je m’en allai sans répondre à la provocation de mon jeune collègue. Le soir, avant de quitter le service, il me présenta ses excuses. J’acceptai et nous nous saluons chaleureusement. L’incident était clos.
Le lendemain matin, en arrivant au service, une triste nouvelle nous attendait. Bony a brutalement rendu l’âme la nuit dans une crise cardiaque. Pendant les obsèques dans l’après-midi, nous apprenions avec stupeur auprès de la famille que Bony souffrait d’un sérieux problème de cœur et vivant une déception sentimentale ces derniers jours, il traversait une période très difficile. Un drame que ni la famille, ni les soins du cardiologue et du psychologue n’ont pu éviter. Devant sa dépouille mortuaire, je lui renouvelai mon amitié et mon affection.
La nuit, j’allai chez le doyen pour le remercier de m’avoir sauvé d’une situation. Si j’avais répondu à la provocation de Bony la veille ?
Jamais, je n’oublierai ce conseil du doyen qui m’a donné ce surnom.
Soit toujours une force tranquille.
Cette force qui construit et non celle qui détruit.
Cette force qui unit et non celle qui désunit
Cette force qui se domine et non celle qui domine.
Ousséni Nikiéma
Tél. : 70 13 25 96
Kayadan Alain Gounabou
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Salut LePays. Je suis très ému par l’histoire racontée. C’est une manière de nous interpeller à la maîtrise de soi, à savoir “se dominer” et non à “dominer”.
29 avril 2018C’est un beau conseil que j’essaierai d’appliquer dans mon comportement quotidien pour être aussi cette ” force tranquille ” Merci infiniment !