OFFENSIVE AGRO-PASTORALE ET HALIEUTIQUE : Bagré-pôle “laboure”… sa partition
La plaine de Bagré-pôle est en plein chantier. L’offensive agro-pastorale et halieutique, initiée par le gouvernement de la Transition, y a déposé ses valises. Des coins et recoins de cette plaine visités, durant quatre jours, du 12 au 15 mai 2024, le constat est le même : des producteurs motivés à produire pour satisfaire les besoins en alimentation des populations.
Vrombissements de tracteurs à pas cadencés, le garde-boue retourne la terre. Carburant en stock. Nous sommes à Bagré-pôle où 10 648 hectares sont à labourer avant l’installation de la campagne humide. Des hectares de terres sont déjà labourés et les autres attendent impatiemment et ce, jusqu’au mois de juin, délai donné dans le cadre de l’offensive agricole. C’est la période pour semer dans cette zone où les pluies sont précoces. Des terres labourées s’étendent à perte de vue. La délimitation de ces terres a déjà commencé afin de les parcelliser. Des villages bénéficiaires, on en dénombre plusieurs. Parmi les villages aujourd’hui bénéficiaires de cette initiative gouvernementale, figure celui de Boakla dans la commune de Bagré, province du Boulgou, région du Centre-Est. Notre équipe se rend dans la matinée dans ce village, classé zone rouge où certains types de moto sont interdits à cause des menaces d’incursions de groupes armés terroristes. Une mesure en vigueur depuis quelques mois.
De nombreuses parcelles labourées
De nos jours, la situation est bien meilleure. Même si la mesure est toujours en cours, les populations se sont vite adaptées en achetant les motos aux puissances autorisées. Les populations rencontrées au marché, dans les concessions et sur les voies d’accès aux champs, sont seulement en attente de bonnes pluies, de bonnes semences et d’engrais afin d’emblaver leurs parcelles. C’est leur seule préoccupation de l’heure. C’est dans cette ambiance que nous avons rendez-vous avec Ousmane Kamboné, un des bénéficiaires des parcelles labourées. Nous sommes sur ses parcelles déjà labourées. Dans une ambiance de chants d’oiseaux, il nous explique quelques détails du processus : « Si tu as trois hectares et que tu décides d’en exploiter un après le labour, c’est Bagré-pôle qui va semer le reste et s’en occuper pour ses propres besoins ». Pour cette campagne humide, ce dernier a l’intention de semer du maïs et du sésame. « Nous, on exploite seulement les terres. On ne cherche pas à savoir combien d’hectares nous avons semés », relate-t-il. Selon notre interlocuteur, la quiétude règne à Boakla. Ce qui, laisse-t-il entendre, les encourage à travailler la terre et à produire dans le cadre de cette offensive. « Si on bénéficie de l’accompagnement de la part des agents de l’agriculture, je pense que les choses vont bien se passer. L’obtention de l’engrais est une véritable préoccupation. Nous sollicitons le soutien de Bagré- pôle afin qu’on puisse avoir de l’engrais à temps et en quantité suffisante », fait-il savoir. Ce dernier est aussi le Conseiller villageois de développement (CVD) de Boakla. Cette initiative de labourer plus de 10 000 hectares gratuitement, donne encore de l’engouement aux producteurs. « Chaque année, on peut faire labourer nos terres à 30 000 F CFA, voir 35 000 F CFA. C’est un véritable soulagement. Si on a de bonnes pluies, nous espérons faire de bonnes récoltes », apprécie-t-il. Les hommes ne sont pas les seuls concernés par cette initiative. De parcelles labourées, des femmes en ont aussi bénéficié.
La campagne sèche toujours en cours
Boakla et tous les autres villages bénéficiaires de ces labours, attendent pour emblaver leurs parcelles. Ils sont à l’affût d’une bonne pluie afin de semer les différentes spéculations choisies que sont le maïs, le sésame, le soja et le riz. Concernant le riz, dans les parties irrigables, les choses sont aussi en train de se mettre en place. Mais en attendant, c’est la campagne sèche qui est toujours en cours. Certains champs de riz qui sont en phase d’épiaison et de floraison, nous gratifient de leur parfum de la variété TS2. Après avoir sillonné les sentiers en voiture et à pied, nous arrivons à la parcelle de Laurent Zané. Casquette bien vissée sur la tête, bottes aux pieds, il nous explique ce qu’il fait durant cette période. Il exploite actuellement un hectare de riz. « C’est à cause du manque d’engrais. Sinon, avant, j’exploitais deux hectares. Nous sommes toujours en campagne sèche ici. D’ici là, nous allons préparer la saison humide », relève-t-il. La difficulté pour avoir accès à l’engrais est une réalité chez lui. « On a l’engrais mais cela ne couvre pas tous nos besoins. Le prix sur le marché est inaccessible à certaines bourses. C’est avec de petits moyens qu’on tente de faire ce qu’on peut », avance-t-il, la mine triste. Avec celui qui est le trésorier de la coopérative Koumalé, on en sait un peu plus sur ce que les membres vivent comme difficultés. « Quand notre coopérative sollicite 20 tonnes d’engrais, on peut se retrouver avec 10 tonnes. Il faut donc aller sur le marché pour tenter de couvrir les besoins », laisse-t-il entendre. « Nous sommes 53 membres. Et chacun exploite au moins un hectare. Pendant la campagne sèche, nous avons un objectif de produire 30 tonnes de riz », dit-il.
C’est le moment de battage et de vannage du riz paddy
Pour la campagne humide qui s’installe, lui et les autres membres de la coopérative disent être motivés pour répondre aux besoins des consommateurs. « Beaucoup adhèrent à la campagne humide parce qu’elle présente moins de difficultés. Mais, il nous faut de l’engrais parce que le sol est pauvre. Il est exploité depuis 2001. Il faut aussi de la fumure organique et du composte pour favoriser de meilleures productions. Il faut, par ailleurs, des tracteurs et des motoculteurs pour la mise en boue », propose-t-il. Sur la question de vente de sa production, il dit ne pas connaître de mévente, encore moins sa coopérative. « Il n’y a pas un problème de vente de notre riz », affirme-t-il, au regard des promesses d’achat de la production par la SONAGESS (Société nationale de gestion des stocks de sécurité alimentaire). A quelques encablures de là, chez Arouna Saré, sur la rive gauche du barrage de Bagré, la question des conditions de vente du riz, par contre, revient le plus souvent. Toutefois, il indique que pour le moment, il arrive à écouler sa production. Sur leurs parcelles, pour lui et ses frères producteurs de riz, après la récolte, c’est le moment de battage et de vannage du riz paddy de la période sèche. C’est sur l’aire de séchage du canal secondaire 3 que leurs productions sont séchées et débarrassées de résidus avant toute commercialisation. Sur ces lieux, nous rencontrons ce producteur de riz à l’approche facile, de teint clair, assis à l’ombre d’un arbre sous un soleil de plomb. Arouna Saré, puisque c’est de lui qu’il s’agit, dit être dans la production du riz depuis une dizaine d’années. Pour la campagne sèche, il a pu produire 3 tonnes de riz. « Pour ce que nous avons déjà produit, le soutien n’était pas conséquent, sinon, on aurait pu faire mieux. Il y a de nombreux producteurs qui n’ont pas produit pendant la saison sèche. On a appris qu’il y aura du soutien pour la saison humide. S’il y a un soutien, ce sera un ouf de soulagement. Si nous sommes ici, c’est pour travailler », indique-t-il. Et d’ajouter qu’il produit non seulement pour nourrir sa famille, mais aussi pour vendre une partie afin de faire face aux dépenses familiales. « Il y a des retards dans l’exploitation du riz au regard de certaines difficultés. Ceux qui sont en train de récolter actuellement, auront certainement du riz en quantité. Mais ceux qui n’ont pas encore récolté, pourront avoir des récoltes réduites à cause de la pluie qui s’installe », déclare-t-il.
Les unités affirment n’avoir pas été associées à l’initiative
Pendant que la campagne sèche affiche sa production, la campagne humide, elle, s’installe progressivement. Sur d’autres parcelles irrigables, l’heure est au repiquage. En attendant la fin de la campagne humide, la production de la saison sèche cherche des débouchées. Elle en a déjà à proximité. Non loin des concessions et du centre administratif de la commune de Bagré, se sont installées des unités de transformation du riz paddy en riz blanc. Ces unités se sont installées par dizaines. Certaines sont légalement constituées et d’autres non. Elles sont l’intermédiaire entre les producteurs et les consommateurs. A propos de l’offensive agricole initiée par le gouvernement de la Transition, certaines unités affirment n’avoir pas été associées. A la découverte d’unités de transformation dans la commune rurale de Bagré, notre périple nous conduit sur les installations de Kokuma SA. Cette unité créée en 2013, après un temps de latence, a repris ses activités en 2014. Propriété exclusive du diocèse de Tenkodogo, l’entreprise a ouvert son capital à un privé. Ses installations lui permettent de transformer 40 tonnes de riz par jour et le produit sur le marché est dénommé Bagré maryam mui. Les activités de l’usine sont en mode réduction. La nouvelle machine acquise, dotée d’une trieuse optique, est à l’arrêt. Et pour cause, il y a une pénurie de riz paddy sur la plaine. « Le riz produit sur la plaine ne suffit plus. Nous sommes obligés d’aller voir ailleurs, notamment dans la Boucle du Mouhoun », avoue le gérant de cette unité, Abbé Jean Paul Yoda. C’est face à cette situation que ces unités dont Kokuma SA, ont sollicité des parcelles aménagées afin de produire des stocks de sécurité. « On nous a dit qu’il n’y a plus de terres labourées », lance-t-il, déçu. L’homme de Dieu, croix sur la poitrine, sollicite l’accompagnement de Bagré-pôle pour une meilleure organisation dans l’installation des unités et de la production du riz sur la plaine. « On trouve qu’il y a un laisser-aller. Il n’y a pas une main forte qui dirige la plaine », se désole-t-il. Son unité, une des plus grandes en termes de transformation du riz, a trouvé une parade pour assurer son approvisionnement en riz. En effet, elle a signé des conventions d’achat avec des producteurs et organisé certains d’entre eux en unions. Mais il déplore que certains ne respectent pas les contrats. « Ils doivent savoir qu’un contrat ça se respecte. Aujourd’hui, les paysans veulent du cash à l’achat », informe-t-il. Kokuma SA, à l’entendre, traverse une situation financière difficile. Il pointe du doigt la dette fournisseur qui n’est pas payée. « Je connais des entreprises qui ont fermé », révèle-t-il. A ce jour, celui qui a pris la tête de cette unité pour la rendre rentable, regrette que ses factures ne soient pas payées depuis environ deux ans. Elles sont de l’ordre d’une centaine de millions de F CFA, des créances non payées par des intermédiaires entre l’Etat et son unité.
L’abbé dénonce la concurrence déloyale
A quelques pas de là, se trouvent aussi les installations d’une autre unité. C’est la plus grande en terme de transformation du riz. Sa production est de 60 tonnes par jour. C’est l’UDIRBA (Unité diocésaine du riz de Bagré). Cette unité qui existe depuis 2006, est la propriété de l’archidiocèse de Koupéla. Elle est actuellement gérée par l’Abbé Pascal Zougmoré. Il est habillé d’un tee-shirt sur un jean et des basquettes. Très branché comme le diraient les jeunes, croix sur la poitrine, il dégage de l’énergie à première vue. De petite corpulence, il est sur tous les chantiers pour faire de cette unité, une référence. 10 000 tonnes par an, cette usine produit 3 000 tonnes l’an. Elle connaît aussi une rupture d’approvisionnement en riz paddy. « Nous avons un problème de liquidité. Il y a 400 millions de F CFA de créances à recouvrer. On a donc des problèmes pour fonctionner normalement. Il nous faut des moyens financiers. Car, avec les banques, c’est comme nous travaillions pour tout leur remettre », déplore-t-il. En plus de cela, ce jeune abbé dénonce la concurrence déloyale qui leur est faite par les unités non légalement constituées. « Ces unités créent un désordre dans l’achat du riz paddy. Le prix du riz blanc a augmenté parce que le prix du riz paddy aussi a connu une augmentation. Si l’Etat subventionne l’engrais, il devra veiller à ce que le prix du riz paddy ne connaisse pas de flambée », conseille-t-il. Et d’appeler Bagré-pôle à garantir des stocks de riz paddy aux transformateurs légaux. Son cri du cœur : « Il faut faciliter l’accès aux crédits en mettant en place une garantie ».
Le blé pousse à Bagré
Autre céréale, autre réalité. Le Burkina s’est engagé à produire du blé sur la plaine de Bagré après l’expérience de la vallée du Sourou en 2006. Des hauts et des bas, le processus de la saison 2023 en a connu. Lors de la campagne sèche qui vient de s’écouler, dans le cadre de l’offensive agricole, cette céréale apparue, il y a 10 000 ans au Sud-Est de la Turquie, a poussé des producteurs des profondeurs de la province du Boulgou, sur la plaine de Bagré-pôle, à aller à son école. Sur un objectif de production de 100 tonnes de blé, les fruits n’ont pas tenu la promesse des fleurs. Les producteurs mobilisés pour cette première tentative, n’ont réussi à récolter que 10 tonnes. Mais pour les acteurs, l’objectif est plus qu’atteint. Le blé pousse désormais à Bagré. Parmi ces producteurs qui ont participé à l’aventure, figure Menéné Nabo. Nous avons pris rendez-vous avec lui à la radio Bagré-pôle. Habillé en survêtement, notre interlocuteur a dû abandonner ses travaux de construction pour honorer le rendez-vous. « C’était pour essayer voir », lance-t-il. Et de se réjouir d’avoir participé à cette première tentative de production du blé. « Nous sommes contents car on ne savait pas qu’à Bagré ici, on pouvait réussir le blé. C’est cela notre victoire », s’est-il montré satisfait. Pour une première, il dit avoir exploité un hectare et demi. A la récolte, ce sont 180 kg de blé qu’il a pu mobiliser. Du blé qui est aujourd’hui stocké en attendant d’être enlevé par la SONAGESS qui a décidé d’acheter le kilogramme à 500 F CFA. Son gain, selon ses dires, arrive à peine à couvrir ses dépenses. N’empêche ! Il est motivé, à l’image d’un autre producteur, Issoufou Boundaogo, à poursuivre le projet. En koko-donda cousu en boubou et assorti d’un pantalon, ce second producteur nous a aussi rejoints à la radio « Mieux informer pour mieux décider ». C’est la salle de rédaction qui a servi de cadre à l’entretien. Avec environ 4 hectares, il a pu récolter 672,5 kg. Sa vente aussi couvre à peine ses prêts. Les questions d’engrais et d’encadrement reviennent le plus souvent. Et cette initiative du gouvernement ne fait pas exception. Pour ce cas d’école, ils étaient 30 personnes à exploiter 52 hectares de blé. « Pour les saisons à venir, nous sollicitions plus d’accompagnement et de soutien financier. Il faut motiver les gens à travers aussi une assurance agricole. Tout début n’est pas facile. Mais avec l’accompagnement conséquent, ça ira », espère-t-il. Pour lui, point de découragement ni de regret. Car, selon lui, l’initiative est louable parce qu’elle a pour ambition de nourrir des Burkinabè. Ce producteur de blé recommande des voyages d’études sur le blé et une collaboration avec des laboratoires. Pour relever ce défi de produire du blé les terres de Bagré, des actions ont été menées par l’autorité publique. C’est dans ce sens que tout le long du processus, les producteurs-candidats ont été accompagnés par des agents de l’agriculture. Ces soldats de la forêt, une première pour eux aussi, signalent avoir accompagné cette initiative du mieux qu’ils pouvaient. C’est l’exemple de la cheffe des lieux en matière de formation agricole, Aïda Keïta. La radio semble un passage obligé pour elle dans la journée. Sur sa machine, les dossiers sont traités et des coups de fils sont passés pour faciliter notre reportage. Elle a suivi de bout en bout la traduction en actes des intentions des autorités de la Transition. Son rôle est de suivre la mise en valeur des parcelles sur la plaine de Bagré-pôle. Dans le cadre de l’offensive agricole, il a été demandé à ce pôle de croissance, de produire le blé. « 82 hectares ont pu être emblavés. Au final, on a pu irriguer 72,5 hectares et cela concerne le blé de consommation et celui des semences. Il y a un particulier qui a pu mettre en valeur 7 hectares », énumère-t-elle.
Ils ont commencé à semer autour du 15 décembre 2023
Les producteurs, à entendre la cheffe de service de la formation et de l’appui, ont bénéficié de semences de blé et d’intrants subventionnés. Voile sur la tête, dame Keïta parle avec assurance et mentionne que c’est une initiative qui était dans sa phase pilote. De formations théoriques sur la spéculation, elle affirme n’en avoir pas bénéficié. « Les producteurs apprenaient sur le tas. Des recours à des informations antérieures, on a pu accompagner les producteurs dans la réussite de ce projet », précise-t-elle. La récolte n’était pas au rendez-vous. L’une des explications, c’est que le blé doit être cultivé en période de fraîcheur. Beaucoup de leçons tirées de cette première expérience. « Il y a eu quelques difficultés. On a commencé un peu tard. Comme c’était dans l’optique d’essai, on s’est lancé. Il faut tirer des leçons. La recherche a préconisé un calendrier mais on était en décalage du calendrier qui était prévu de novembre jusqu’au 10 décembre », note t-elle. Pour cette première expérience, ils ont commencé à semer autour du 15 décembre 2023. Autre difficulté pointée du doigt : le système d’irrigation. L’irrigation gravitaire a été utilisée alors que c’est celle par aspersion qui est la mieux adaptée. « Le blé n’aime pas trop d’eau. Il aime l’humidité et la fraîcheur », fait-elle comprendre. Avec cette tentative, les producteurs ont appris que le blé n’aimait pas la concurrence. « Le producteur doit désherber le champ de blé et éviter d’y semer autre spéculation. Mais à chaque étape, on amenait les intrants et on les suivait », confie-t-elle. Pour avoir suivi ces producteurs, elle dit les avoir trouvés très motivés. « Ils avaient à l’idée qu’ils étaient des pionniers. C’est déjà un atout », s’est-elle réjouie.
Dans cette offensive, rien n’est oublié
Pour une alimentation équilibrée, il faut accompagner les céréales de protéines végétales ou animales. Dans cette offensive, rien n’est oublié. La production de petits ou grands ruminants et du poisson, est prévue. Pour découvrir un aspect de cette initiative, notre parcours nous conduit au Centre d’élevage piscicole de Bagré. Un site choisi pour l’élevage des alevins de tilapias pour des futurs producteurs et pour la production de poissons marchands. C’est un grand espace sur lequel sont construits plusieurs bâtiments, une unité de fabrication d’aliments et des bassins. Sur ces lieux, rendez-vous est pris avec le directeur d’exploitation, Dimanche Ouédraogo. En tee-shirt noir, jean et lunettes, il reçoit sans discontinuer, depuis le matin des visiteurs. Ce sont des membres d’une commission d’attribution de marché. Ils sont là pour réceptionner des travaux exécutés dans le centre à l’effet d’améliorer sa productivité. Le centre produit au moins 28 000 alevins en fonction des bassins et ce, en 21 jours. Pour les clients, les alevins seront mis en quarantaine au moins quatre jours avant d’être livrés. Le poisson marchand lui, est cédé à 300g, voire 400g. Ils sont vendus aux clients chaque mois. « Le maillon de fabrication d’aliments où les installations sont vétustes, connaît des difficultés. Il y a aussi la chambre froide qui est en train d’être réhabilitée. Sinon, les autres maillons sont fonctionnels », décrit-il. Dans le cadre de l’offensive, la structure qu’il dirige ne fait qu’accroître sa production ; elle qui faisait déjà, la production d’alevins. Ces alevins seront cédés à des entreprises qui, selon lui, ont déjà souscrit à un appel à projets, lancé par une fondation. « L’appel à projets a été clôturé. Après dépouillement, bientôt, nous allons sentir que les choses vont bouger par la manifestation des clients pour la production du poisson dans les cases flottantes », donne-t-il comme information. L’offensive est en marche, est-on tenté de dire. Et ce n’est pas le premier responsable de ce pôle de croissance qui dira le contraire. Nommé le 21 février 2024, le nouveau Directeur général de Bagré-pôle, Patarbtalé Joseph Nikièma, nous reçoit dans ses bureaux, dans un bâtiment construit en hauteur. Depuis son bureau, la vue d’une partie de la plaine est agréable. En complet boubou et pantalon de même couleur, la taille moyenne, il nous reçoit, dans son bureau logé au premier étage du bâtiment qui fait office de siège de Bagré-pôle, dans la cité de Bagré. Son personnel et lui sont désormais présents à Bagré. Une situation qui contraste avec les réalités d’avant et qui rassure les populations.
Plus de 5 000 hectares qui seront emblavés
Le gouvernement compte sur Bagré-pôle. C’est une évidence au regard de nombreuses missions effectuées et qui continuent d’être effectuées par le ministre en charge de l’agriculture. Ce pôle de croissance en est conscient et au premier chef, le Directeur général. C’est pourquoi tout est mis en œuvre pour ne pas décevoir les attentes fortes. « La plaine de Bagré est un site phare pour donner une grande contribution à l’offensive jusqu’en 2025 », reconnaît-il. Et de faire ce commentaire : « Dès cette campagne humide, les 10 648 hectares ont été mobilisés pour la production. En concertation avec les populations, nous avons déjà engagé cela. Les travaux de préparation du sol sont en cours. C’est bien avancé. A terme, ces terres doivent être exploitées en partie par les populations et l’autre partie par Bagré-pôle », expose-t-il. Sur ces terres labourées, ce sont plus de 5 000 hectares qui seront emblavés, a indiqué le Directeur général. Récemment nommé, il dit ne pas avoir la pleine mesure de toutes les difficultés ou plaintes des producteurs. « J’ai entendu des récriminations par rapport à la multitude de variétés de riz qui sont utilisées. A contrario, je n’ai pas entendu de réserves sur l’installation d’unités de transformation tous azimuts. Tout cela gagnerait à être mieux organisé. Nous allons rentrer en contact avec les différents acteurs, pour voir comment on pourra organiser la production et la transformation sur la plaine », laisse-t-il entendre. Selon lui, sa structure n’a pas pour vocation d’être un gendarme du pôle. Car, elle est tout aussi un acteur sur la plaine. C’est pour cela que la structure fait des productions, notamment celle du poisson. « Nous ferons en sorte que le poisson qui sera produit en bassin, soit plus disponible. Très prochainement, il y aura la pisciculture dans le lac. Des entreprises seront sélectionnées à cet effet », annonce cet ingénieur du génie rural. Sur la question des petits et gros ruminants, il avoue que la situation est mitigée. Prévu aussi dans le cadre de l’offensive, ce secteur rencontre d’énormes difficultés qui ne facilitent pas sa mise en œuvre effective. « Nous avons voulu mettre en place une zone pastorale moderne. Malheureusement, nous avons rencontré des difficultés qui ont entraîné la suspension du processus d’affectation des parcelles pour réaliser des fermes. Cette année, il n’y aura pas de grandes actions d’envergure dans la zone pastorale identifiée », s’est-il montré on ne peut plus explicite. A peine deux mois passés à la tête de ce pôle, le nouveau Directeur général a des ambitions. Il veut le rendre productif et rentable. L’Etat veut augmenter la production pour la consommation nationale et Bagré-pôle veut produire afin d’être rentable. C’est pour répondre à cette volonté de faire désormais les choses autrement que ce pôle, dans cette offensive, est en train de « labourer »… sa partition.
Boureima KINDO
Regard sur la situation sécuritaire sur la plaine
Dans la province du Boulgou, dans le Centre-Est, des incidents de nature terroriste sont souvent enregistrés. Ces incidents sécuritaires sont signalés actuellement à une trentaine de km de la RN 16, côté gauche de Bagré-pôle. Mais Bagré semble une zone paisible. Un dispositif sécuritaire est mis en place pour décourager toute tentative de contrarier la quiétude qui existe sur toute la plaine. De quoi encourager les producteurs sur place. Une situation aussi qui incite bien des visiteurs de la plaine à passer un séjour sans trop de souci dans le Centre écotouristique, unité économique placée sous l’autorité de Bagré-pôle. Cette zone à fort potentiel agricole, est toujours en attente d’une ligne directe d’une compagnie de transport. Pour l’instant, ce n’est pas le cas. D’autres acteurs de transport y font du business mais cela laisse à désirer; tant les plaintes des voyageurs sont nombreuses.
BK
Bagré-pôle en question
L’Offensive agro-pastorale et halieutique, récemment adoptée par les autorités de la Transition et qui court jusqu’en 2025, est en marche. Objectif : tenter de combler le déséquilibre de production alimentaire, occasionné par l’inaccessibilité de certaines terres pour raison d’incidents de nature terroriste. Et ce, pour satisfaire les besoins des populations en matière de riz, sésame, maïs et soja. Bagré-pôle, qui est le premier pôle de croissance du Burkina, a vu le jour en 2012. Créé en tant que société d’économie mixte à hauteur d’un milliard de F CFA à son actif, c’est une zone d’utilité publique d’environ 500 000 hectares. Sur cette plaine, en plus du riz, il y pousse du cacao. La banane douce y est produite ainsi que le manioc, et l’huile en grande quantité. Depuis la création de ce pôle, il n’y a eu qu’un seul appel à manifestation d’intérêt. Les agro-business présents sur la plaine, sont passés par ce processus.
BK