OUSMANE SONKO A LA TETE D’UNE CARAVANE, POUR LE « COMBAT FINAL » A DAKAR : Le Sénégal plus que jamais sur le fil du rasoir
« La caravane de la liberté », mais aussi de tous les risques qui s’est ébranlée de Ziguinchor depuis le vendredi 26 mai dernier et conduite par l’opposant Ousmane Sonko, va incessamment rallier Dakar, si ce n’est déjà fait au moment où vous lisez ces lignes, pour le « combat final » contre le président sénégalais, Macky Sall. C’est sans doute le dernier baroud d’honneur de celui dont le sort politico-judiciaire va se jouer le 1er juin prochain, avec le verdict tant attendu de la chambre criminelle du tribunal de première instance de Dakar, dans la fameuse affaire de viol et de menaces de mort qui l’oppose à une ex-employée d’un salon de beauté. On sait désormais que le procureur et empereur des poursuites judiciaires, a requis une peine de 10 ans de prison contre le très populaire opposant pour s’être rendu à maintes reprises chez la très jeune et très charmante Adji Sarr, non pas pour des séances de massage au dos comme il l’allègue, mais plutôt de « bunga bunga » et de parties fines non consenties, si l’on en croit le récit glaçant de la plaignante. A la veille de ce verdict qui risque d’être l’étincelle qui provoquera la déflagration, le Sénégal tout entier retient son souffle.
Ousmane Sonko a décidé de marcher sur Dakar
Car, si le juge va dans le même sens que les réquisitions du procureur, les espoirs de Sonko de faire partie du peloton des prétendants à la succession de Macky Sall en 2024, seront définitivement anéantis. Déjà, il est quasiment privé de ses droits électoraux avec une condamnation en appel à 6 mois de prison avec sursis dans l’affaire de diffamation qui l’opposait au ministre du tourisme, Mame Mbaye Niang, et ses dernières « gesticulations » viseraient davantage à éviter l’infamie d’une condamnation pénale « pour des histoires sordides » qu’à se repositionner véritablement pour la course à la présidentielle, selon le porte-parole du gouvernement sénégalais. Quoi qu’il en soit, Ousmane Sonko a décidé de marcher sur Dakar pour dire non à l’instrumentalisation de la Justice par Macky Sall et dénoncer le tour de vis répressif du régime à quelques mois de la présidentielle, avec, comme on l’a dit, tous les risques de débordements possibles et imaginables dans un pays qui, malgré tous les discours convenus sur son exemplarité démocratique, connait cycliquement des violences pré et postélectorales. On en a déjà les prémices avec les échauffourées entre forces de l’ordre et partisans du leader de l’opposition enregistrées depuis le départ de la caravane de la capitale de la Casamance, vendredi dernier, qui ont fait plusieurs blessés à Diaobé, Vélingara, Tambakounda et surtout Kolda où une grappe de militants surexcités ont essuyé des tirs des forces de l’ordre, faisant parmi eux un mort des suites d’un « traumatisme à l’abdomen », selon le procureur de la République près le tribunal de cette ville frontalière de la Guinée-Bissau.
Le Sénégal est plus que jamais dans l’œil du cyclone
La tension sera sans doute encore plus vive à Dakar à l’arrivée du cortège, surtout au moment de l’exécution de la peine de prison infligée au patron du PASTEF qu’est Ousmane Sonko, après sa condamnation suite au procès pour viol et menaces de mort qu’il a royalement snobé, en restant reclus pendant des semaines dans la ville de Ziguinchor dont il est le maire. Pour de nombreux Sénégalais, cette attitude provocatrice de l’opposant s’inscrit dans sa volonté de brouiller les cartes en se faisant passer pour une victime de complot politique ourdi par le pouvoir afin de le rendre inéligible, et d’ouvrir un boulevard pour Macky Sall au cas où celui-ci aurait la mauvaise idée de briguer un 3è mandat. En tout état de cause, cette épreuve de rue engagée par le chouchou de la jeunesse qui se fait le chantre de la lutte contre la corruption, le clientélisme, le chômage et la paupérisation des Sénégalais, risque de déboucher sur une crise politique et institutionnelle dont il est difficile de prédire les conséquences pour ce pays jusqu’ici considéré comme un parangon de la démocratie. Et ce serait bien dommage, car, quoi qu’on dise, le Sénégal fait figure de double exception dans cet environnement politico-sécuritaire ouest-africain particulièrement tourbillonnant. Le pays de la Teranga est, en effet, le seul, avec le minuscule et insulaire Cap-Vert, à n’avoir jamais connu de coup d’Etat militaire depuis son accession à l’indépendance et qui, malgré ses 90% de musulmans, n’a pas encore enregistré de révolte djihadiste alors que tous les pays francophones de l’Afrique de l’Ouest, à l’exception de la Guinée-Conakry, en sont victimes. C’est cet îlot de stabilité qui est malheureusement aujourd’hui sur le fil du rasoir, et qui risque de plonger durablement dans un engrenage de violences et une impasse de bipolarisation si ses leaders politiques actuels ne font pas preuve de supplément d’âme et de suffisamment de patriotisme, à l’image de leurs prédécesseurs qui ont renoncé à leurs ambitions et carrières politiques, dans l’intérêt supérieur du pays. Il y a malheureusement des signes qui montrent clairement que le Sénégal est plus que jamais dans l’œil du cyclone, avec cette défiance réciproque entre le pouvoir et l’opposition qui attise la haine et la division dans le pays, sans oublier les actes inédits de sabotage perpétrés par des individus encagoulés, à l’image de cette cyberattaque contre les sites internet de l’Etat, intervenue ce week-end et revendiquée par un groupe qui se dit « solidaire des citoyens sénégalais qui sont déterminés à choisir librement leur prochain président ». C’est donc un cocktail explosif que le pouvoir et l’opposition gagneraient à désamorcer en appelant leurs militants respectifs au calme, s’ils veulent entrer dans l’histoire politique de leur pays par la grande porte, à l’image de Léopold Sédar Senghor, Abdou Diouf et, dans une moindre mesure, le presque centenaire Abdoulaye Wade.
« Le Pays »