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OUSMANE SONKO FACE A ADJI SARR : La vérité jaillira-t-elle de la confrontation ?


Convoqués par le doyen des juges, Ousmane Sonko et son accusatrice, Adji Sarr, ont été entendus le mardi 6 novembre 2022, par le juge d’instruction pour, chacun, défendre, de manière contradictoire, sa version des faits. En rappel, l’opposant et maire de Ziguinchor est accusé par sa présumée victime, de « viols répétés » et de « menaces de mort ». Cette confrontation constituait une étape décisive dans ce dossier très sensible qui avait mis en ébullition le Sénégal avec à la clé des morts. En effet, à l’issue de ce face-à -face, le juge pourrait demander de nouvelles auditions, puis, soit renvoyer l’affaire devant la chambre criminelle pour un procès, soit prendre une ordonnance de non-lieu. En attendant donc de voir la nouvelle orientation que donnera le magistrat au dossier, l’on peut déjà saluer la ténacité et la sérénité avec lesquelles cette affaire est gérée par la Justice sénégalaise qui n’a pas lâché prise malgré la pression consécutive aux émeutes meurtrières de mars 2021. Et c’est en raison de cela que l’on est en droit d’espérer que la vérité éclate enfin au grand jour dans cette affaire privée à l’origine, mais qui est devenue, par la force des choses, une affaire d’Etat.

 

L’épilogue de ce dossier permettra d’exorciser la scène politique sénégalaise

 

Car, au-delà du fait que force doit rester à la loi et que justice doit être rendue à toutes les victimes qui demandent la protection de l’Etat, l’épilogue de ce dossier permettra d’exorciser la scène politique sénégalaise, les démons de la violence qui la hantent depuis quelque temps déjà. Mais la vérité jaillira-t-elle de cette confrontation et si oui, sera-t-elle acceptée des deux parties ? L’on peut en douter et pour cause.  En effet, cette affaire de viols et menaces de mort dépasse très largement aujourd’hui, la sphère privée des deux individus qui étalent leur linge sale sur la place publique. D’autres intérêts, plus largement politiques, se sont greffés au dossier, empêchant ainsi la manifestation de la vérité. A en croire, en effet, l’accusé qui, depuis le début de ce dossier, crie au complot politique, l’ambition du pouvoir, à travers cette « cabale politico-judiciaire » créée et « entretenue à dessein », est de l’éloigner de la course à la prochaine élection présidentielle au profit du président Macky Sall à qui l’on prête l’intention de briguer un 3ème mandat. Et l’on est d’autant plus tenté de le croire que la Justice, en Afrique, est souvent inféodée au prince régnant qui l’instrumentalise à des fins politiques et, en l’occurrence, pour régler les comptes avec ses opposants. Dans le cas particulier du Sénégal, la pratique n’est pas nouvelle. Car, à l’approche des différentes élections, les opposants ont toujours eu des démêlées judiciaires. L’on se souvient, en effet, des pépins judiciaires de Macky Sall lui-même face au président Abdoulaye Wade et ceux de Khalifa Sall ou de Karim Wade face à Macky Sall devenu, entre-temps, président de la République. L’on est donc tenté de croire que l’opposant Ousmane Sonko, en dénonçant un complot politique ourdi contre sa personne, s’appuie sur ces précédents.

 

C’est tout le Sénégal qui retient son souffle

 

Cela dit, contrairement à ce que l’on pourrait croire, Macky Sall n’est pas le seul bénéficiaire des retombées de cette affaire qui ressemble à une poule aux œufs d’or. En effet, Ousmane Sonko lui-même en a tiré d’importants dividendes politiques même s’il se présente comme la victime de cette affaire. En effet, ce dossier très médiatique a augmenté son capital de sympathie auprès de nombreux Sénégalais qui l’ont exprimé dans les urnes lors des dernières élections municipales et législatives. De simple maire de Ziguinchor, Ousmane Sonko est devenu le principal challenger politique de Macky Sall, damant le pion à d’illustres opposants comme Khalifa Sall, Abdoulaye Wade ou Karim Wade. Et il n’est pas exclu que porté par l’élan de cette popularité grandissante, il soit le futur président du Sénégal, à condition bien sûr, qu’il échappe aux rets de la Justice.  Mais quelle que soit l’issue de cette affaire, la leçon devrait être bien apprise par tous ceux qui aspirent un jour à assumer les premières responsabilités de l’Etat. Pour délayer le « to » du plus grand nombre, il faut avoir les mains propres et les déboires judiciaires de Sonko constituent un avertissement sans frais pour tous les opposants en Afrique. Dans le cas d’espèce, si Sonko venait à être reconnu coupable des faits qui lui sont reprochés, il ne pourrait s’en prendre qu’à lui-même car l’histoire des candidats pris au piège dans des affaires de « fesses », n’est pas une première dans le monde. Mais en attendant, c’est tout le Sénégal qui retient son souffle. En effet, l’atmosphère politique surchauffée à l’Assemblée nationale, il y a quelque temps, sur fond de tensions entre l’opposition et le pouvoir, fait craindre une contagion entre les deux affaires, avec des risques de nouveaux débordements sur une scène politique sénégalaise qui s’affole au fur et à mesure qu’approche la compétition électorale pour la présidence. Mais gageons que les Sénégalais qui ont d’ailleurs toujours su trouver, in fine, des arrangements politiques aux grandes affaires politiques et judiciaires, pourront trouver la parade pour éviter le pire au fleuron de la démocratie ouest-africaine que constitue leur pays.

 

« Le Pays » 


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