HomeBaromètrePASSAGE A LA CINQUIEME REPUBLIQUE : Le Collectif Balai Citoyen pour une constituante

PASSAGE A LA CINQUIEME REPUBLIQUE : Le Collectif Balai Citoyen pour une constituante


Ceci est une déclaration du Collectif Balai Citoyen dans le cadre des débats en lien avec la rédaction d’une nouvelle Constitution au Burkina Faso. Ici, le Collectif Balai Citoyen critique les conditions dans lesquelles la commission constitutionnelle a été créée et fait des propositions pour l’élaboration d’une Constitution qui répond à la volonté du peuple burkinabè.

 

Dans le processus d’élaboration d’une nouvelle Constitution en cours dans notre pays, les hommes au pouvoir se sont constitués en chef d’orchestre. En cooptant presque toutes les figures critiques (les grandes gueules) de notre vie publique comme membres d’une Commission constitutionnelle décrétée par le président du Faso, nous voyons là un moyen d’acheter leur silence. Faisant de celles-ci des complices et coupables de toutes les obscures manœuvres qui auront lieu dans l’ombre pour tailler une Constitution sur mesure au profit des hommes au pouvoir.

C’est la Constitution qui institue les règles du pouvoir et en établit les limites. Ça ne peut donc pas être aux hommes au pouvoir d’écrire ou de désigner ceux qui doivent rédiger les règles du pouvoir. On ne peut pas être à la fois, arbitre et joueur ou être juge et partie.
Et pourtant, même le président de l’organe constituant envisagé pour cette lourde mission, a été désigné par décret présidentiel. C’est dire à quel point les hommes au pouvoir ont la mainmise et le contrôle sur un processus qui se doit d’être indépendant, inclusif et participatif.

Mais encore plus curieux, c’est le silence assourdissant avec lequel ces figures publiques cooptées, accompagnent passivement un tel processus constituant biaisé dès le départ de par :

– l’illégitimité de l’organe constituant,

– la non-transparence dans la désignation des membres,

– le déséquilibre dans sa composition,

– les possibles conflits d’intérêts du fait de la non- garantie de l’indépendance des membres,

– la non-représentativité des membres désignés,

– un président imposé aux autres membres de la commission, ce qui implique qu’il en sera de même pour le règlement intérieur qui devra régir le fonctionnement de cette commission, …bref !
Nous assistons là, à une répétition des méthodes et des erreurs du passé. Evidement qu’au finish les mêmes causes produiront les mêmes effets.

En effet, dans ces conditions, qu’attendre de mieux de la nouvelle Constitution qui sera issue d’un tel processus pour être proposée en référendum ? Pourtant on le sait, il n’y a aucun doute, quelle qu’en soit la mouture, le OUI l’emportera et le projet de Constitution, une fois franchie l’étape de cette commission constituante, passera comme une lettre à la poste. Le référendum ne sera qu’une formalité. La machine électorale MPP étant déjà bien huilée, rien ne pourra empêcher de faire avaler une telle pilule au peuple.

La démocratie c’est d’abord le consensus. L’élection n’est pas la démocratie. Et les résultats de l’élection référendaire ne nous convaincront pas du caractère démocratique de l’adoption de la Constitution et ne blanchiront pas le processus constituant biaisé.

Nos espoirs nés de l’insurrection ont été déçus par une Transition qui n’est pas allée dans le sens réel des aspirations profondes du peuple : justice, réconciliation et refondation.
L’élaboration d’une bonne Constitution est la seule chance qui nous reste pour tracer les sillons du meilleur vivre-ensemble dont nous rêvons tous au Faso.
Voilà pourquoi, au nom de l’intérêt général ou collectif, nous devons tous revendiquer une Constitution écrite par et pour le peuple et non par et pour les hommes au pouvoir.

Selon Machiavel, “la meilleure forteresse des tyrans, c’est l’inertie des peuples”. Le même constat a été fait par Rousseau qui dressait déjà au XVIIIe siècle ce qui est toujours d’actualité et clairement en cours au Burkina Faso : « Vos citoyens, tous absorbés dans leurs occupations domestiques, et toujours froids sur le reste, ne songent à l’intérêt public que quand le leur propre est attaqué. Trop peu soigneux d’éclairer la conduite de leurs chefs, ils ne sentent les fers qu’on leur prépare que quand ils en sentent le poids. Toujours distraits, toujours trompés, toujours fixés sur d’autres objets, ils se laissent donner le change sur le plus important de tous, et vont toujours cherchant le remède, faute d’avoir su prévenir le mal » (Jean-Jacques Rousseau, Lettres écrites de la montagne, 1764).

Dans le cas de notre pays, nous ne sommes cependant pas obligés de voir ce constat de Rousseau comme une fatalité. Il est encore temps si nous nous décidons dès maintenant, à « prévenir le mal ». Nous pourrons nous libérer de nos « fers » à travers un nouveau Contrat social consensuel et non subtilement imposé comme cela est en voie de l’être. Comment faire ?

Pour obtenir une bonne Constitution véritablement démocratique, c’est-à-dire émanant du peuple, trois conditions s’imposent :

 

1- Installer une Assemblée constituante citoyenne indépendante et autonome en lieu et place de la commission constitutionnelle actuelle qui semble être aux ordres des hommes au pouvoir. L’objectif ici est d’empêcher tout conflit d’intérêts consistant pour les hommes au pouvoir à influencer l’écriture des règles et limites de leur pouvoir. Pour cela, ils ne doivent en aucun cas assurer la maîtrise d’ouvrage du processus constituant. L’organe constituant, à savoir l’Assemblée Constituante Citoyenne devra être indépendante, autonome et surtout la plus incorruptible possible. Son organisation et son fonctionnement sont laissés aux membres constituants désignés comme représentants du peuple. Le rôle des hommes au pouvoir devant se résumer à la facilitation en termes d’accompagnement matériel et financier.

 

2- Veiller à une composition équilibrée de l’organe constituant de sorte à ce que l’Assemblée Constituante Citoyenne soit la plus représentative possible de la nation dans toutes ses composantes. Deux types de membres sont envisageables :
– des membres constituants désignés ;
– et des membres constituants tirés au sort pour prêter main-forte aux premiers.

Les membres constituants désignés sont les membres constituants représentant les composantes organisées de la nation (OSC, Syndicats, chefferie, religieux, partis, armée, etc.). Chaque composante organisée se chargeant de designer ses représentants.
Les membres constituants tirés au sort sont les membres constituants représentant les catégories de citoyens non organisés et n’appartenant à aucune organisation. Les représentants de cette catégorie de citoyens seront essentiellement désignés par tirage au sort.
Le mixage de ces deux types de membres complémentaires est nécessaire pour assurer une bonne représentativité de la nation.

  1. Tout membre constituant sera inéligible à vie aux fonctions instituées par la Constitution.

 

3- Donner le temps nécessaire à l’Assemblée constituante pour travailler.
Un temps de travail d’au moins une année sera nécessaire, étant donné que les membres constituants ne seront pas forcément des professionnels, encore moins des spécialistes. Ce qui est d’ailleurs un avantage en ce qu’il permettra d’obtenir une Constitution que l’ensemble des citoyens pourra s’approprier facilement, contrairement aux textes habituellement pondus par des spécialistes, difficiles à comprendre ou inadaptés, c’est-à-dire déconnectés de nos réalités socio politiques.

Le Burkina nouveau auquel nous aspirons tant, ne se bâtira qu’à partir de textes fondateurs rédigés démocratiquement par et pour le peuple et non par et pour ceux qui sont au pouvoir.
La Constitution est le socle de toute société, de toute Nation. Elle est la Cause de toutes les causes. Nous sommes pour la plupart engagés dans un combat pour notre salut et pour un meilleur vivre-ensemble, mais nous ne nous en prenions qu’aux conséquences d’un contrat social mal ficelé qui en est la principale cause ; et dans lequel est programmée toute l’impuissance du citoyen face aux politiques. Le pouvoir politique du citoyen semble toujours être limité à son simple et seul droit de vote. Que vaut le droit au vote lorsque, entre deux élections, les élus devenus hommes au pouvoir prennent des décisions antipopulaires auxquelles les citoyens ne peuvent qu’assister impuissamment ?

D’accord pour le droit au vote, mais revendiquons d’abord notre droit à la parole. Exigeons notre participation aux débats surtout qu’il est question là, d’établir les textes fondateurs de la nation ; de rédiger notre Loi fondamentale qui édicte les règles et les limites du pouvoir. Laisser cette précieuse tâche constituante aux bons soins des hommes au pouvoir, c’est comme demander à des employés (les hommes au pouvoir) de rédiger eux-mêmes leur contrat de travail pour le soumettre à leur employeur (le peuple).

Nous avons attendu trente ans (plus d’un quart de siècle) pour réussir, par une insurrection populaire, à mettre fin au règne d’un homme, sa famille et son clan parce que la Constitution avait été taillée à la mesure de cet homme.
A travers ce nouveau contrat social qui est en voie d’être élaboré, nous devons nous donner les moyens de disposer d’un bon encadrement du pouvoir tout en nous prémunissant de ne plus devoir perdre autant de temps avant de pouvoir révoquer des employés impertinents qui préféraient se servir plutôt que de servir le peuple.

La cause des causes des problèmes auxquels nous sommes confrontés quotidiennement, c’est notre mauvaise Constitution. Nous ne pouvons donc pas prendre le risque de laisser le soin aux hommes au pouvoir de rédiger ou de diriger la rédaction des règles du pouvoir. Tout l’enjeu est en effet de prendre conscience que tous nos problèmes sociétaux sont directement liés à ce texte fondamental qui définit le régime politique dans lequel l’impuissance du citoyen est programmée d’avance face aux dérives inévitables des hommes au pouvoir. Parce que nous le savons tous, « le pouvoir corrompt et le pouvoir absolu corrompt absolument ».
La réécriture de la Constitution pour une Ve  République est donc une opportunité historique à saisir par notre peuple pour redonner du sens à son insurrection et rattraper les dérives de sa Transition.

Quelle que soit la méthode, commençons par refuser non seulement cette commission constitutionnelle congénitalement exposée à la manipulation, mais surtout le processus biaisé qui en découlera forcément. Faisons en sorte que l’élaboration de notre nouveau contrat social soit inclusive, participative, consensuelle et qu’elle ne puisse pas être influencée par les hommes au pouvoir.

Si ces derniers restent sourds à nos interpellations, nous n’aurons d’autres recours que de mobiliser massivement le peuple à voter NON à la « Constitution sur mesure » qui lui sera proposée en référendum ; en espérant toutefois que nos grandes gueules sortiront enfin du silence actuel dans lequel elles sont murées, faisant semblant de ne pas comprendre que leur cooptation dans cette commission constitutionnelle illégitime est une compromission flagrante. Mais surtout faisant semblant d’oublier que toute compromission au détriment du peule se paie tôt ou tard. Et celle-là, ne fera pas exception !
Et si malgré tout, ce processus biaisé continuait en l’état, ce manifeste aura pour mérite de servir de preuve à la postérité, que des citoyens vigilants ont eu le courage de dénoncer une telle mascarade, mais qu’ils n’ont pas été écoutés.

Pour ceux qui partagent le contenu de ce manifeste, la priorité est d’en parler autour de nous, car seul le nombre permet de peser. Si vous utilisez les Réseaux Sociaux (Facebook, Twitter, etc.), vous pouvez partager le manifeste pour convaincre les citoyen(ne)s de votre entourage.

Surtout ne choisissons pas comme d’autres l’ont déjà fait, de garder le silence face à un processus constituant biaisé et pris en otage par les hommes au pouvoir. Ne choisissons pas de nous taire et laisser tailler notre prochaine Constitution par les nouveaux hommes au pouvoir, à leurs mesures. Enfin, ne choisissons pas de nous compromettre à l’instar de nos grandes gueules (OSC, politiques, syndicats, etc.), presque toutes cooptées comme membres d’une « commission constitutionnelle aux ordres », composée de personnes désignées par décret présidentiel et qui n’ont reçu aucun mandat de ceux-là mêmes qu’ils sont censés y représenter pour une mission déterminante pour la vie de la nation pour des années et des années.

 

Que Dieu bénisse le Burkina, notre Faso !

 

Notre nombre est notre force ! Ensemble, on n’est jamais seul !

 

Fait à Bobo-Dioulasso le 20 juin 2016

 

Pour Le Collectif Balai Citoyen

 

La Coordination nationale

Contacts Email :
[email protected] ; [email protected] ; [email protected]

 


Comments
  • Eh bien! on entendra et on lira du tout sous ces cieux… On voulait une nouvelle constitution sous la transition et vite fait; faute de temps, on fait prendre des engagements aux candidats à la présidentielle de faire de l’élaboration/adoption de cette constitution leur priorité au cas où ils seraient élus. Tout les candidats qui comptent annoncent alors les couleurs. Roch Marc Christian KABORE l’inscrit au nombre de ses priorités et se donne même 6 mois à partir de sa prise de fonction pour le faire. Les attentats du 15 Janvier 2016 passeront malheureusement par là. N’empêche, il met en place une Commission comme il s’y était engagé et demande à celle-ci de s’activer. C’est alors, curieusement, que des partis membres du CFOP en passant par les OSC loufoques, on s’interroge sur l’urgence de la question, allant même jusqu’à vouloir qu’on se donne du temps (un an minimum, pas moins!) si ce n’est pas le principe même a Commission constitutionnelle qu’on remet en cause pour demander une assemblée constituante. Apparemment, certains ne voulaient de cette constitution qu’à la condition que ce soit eux qui la fassent rédiger! D’autres avancent plein de choses dont on peut douter qu’ils en comprennent la portée politique et juridique dans le contexte post-électoral actuel… Allons, un peu de bonne foi ne ferait de mal à personne…

    5 juillet 2016
  • Il faut de plus en plus croire qu’il fallait simplement mettre en place une commission (?) de 5 experts comme un pays voisin l’a fait pour ré-écrire notre loi fondamentale. Au referendum, chacun pourrait alors voter “OUI” ou “NON” pour le projet, voire s’abstenir, avec l’avantage d’économiser plein de sous, de salive et d’encre. Ou bien je me trompe ? Pauvre Burkina…..où l’on devient machiavélique pour peu que l’on veuille être participatif et inclusif.

    5 juillet 2016

Leave A Comment