HomeA la unePAUL PUT (Sélectionneur national des Etalons) : « Jusqu’à présent, c’est moi qui prends les décisions, et ce sera ainsi »

PAUL PUT (Sélectionneur national des Etalons) : « Jusqu’à présent, c’est moi qui prends les décisions, et ce sera ainsi »


Les Etalons ont bien entamé les phases éliminatoires de la CAN Maroc 2015, en alignant deux victoires sur autant de matchs devant le Lesotho (2 à 0) à Ouagadougou et surtout à l’extérieur à Luanda contre l’Angola par un cinglant 3 buts à 0. Ce qui permet au Burkina, avec six points sur six, d’être le solide leader de sa poule et d’être bien parti pour obtenir son ticket pour la CAN 2015. Cependant, pour le sélectionneur national, Paul Put, rien n’est encore joué. L’homme veut rester serein et surtout concentré pour les prochaines échéances, avec la double confrontation face aux Panthères du Gabon le 11 octobre à Libreville et le 15 du même mois à Ouagadougou. A quelques jours de ces deux matchs, nous avons échangé avec le technicien belge des Etalons, Paul Put, qui fait auparavant le bilan des deux premières journées et aborde bien d’autres sujets.

Le Pays : Vous devez être un des entraîneurs les plus heureux de ces éliminatoires de la CAN 2015, après deux victoires à domicile face au Lesotho et surtout à l’extérieur contre l’Angola.

Paul Put : C’est toujours bien de prendre six points sur six, mais il faut être réaliste en reconnaissant que rien n’est encore joué. Il reste quatre matchs qui sont compliqués et nous devons nous préparer comme nous l’avons fait pour les matchs précédents, afin d’obtenir de bons résultats.

De ces deux rencontres, laquelle a été la plus facile ?

Je ne pense pas qu’on puisse parler de match facile parce que chacun d’eux a ses difficultés, mais il y a la façon de l’aborder. Ne connaissant pas bien le Lesotho, j’ai tout mis en œuvre pour analyser ses deux matchs en aller et retour contre le Kenya, lors des préliminaires. Je crois que nous avons bien géré ce premier match. Ce fut un match que nous avons abordé avec beaucoup de concentration et de détermination. Après, c’était un déplacement difficile en Angola que nous avons géré et gagné. C’est un bon signal pour la suite.

Et pourtant, avant ces deux matchs, vous aviez tenu, face à la presse, un discours d’un technicien quelque peu inquiet par rapport à certains de vos joueurs.

Ce sont des journalistes qui avaient certainement des doutes sinon personnellement, j’étais confiant parce que je suivais mes joueurs. Il y avait, pour les joueurs, des championnats qui avaient débuté ou venaient à peine de démarrer ou encore n’avaient même pas commencé. Nous avions donc sélectionné les joueurs en fonction de leur niveau de préparation. J’ai été satisfait de leur comportement lors de ces deux matchs.

Comment jugez-vous la prestation de vos poulains de façon générale à l’issue des 180 minutes de jeu ?

Je peux affirmer que nous avons réalisé une excellente performance. Je ne parle pas seulement du résultat mais   de la détermination, de la solidarité dans le jeu. C’est cette attitude que nous devons avoir lors de tous les matchs si nous voulons obtenir de bons résultats.

Quel commentaire faites-vous de vos cadres, dans leurs clubs respectifs, depuis que leurs compétitions ont véritablement démarré ?  

Mon travail est de suivre tous les joueurs dans tous les championnats. Si en Europe, les compétitions ont débuté, ce n’est pas forcément le cas en Afrique. Par exemple, en Guinée ça n’a pas encore commencé. Il est plus facile de suivre les joueurs en compétition avec leur club que ceux qui n’ont pas de championnat, parce qu’à ce moment, il faut chercher des informations sur le travail lors des entraînements et comment ils se comportent lors des matchs amicaux. Maintenant, il ne suffit pas de les voir jouer en club mais d’être performants à Ouagadougou, ou lorsque nous sommes en déplacement.

Avez-vous un problème défensif au niveau du poste de latéral gauche où nous avons l’impression que vous n’avez pas de titulaire ?

Nous devons être réalistes et reconnaître que pour jouer à un certain niveau avec l’équipe nationale, il faut avoir de l’expérience parce que jouer un match devant 45 mille personnes est différent de jouer là où il y a 200 personnes. Cela compte aussi en football. C’est un problème que nous avons depuis longtemps, et nous avons également des soucis à certains postes, que nous cherchons à résoudre. Nous essayons de trouver les meilleures solutions, en jouant avec les joueurs disponibles qui, je le pense sincèrement, peuvent donner quelque chose. Nous savons qu’il y a quelques difficultés et nous travaillons toujours à les réduire.

Au lendemain des deux premières journées des éliminatoires de la CAN, comment préparez-vous les troisième et quatrième journées ?

Depuis que nous sommes rentrés de Luanda, je n’ai pas eu de repos parce qu’il y avait beaucoup à faire. Les gens ne peuvent pas savoir ce que fait un entraîneur, parce que son travail ne se limite pas sur le terrain. Il y a des choses à faire au niveau de l’organisation, par rapport aux hôtels, les plans de vol, la préparation. Faire des réunions avec la Fédération burkinabè de football et le ministère de tutelle pour s’accorder sur certains aspects. Nous analysons aussi les matchs joués contre le Lesotho et l’Angola, pour voir ce qu’il y a lieu d’améliorer. Je me couche et me réveille avec le boulot.

Etes-vous un entraîneur satisfait, professionnellement, dans la préparation des différents matchs ?

Je ne peux pas affirmer que je suis satisfait à 100% de ce qui se fait si on veut surtout évoquer le déplacement en Angola. Nous n’avons pas pu dormir pendant 26 heures. Arrivés à l’hôtel, nous avons constaté que les chambres n’étaient pas prêtes et il fallait patienter. Cela a fait que nous n’avons pas dormi pendant 26 heures. Le jour de notre arrivée, nous avions prévu un entraînement de décrassage à 18h, mais il a été dit qu’il n’y avait pas de terrain. Ce sont des aspects que nous devons améliorer au niveau de l’organisation, pour les prochains matchs contre le Gabon et le Lesotho.

A qui la faute?

Il faut comprendre que dans un mariage, on ne doit pas s’accuser. C’est un travail collectif pour atteindre un même objectif. S’il y a une défaillance, nous devons travailler à résoudre le problème sans chercher à dire que c’est de la responsabilité de telle ou telle personne. En dehors de cela, il faut reconnaître qu’il y a eu beaucoup de changements depuis mon arrivée, au niveau de l’organisation.

Devons-nous croire que ce qui s’est produit en Angola relève du passé et que les problèmes d’hôtels et de terrains d’entraînement ne se reproduiront pas au Gabon lors de la 3e journée ?

J’avais fait mon rapport général depuis le mois de mai dernier, pour préparer tous les matchs de ces éliminatoires. C’est la FBF et le ministère des Sports et des loisirs qui sont chargés des missions de prospection. C’est bien dommage, ce qui s’est passé pour le match en Angola, mais je reconnais qu’il y a de la bonne volonté et il convient maintenant de travailler à réduire les insuffisances. Pour le match de Libreville, contre le Gabon, le 11 octobre prochain, j’attends le rapport de la mission parce qu’il y a des détails qui sont importants pour établir mon programme de travail. C’est ce qui explique que j’ai proposé trois hôtels avec un premier, un deuxième et un troisième choix. Et c’est aux dirigeants de faire la réservation pour que dès notre arrivée, nous ne rencontrions aucun problème.

Pouvez-vous rassurer une fois de plus les Burkinabè que vous êtes le seul maître dans le choix des joueurs ?

Je ne crois pas que cela a changé. A mon arrivée, j’avais dit que si vous avez confiance en un entraîneur, il faut le laisser travailler. C’est lui qui prend les décisions, quelles soient bonnes ou mauvaises, parce que tout peut arriver. Et jusqu’à présent, c’est moi qui prends les décisions et ce sera ainsi.

Où en êtes-vous avec le rajeunissement de votre groupe dont vous parliez ?

A ce sujet, j’avais proposé de regrouper des jeunes joueurs évoluant aussi bien à l’extérieur qu’à l’intérieur du pays, au niveau des espoirs, pour apprécier leurs qualités. Certainement que cela va se faire au moment où ils auront choisi l’entraîneur de l’équipe nationale olympique. Mais, les regroupements sont nécessaires quand on sait qu’ils sont nombreux, les joueurs en Europe, qui ne jouent pas. Il y a aussi le fait que j’ai décidé de faire jouer au fur et à mesure les jeunes, mais surtout lors des matchs amicaux, parce qu’on ne peut pas prendre trop de risques quand on attend beaucoup plus de résultats, lors des rencontres à enjeux comme les phases éliminatoires. Cela ne veut pas dire que nous ne faisons pas jouer les jeunes. Il y a eu le cas de Jean Noël Lingani dont on ne parlait pas auparavant, tout comme Jonathan Zongo. Depuis que je suis arrivé au Burkina, nous avons mis en exergue pas mal de joueurs. Nous essayons toujours de trouver d’autres talents, comme c’est le cas présentement de Abdoul Meyker Yabré et Yves Benoît Bationo. Nous devons être patients et attendre le bon moment pour les joueurs et pour l’équipe.

Est-ce que vous n’allez-vous pas monter les enchères en cas de qualification des Etalons à la CAN 2015 ?

Nous ne sommes pas encore qualifiés, puisqu’il nous reste encore quatre matchs à jouer. Nous devons continuer à travailler en restant concentrés sur nos objectifs. Je suis un entraîneur qui travaille match après match, et je ne veux pas donner des explications avec des si.

Pensez-vous sincèrement que l’encadrement technique que vous dirigez travaille de façon professionnelle ?

Toutes les personnes que j’ai souhaité avoir pour travailler avec moi, je les ai eues. Il s’agit entre autres de mon assistant   qui a été l’assistant de Georges Leekens en équipe nationale de Belgique, et également de mon assistant à Lokeren en première division belge. Il s’est aussi occupé de l’équipe nationale Espoirs de Belgique. Le médecin est l’un des meilleurs en Belgique, mais il exerçait beaucoup en cyclisme où il a travaillé avec de grands clubs. Il a aussi fait ses preuves au tennis et au football. Il a par ailleurs travaillé pour la FIFA. L’entraîneur des gardiens de buts a une expérience d’environ vingt-cinq ans en première division belge, de même que le kiné qui a travaillé avec moi et qui connaît bien le milieu du football. Il faut aussi donner la chance aux techniciens locaux, comme nous le faisons, pour leur permettre d’avoir cette même expérience que nous, parce qu’en Afrique, ce n’est pas la même expérience qu’en Europe. Avec ce groupe, nous formons une belle équipe derrière les Etalons qui ont atteint un haut niveau.

Quelle appréciation faites-vous du niveau des compétitions locales ?

Ce qui est dommage, lorsqu’il y a de bons joueurs au niveau local, ceux-ci sont pressés d’aller monnayer leur talent n’importe où, pour espérer gagner un peu plus d’argent. Par rapport à cela, il faut relever que le gouvernement burkinabè a fait un effort en garantissant un salaire minimum pour les joueurs de première division et peut-être que ça va changer quelque chose. Mais, je voudrais dire qu’il y a de l’amélioration au niveau des compétitions, et c’est ce que je constate depuis que je suis arrivé. Sinon, il y a une très grande différence entre le championnat et les matchs internationaux.

Que diriez-vous si on vous demandait de faire des propositions pour l’amélioration du football au plan national ?

Il faut d’abord féliciter l’initiative de donner un salaire minimum aux joueurs de première division. Cela va contribuer à faire en sorte que des joueurs restent au pays et s’ils sont nombreux à rester, on pourra mieux apprécier le niveau. En plus, il y a la qualité des terrains à revoir parce que les infrastructures existantes sont mauvaises. Si le stade du 4-Août doit être libéré pour les grands matchs, cela veut dire qu’il faut trouver d’autres bons terrains. Si on en a, les joueurs vont mieux exprimer leurs qualités. Ce qui va forcément améliorer la qualité du football.

Pouvons-nous affirmer que les relations sont bonnes entre la FBF et vous ?

J’avais dit et je répète qu’il y a beaucoup de choses qui ont changé depuis que je suis au Burkina, parce que je suis un entraîneur qui fait attention aux détails. Je reconnais que je ne suis pas facile dans le travail. Je suis un professionnel et le travail doit être fait de façon professionnelle. Nous ne pouvons pas être satisfaits à 100%, mais ce qui est important, c’est que tout le monde est animé de bonne volonté de part et d’autre.

Et avec le ministère des Sports et des loisirs ?

Le premier responsable est un monsieur qui écoute, essaie de faire de son mieux, pour que les choses avancent dans le bon sens. Le ministre a un grand cœur  pour les Etalons et le sport de façon générale. Par rapport à ce qu’il fait, on ne peut que faire des efforts en retour.

Quels sont vos rapports avec la presse ?

Je n’ai aucun problème avec la presse, parce que je ne suis pas un entraîneur qui parle beaucoup. Je ne pense pas que vous me verrez tous les jours dans les médias, parce que j’ai autre chose à faire. J’ai l’impression que de temps en temps, les journalistes veulent poser des questions pour me mettre en difficulté. Quand je donne une réponse, c’est aussi pour me défendre et mes réactions sont celles d’un humain.

Avez-vous des rapports avec les entraîneurs nationaux au Burkina ?

J’ai été invité à livrer une communication lorsque la FIFA a donné des cours au Burkina pour la licence A d’entraîneurs. Je pense que cela a été bien apprécié par les uns et les autres. Et l’instructeur de la FIFA qui avait dirigé les travaux m’a envoyé un mail  de  remerciements, suite à ma contribution lors des cours. Pour la suite, j’espère que la collaboration va davantage se renforcer.

Quel est votre commentaire sur la violence dans les stades, avec la dernière en date qu’est la mort en Algérie du footballeur camerounais, Albert Ebossé ?

C’est toujours très difficile de savoir qu’il y a de la violence dans les stades. Cela fait huit ans que je suis en Afrique et j’ai vécu cette expérience malheureuse lorsque j’étais sélectionneur national de la Gambie. Nous avions battu le Sénégal et suite à cela, des supporters ont cassé, brûlé, lancé des projectiles, nous empêchant de quitter le stade. Je prie pour que cela cesse maintenant. Dans un match, tout le monde veut gagner, mais il faut le faire dans un esprit de fair-play. Lorsque j’arrivais au Burkina, je disais que si les Burkinabè sont tous derrière les Etalons, ils auront une grande équipe nationale et c’est ce qu’ils ont fait. Maintenant que les résultats sont là, j’espère et je prie pour que cela se poursuive sans violence.

Connaissez-vous le nouvel entraîneur de l’ASFA-Y et pensez-vous que le choix des dirigeants de ce club a été guidé par vos bons résultats avec l’équipe nationale ?

C’est dans la presse que j’ai appris que l’ASFA-Y vient de s’engager avec un entraîneur belge. Tout ce que je peux lui souhaiter, c’est bonne chance et beaucoup de bonheur.

Qu’est-ce que vous auriez aimé dire que nous n’avons pas pu aborder ?

Il n’y a pas de mariage sans une confiance mutuelle et il n’existe pas de bon mariage s’il n’y a pas de soutien. Je saisis une fois de plus cette opportunité pour demander un grand soutien de l’ensemble des Burkinabè pour les deux prochains matchs contre le Gabon, parce qu’il ne s’agit pas seulement d’une victoire pour les joueurs, mais pour le pays.

Propos recueillis par Antoine BATTIONO


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