PIERRE NKURUNZIZA EN TANZANIE : Comment relancer le dialogue politique ?
Depuis plus de deux ans, il n’avait plus quitté son pays, depuis le coup d’Etat manqué de mai 2015. Ses déplacements, pour ainsi dire, étaient devenus aussi rares que les larmes d’un chien. Le président burundais, Pierre Nkurunziza, puisque c’est de lui qu’il s’agit, s’est rendu, hier 20 juillet 2017, en Tanzanie où il a rencontré son homologue John Magufuli. Accueilli sur un terrain de football à Ngara, dans le Nord-Ouest tanzanien, le numéro un des Burundais, à ce qu’on dit, était accompagné par un convoi lourdement armé, contexte sécuritaire national oblige. De sources officielles, cette visite a lieu à l’initiative du président tanzanien mandaté par la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC) pour convaincre le maître de Bujumbura « d’accepter de participer au dialogue interburundais sans conditions ». Cette démarche est à saluer. Cela d’autant que le pouvoir burundais, on se rappelle, avait clairement signifié son refus de s’asseoir autour d’une même table avec les opposants et les activistes de la société civile en exil, qu’il qualifie de « terroristes ». Si fait que le processus de sortie de crise a fini par se gripper complètement. On en était même à se demander comment l’ancien président burkinabè de la Transition, nommé représentant spécial du secrétaire général de l’ONU au Burundi, entendait réussir la mission à lui confiée, face à la position tranchée de Bujumbura ; tant le défi est immense et la tâche herculéenne. A moins qu’avec les bons auspices du président tanzanien dont on dit qu’il a de l’ascendant sur Nkurunziza, ce dernier ne revienne à la raison. En tout cas, s’il y a bien quelqu’un qui peut aujourd’hui se féliciter d’avoir eu tout le monde à l’usure, c’est bien le président Nkurunziza. Et c’est peu dire. Car, non seulement son départ du pouvoir n’est plus à l’ordre du jour, mais aussi il est courtisé de toutes parts par la communauté internationale afin que soit relancé le processus de paix en panne depuis plusieurs mois.
C’est le lieu de déplorer le deux poids deux mesures de la communauté internationale
En d’autres termes, Nkurunziza, envers et contre tous, a réussi son coup ; lui qui, pourtant, est accusé par l’ONU et les autres ONG de graves violations des droits de l’Homme sur fond d’épuration ethnique. A preuve, depuis son troisième mandat controversé, les violences ont fait à ce jour entre 500 et 2 000 morts et poussé plus de 400 000 Burundais à l’exil. C’est le lieu donc de déplorer le deux poids deux mesures de la communauté internationale qui, par son impéritie et son inertie coupables, a contribué à renforcer la dictature du président Nkurunziza. Comment vouloir dans ces conditions que le voisin congolais, Joseph Kabila pour ne pas le nommer, en fasse autrement ? S’inspirant de l’exemple de NKurunziza, il est sûr de réussir, lui aussi, son coup et ce, en dépit de la clameur qui monte. A moins que les Congolais, à l’instar du peuple burkinabè, ne prennent leur destin en main, en sifflant la fin de la recréation. Ce qui n’est pas gagné d’avance, dans un pays où les clivages communautaires ont pignon sur rue au point même d’affecter la cohésion sociale ou du moins ce qu’il en reste.
B.O