PLAN DE L’OPPOSITION POUR LA TENUE DE LA PRESIDENTIELLE A BONNE DATE EN RDC : Il y a un prix à payer pour la liberté
L’opposition congolaise a rendu public son plan d’actions pour obtenir la tenue de la présidentielle à bonne date. L’annonce a été faite le 22 juillet dernier à l’issue d’un conclave de deux jours à Kinshasa, par François Muamba. Il est prévu, à cet effet, des journées « villes mortes » les 8 et 9 août prochains, des meetings 11 jours plus tard, soit le 20 août. Le point culminant de la riposte de l’opposition interviendra à partir du 1er octobre. A partir de cette date, en effet, le Rassemblement de l’opposition appelle les Congolais à la désobéissance civile. Cette opération consistera à inviter les populations à ne plus payer leurs taxes et redevances dues à l’Etat ni leurs factures d’électricité et d’eau aux deux sociétés d’Etat qui en ont le monopole. Dans la même veine, Félix Tshisékédi, le fils de l’opposant historique Etienne Tshisékédi mort le 1er février dernier à Bruxelles, a appelé les forces de l’ordre et de défense « à ne plus respecter des ordres mal donnés, notamment pour tuer des congolais ».
Le doute n’est plus permis quant à l’intention de Kabila de s’accrocher à son fauteuil
L’on peut faire le constat que les opposants Congolais semblent avoir enfin assimilé la leçon suivante. A force de caresser dans le sens du poil un dictateur pour obtenir son départ, l’on finit par se rendre complice de ses turpitudes. Dans le cas d’espèce, le Rassemblement de l’opposition a cru, naïvement peut-on dire, que les conciliations à n’en pas finir pouvaient faire fléchir Kabila fils de sorte à permettre une alternance civilisée et démocratique, la première dans l’histoire politique de la RDC. Elle avait été encouragée en cela par la très influente Eglise catholique sous l’égide de laquelle les protagonistes de la crise étaient parvenus à un accord, dit de la Saint-Sylvestre. C’était, on se rappelle, le 31 décembre dernier. La disposition phare de cet accord était l’organisation des élections d’ici à la fin de cette année. De ce fait, un bonus d’une année avait été accordé au dictateur puisqu’en vertu de l’actuelle Constitution, son deuxième et dernier mandat a officiellement pris fin le 20 décembre 2016 . Sept mois après ce fameux accord, l’on peut faire le constat que, de manière flagrante et ignominieuse, Joseph Kabila a pratiquement achevé d’en édulcorer le contenu. En tout cas, le doute n’est plus permis quant à son intention de s’accrocher à son fauteuil au-delà du généreux bonus qui lui avait été accordé. Et les observateurs avisés ne sont pas surpris. Car, ils le voyaient venir. En effet, rien qu’en juin dernier, Kabila fils avait lâché à l’hebdomadaire allemand Der Spiegel, à propos de l’accord de la Saint-Sylvestre, la phrase assassine suivante : » « Je n’ai rien promis du tout ! Je souhaite organiser des élections aussi vite que possible ». A sa suite, le président de la commission électorale, Corneille Nanga, est venu, peut-on dire, enfoncer le clou au cercueil de l’accord de la Saint-Sylvestre. Celui-ci a, en effet, déclaré récemment de manière forte et univoque, que sa structure était financièrement et techniquement incapable d’organiser la présidentielle d’ici à la fin de cette année. En RDC, les choses sont désormais claires comme de l’eau de roche, en ce qui concerne le respect de l’arrangement concocté par les hommes de Dieu. Les élections sont renvoyées aux calendes de l’omnipotent Kabila. Dès lors, l’on peut comprendre pourquoi l’opposition a choisi de monter en puissance dans son refus de l’arbitraire, en mettant en place un calendrier d’actions. La plus significative d’entre elles est l’invite faite aux populations à ne plus honorer les taxes et redevances dues à l’Etat ni les factures d’électricité et d’eau aux deux sociétés d’Etat qui en ont le monopole. Et cette consigne, dans l’hypothèse où elle serait effectivement observée, a de fortes chances de mettre à mal les finances de la satrapie. Déjà, elle a des difficultés à verser les salaires des fonctionnaires. Cette stratégie qui consiste à frapper fort au portefeuille du système Kabila est d’autant plus judicieuse que les opérations « villes mortes » et autres meetings de protestation sont en réalité des formules inopérantes, qui ne sont pas de nature à pousser un tyran à la sortie .
Ça passe ou ça casse
La preuve, s’il en est encore besoin, c’est qu’en décembre 2016, ce genre de ripostes avait laissé Kabila de marbre. Mais le satrape avait géré la situation en sa faveur, en laissant dans la foulée des cadavres sur le carreau. Il en faut donc beaucoup plus pour ébranler Kabila. L’on peut même dire que Kabila fils a des alliés et pas des moindres sur le plan international, qui sont disposés à l’aider à renflouer ses caisses au cas où la stratégie de l’opposition ferait mouche. L’opposition aurait donc tort de ne pas penser à cette possibilité. Car, en matière de coopération, elles sont nombreuses les puissances du monde qui font peu cas de l’éthique, quand il s’agit de défendre et de préserver leurs intérêts. Dans le cas d’espèce, Kabila le leur rend très bien en signant avec elles des contrats léonins. Cette donne, l’opposition doit l’intégrer dans sa riposte contre le système Kabila. C’est pourquoi l’on peut lui suggérer de bander davantage les muscles contre l’arbitraire de Kabila, si tant est que son objectif est de sauver le Congo. Car, il y a un prix à payer pour la liberté. En plus, Kabila est loin d’avoir dit son dernier mot. Car, une dictature vieille de plus de 15 ans, doublée d’une prédation sans scrupule des richesses du pays, ne se laisse pas facilement abattre. Kabila donc, avec l’énergie du désespoir, sera sans pitié à l’égard de tous ceux qui veulent l’extirper du somptueux palais de marbre de Kinshasa. L’opposition est donc prévenue. A charge pour elle d’employer tous les moyens qu’il faut pour déloger l’imposteur. Car, cette fois-ci, ça passe ou ça casse. Ce sera, peut-on dire, à la guerre comme à la guerre. Et dans ce combat qui s’annonce périlleux et long, les principaux responsables de l’opposition doivent être à l’avant-garde de la lutte, quitte à y laisser leur vie. C’est à ce prix qu’ils pourraient entraîner dans leur sillage l’ensemble du peuple congolais. Ce peuple qui a déjà payé un lourd tribut à la dictature de Kabila et qui court le risque de le payer encore si l’opposition ne prend pas enfin conscience de ceci : on ne va pas à l’assaut d’une satrapie comme si on allait à une partie de Rumba.
« Le Pays »