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PLAN GLOBAL REGIONAL CONTRE BOKO HARAM : On attend de voir les résultats sur le terrain


 

 

La récente adoption à Paris d’un Plan global régional contre Boko Haram permet d’espérer. Ce d’autant que les liens se sont réchauffés entre le Cameroun et le Nigeria.

Il y a donc du positif dans les résultats du sommet de Paris. En effet, le chef de l’Etat français peut se réjouir d’avoir pu réunir cinq de ses pairs africains à l’Elysée. Mais au-delà des actions concertées envisagées, le point d’intérêt de la rencontre aura été sans conteste le rapprochement entre Yaoundé et Abuja. L’agression de l’île de Bakassi avait, en effet, laissé des traces indélébiles. Sans le rapprochement entre les deux capitales, toute initiative était donc vouée à l’échec. Le Cameroun pourra ainsi lutter avec encore plus de détermination. Car, de l’avis des experts, l’extrême nord de ce pays est le point de passage et la base de repli de Boko Haram.

La misère est un terreau fertile pour des organisations comme Boko Haram

 

Le plan régional contre Boko Haram serait peut-être un début de solution aux nombreuses crises qui secouent le Nigeria depuis longtemps. Le cas des Etats du Nord, où la religion musulmane prédomine, est dramatique. Or la misère est un terreau fertile pour des organisations comme Boko Haram qui y recrutent facilement des adeptes et imposent une sorte d’Omerta aux communautés. Le silence et la complicité passive ou active se révèlent parfois bien plus payants que l’assistance de l’Etat souvent en déliquescence. L’armée, elle, se trouve divisée entre les petits soldats mal payés, généralement livrés à eux-mêmes, et l’oligarchie militaire qui s’arroge tous les droits. Outre ces divisions, la Grande muette semble même avoir perdu la confiance des populations. Sinon, pourquoi ces échecs répétés face aux islamisteset au grand banditisme ? L’armée dont les dissensions encouragent l’indiscipline a cessé pratiquement d’être une organisation fiable aux yeux des marginalisés. La collaboration est rendue difficile avec ces gens négligés par l’Etat. Beaucoup préfèrent de loin se taire pour ne pas compromettre leurs intérêts ou sacrifier des proches. Tant que l’Etat fédéral nigérian et l’armée nationale, sur laquelle celui-ci s’adosse, ne connaîtront pas de mutations, des organisations comme Boko Haram et consorts continueront de faire la pluie et le beau temps dans ce pays.

Comment donc opérationnaliser les bonnes résolutions de Paris ? D’abord, à l’interne, il faudra aider le Nigeria à neutraliser ces complices qui assistent, de manière volontaire ou pas, les terroristes dans leur sale besogne. De grandes réformes paraissent indispensables sur tous les plans, le Nigeria ayant connu un développement inégal. Celui-ci se traduit par de profondes disparités entre les régions en termes de distribution des richesses nationales et donc de développement. Ensuite, à l’externe, il conviendra d’œuvrer davantage au renforcement de la coopération régionale et multilatérale au plan de la sécurité. L’on parle d’hommes supplémentaires à mobiliser en plus de ceux qui sont déjà sur le terrain. Nul n’ignore les difficultés à ce sujet lorsque des coalitions internationales se mettent en place, comme ce fut le cas au Nord-Mali et en RCA.

Pour plus de succès au plan concocté à Paris, il faudra absolument revoir la gouvernance politique aux plans fédéral et local, notamment en acceptant de céder le fauteuil présidentiel aux musulmans avant ou après la prochaine échéance. Autrement dit, prévoir d’écourter éventuellement la présence du chrétien Goodluck Jonathan à la tête du pays. L’avènement d’un chef d’Etat musulman du Nord pourrait peut-être aider à faire baisser la tension et encourager les populations concernées à se détourner progressivement de Boko Haram. Mais encore faut-il que le nouveau président renonce aux valeurs occidentales, ce qui est loin d’être évident. ll faut aussi chercher à isoler les groupes terroristes par des actions multiformes. Par ailleurs, l’on gagnerait à réorganiser l’armée et à s’occuper davantage des conditions de vie et de travail des soldats. De telles réformes sont envisageables car, par le passé, le Nigeria a fait la preuve qu’il est capable de surmonter les difficultés, de faire des prouesses et de rebondir.

La coopération multilatérale ne doit pas faiblir car nul n’est à l’abri des actions terroristes

Il faut aider le Nigeria à avancer et non à chavirer. Le laisser chuter sonnera le glas des autres Etats. Après avoir déploré le silence et l’inertie des pays membres de l’UA, il faut saluer la société civile, particulièrement les femmes africaines qui ont entrepris de se mobiliser pour dénoncer les actes crapuleux de Boko Haram ! Il faut saluer les initiatives de l’Elysée, autant que les efforts des pays africains qui se sont engagés à épauler le Nigeria face à Boko Haram. Le terrorisme frappe partout et sur toutes sortes de cibles. Pour preuve, durant le sommet de Paris, des coopérants chinois ont été tués et d’autres enlevés au Cameroun. Un véritable pied-de-nez à la coopération multilatérale qui ne doit pas faiblir car nul n’est à l’abri des actions terroristes. D’où le sérieux attendu des pays qui se sont engagés aux côtés du Nigeria. Le Cameroun, par exemple, devra faire preuve de bonne volonté et de fermeté en surveillant davantage sa frontière avec le Nigeria.

Il faudra attendre de voir sur le terrain ce qui va se passer quant à l’exécution du Plan global régional. Boko Haram pourrait poser des actes de défiance dans les prochains jours. Cela ne devrait pas pousser au désespoir. Il ne faut point baisser la garde, mais travailler pour que les choses changent au plus vite. Le consensus ayant résulté de la rencontre au sommet de Paris est gage de victoires. Mais la coopération devrait se manifester davantage et à un niveau beaucoup plus élevé. Si Boko Haram s’en est sorti jusque-là, c’est bien parce qu’elle plonge ses racines dans les communautés. Mais une chose est sûre, tant que les prises d’otages déboucheront sur des paiements de rançon, Boko Haram vivra. Il faut donc une sorte de gentleman agreement entre tous les Etats du Nord comme du Sud, pour qu’aucun copeck ne soit désormais versé à cette secte terroriste à la suite d’un rapt. Il faut aussi œuvrer de manière à obtenir le soutien des adversaires politiques du président Goodluck Jonathan. Les opposants politiques ne doivent pas chercher à exploiter la situation aux fins de précipiter la chute du Président. Il faudrait au Nigeria une sorte d’union sacrée de tous les hommes politiques contre Boko Haram.

« Le Pays »


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