POURPARLERS ANNONCES ENTRE KINSHASA ET LA COALITION M23/AFC : La paix passera-t-elle par Luanda ?
Les négociations entre le gouvernement de la République démocratique du Congo (RDC) et le mouvement rebelle M23/AFC débutent le 18 mars 2025 à Luanda, en Angola, sous l’égide du président João Lourenço. Cette annonce marque une étape cruciale dans la recherche d’une solution pacifique au conflit qui ravage l’Est de la RDC depuis plusieurs années. Pour la première fois depuis son accession au pouvoir, en effet, le président congolais, Félix Tshisekedi, a accepté d’envoyer une délégation pour échanger directement avec le M23 qu’il a jusqu’ici qualifié de terroriste, à cause sans doute de la progression militaire du mouvement rebelle dans plusieurs territoires stratégiques du Kivu après une décennie de calme relatif, mais aussi de la pression accrue de la communauté internationale pour l’amener à explorer toutes les voies pouvant aider à désamorcer la crise.
L’annonce de ces pourparlers suscite un espoir chez les populations martyrisées du Kivu
En tant que facilitateur désigné par la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) et l’Union africaine, Luanda a le mérite de déployer une diplomatie active, cherchant à rapprocher des positions jusqu’ici irréconciliables ; Kinshasa ayant longtemps accusé le M23 d’être un proxy du Rwanda, ce que Kigali a toujours fermement démenti. Quoi qu’il en soit, les enjeux de cette rencontre sont multiples, d’autant qu’elle vise, d’une part, à instaurer un cessez-le-feu durable afin d’éviter une nouvelle détérioration de la situation humanitaire déjà désastreuse, et d’autre part, à jeter les bases d’un règlement politique global, capable de garantir la stabilité à long terme dans toute la région. Toutefois, les discussions s’annoncent difficiles. Car, d’un côté, le gouvernement de Félix Tshisekedi exige le retrait immédiat et inconditionnel du M23, des zones occupées ainsi qu’une reddition complète de ses combattants, et de l’autre, le groupe rebelle réclame une intégration politique et militaire ainsi qu’une reconnaissance officielle de ses revendications. Au regard de ces positions diamétralement opposées, l’ONU, l’Union européenne et plusieurs chancelleries occidentales exhortent les parties à saisir cette opportunité pour mettre fin à des décennies de conflits ayant causé des millions de morts et déplacé des centaines de milliers de civils. Le rôle du Rwanda, accusé de soutenir en sous-main le M23, sera certainement scruté de près, d’autant que Paul Kagame est attendu à Luanda en marge des négociations. La prudence est, en tout cas, de mise. Car l’histoire récente regorge d’initiatives similaires qui se sont soldées par des échecs retentissants, faute d’un suivi efficace et d’une réelle volonté de compromis de la part des belligérants.
João Lourenço doit pouvoir imposer une feuille de route crédible et contraignante aux différents protagonistes
Cette fois-ci au moins, l’on espère que la route de la paix passera par Luanda, et qu’on n’assistera pas à un nouvel épisode d’atermoiements diplomatiques voués à l’impasse ? Une chose est sûre, c’est que l’annonce de ces pourparlers suscite un espoir chez les populations martyrisées du Kivu, même si tout le monde est conscient du fait que les défis à relever restent immenses et que plusieurs obstacles pourraient entraver ces négociations. N’oublions pas, en effet, que le médiateur angolais doit non seulement faire face à l’enchevêtrement des alliances avec la présence de plusieurs groupes armés actifs sur le terrain, mais aussi et surtout à la méfiance mutuelle entre Kinshasa qui exige un désarmement total du M23 avant toute intégration politique, et le groupe rebelle et ses alliés qui réclament des garanties pour leurs combattants et un statut officiel. Pour que ces pourparlers amorcent effectivement une dynamique de réconciliation pérenne, João Lourenço doit pouvoir imposer une feuille de route crédible et contraignante aux différents protagonistes, avec évidemment le soutien de la communauté internationale qui, heureusement, semble suivre ce dossier avec un intérêt marqué. On espère que chaque partie fera preuve, pour une fois, de sincérité dans ses engagements à mettre fin à ce conflit qui n’a que trop duré.
« Le Pays »