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Pr ABDOULAYE SOMA, PRESIDENT DE LE SOLEIL D’AVENIR


Le ministère de l’Administration territoriale avait donné le délai du 5 mars 2021 pour que les partis et formations politiques déclarent leur appartenance à la Majorité ou à l’Opposition. Ce délai est expiré et le moins que l’on puisse dire, c’est que les acteurs politiques se sont acquittés de cette obligation. C’est l’un des sujets abordés par  Pr Abdoulaye Soma, président de Le Soleil d’avenir, dans la rubrique « Mardi Politique » de ce jour. Lisez plutôt !

 

« Le Pays » : La loi impose aux partis politiques de déclarer leur appartenance à la majorité ou à l’opposition.  Que pensez-vous de cette disposition en termes d’acquis et d’insuffisances ?

 

Pr Abdoulaye Soma : Effectivement, la loi 009/AN du 14 avril 2009 portant sur le statut de l’Opposition politique, lue avec son modificatif du 17 décembre 2013, prévoit en son article 4 que, je cite, « tout parti politique doit faire une déclaration  écrite publique de son appartenance à l’Opposition ou à la Majorité avec copie au ministre en charge des libertés publiques pour enregistrement ». Cette loi a le mérite d’exister, parce qu’elle consacre l’existence et la prise en compte de l’opposition politique par la majorité politique dans la gouvernance du pays, notamment dans la gestion des grandes questions nationales. Cette loi a également le mérite d’être claire sur l’obligation de tout parti politique au Burkina Faso de faire une déclaration d’option de son appartenance à l’opposition ou de son appartenance à la majorité. Cette obligation de déclaration d’option politique est nécessaire pour structurer clairement la classe politique, à l’issue d’élections ou d’évènements pouvant entraîner une recomposition de la classe politique ou un bouleversement de positionnement des partis politiques. Cette loi et cette déclaration permettent au ministère d’établir une liste à jour des partis politiques légalement constitués au Burkina Faso, ainsi que leur positionnement politique ; ce qui est important dans la structuration de la classe politique et la lisibilité des prises de position des acteurs politiques.  Cette loi a donc beaucoup de mérite, parmi lesquels ceux que je viens de citer, en n’étant pas exhaustif. Cette loi a toutefois certaines défaillances qui questionnent les esprits ouverts en politique. D’abord, la loi ne crée pas de cadre d’organisation de la majorité ou de l’opposition. C’est une lacune grave. Elle laisse donc une liberté de création des cadres d’organisation. C’est ainsi que l’APMP, le Cadre de concertation du CFOP et l’ONA ne sont pas créés par la loi et n’existent pas légalement. Ce sont des cadres informels de regroupement des partis politiques, je les appellerais encore des cercles de proximité politiques, qui se créent et se gèrent librement. Ainsi, la loi n’impose à aucun parti politique de l’opposition de s’affilier au cadre de concertation du CFOP, qui est le cadre informel créé par la personnalité chef du parti politique d’opposition ayant le plus grand nombre de députés à l’Assemblée nationale. Le CFOP n’est qu’un individu désigné par résolution de l’Assemblée nationale. Le CFOP crée et gère librement son cercle de proches politiques. Ensuite, la loi ne règlemente le fonctionnement ni de la majorité ni de l’opposition qu’elle envisage.  C’est une lacune grave. Au niveau de l’opposition, elle n’indique pas les modalités de démocratie interne, et ne précise pas comment les ressources publiques allouées doivent être gérées démocratiquement. Elle laisse malheureusement la place à une gestion personnalisée qui n’a pas à être dans une République. Cette loi a donc beaucoup de lacunes, parmi lesquelles celles que j’ai citées. Elle crée plus de problèmes qu’elle n’en résout actuellement. C’est pourquoi je pense qu’elle doit être relue dans le sens d’une plus grande clarté et d’une plus grande démocratie. C’est ma proposition.

 

« La loi n’impose à aucun parti politique de l’opposition de s’affilier au cadre de concertation du CFOP »

 

Votre parti, Le Soleil d’avenir, se déclare de l’Opposition. S’agit-il du CFOP ou de l’ONA et pourquoi ?

 

Le Soleil d’avenir s’est conformé à la loi. La loi impose que tout parti politique déclare son appartenance soit à l’opposition, soit à la majorité. Le Soleil d’avenir, que j’ai le privilège de présider, a clairement fait l’option d’un positionnement à l’Opposition à travers la déclaration publique faite le 3 mars 2020. Comme dit ci-haut, avec cette déclaration, le Soleil d’avenir satisfait à cette formalité de la loi qui permet au MTDS de dresser la liste des partis politiques, en distinguant ceux de l’opposition et ceux de la majorité. Comme dit ci-dessus également, il n’y a aucune obligation, ni juridique, ni politique, pour aucun parti politique, de s’affilier à un cercle de proximité politique précis, qu’il soit de la majorité ou de l’opposition. En l’occurrence dans l’opposition, la loi n’impose pas l’affiliation au Cadre de concertation du CFOP. Tout comme ce cadre de concertation existe, l’ONA existe. Le Soleil d’avenir assure le leadership dans l’ONA, avec d’autres partis emblématiques. Pour l’instant et jusqu’à preuve du contraire ou nouvel ordre, le Soleil d’avenir est de l’opposition politique au Burkina Faso, et plus précisément de l’ONA et non du cadre de concertation du CFOP.

 

Que devient, à ce propos, l’ONA ?

 

L’ONA a été soulevée en vertu de la loi et a élevé certains problèmes politiques dont elle poursuit la solution. Cette solution n’est pas encore trouvée. Par exemple, par rapport à la loi sur le statut de l’Opposition politique, l’ONA  a relevé les lacunes mentionnées ci-dessus. L’ONA appelle à combler ces lacunes pour plus de clarté dans l’organisation et le fonctionnement de la classe politique. Pour l’ONA, soit que la loi est révisée pour instituer deux blocs politiques démocratiques, avec un cadre légal unifié de la majorité et un cadre légal unifié de l’opposition, ou pour cristalliser le pluralisme politique aussi bien dans la majorité que dans l’opposition. C’est un grand mérite de l’ONA d’avoir détecté ce grave problème de structuration de la classe politique nationale, de proposer des solutions et d’être disposée au dialogue avec tout le monde. Pour ce mérite, l’ONA mérite notre soutien sur ce dossier. En tout état de cause, l’ONA  devrait continuer à exister et à travailler pour apporter sa contribution aux solutions voulues. L’ONA doit être écoutée et prise en compte pour cela dans les dialogues politiques qui s’annoncent.

 

Quel regard critique portez-vous sur la recomposition actuelle du paysage politique burkinabè ?

 

A l’issue de chaque élection  générale, présidentielle ou législatives, il y a de fortes pressions d’une recomposition de la classe politique. Les lignes bougent. Le Burkina Faso et les élections couplées (présidentielle et législatives du 22 novembre 2020) n’échappent pas à cette logique. Il est en train de s’opérer une reconfiguration de la scène politique. J’exprimerai trois idées ici, en réservant les autres en attendant que les choses se précisent. Premièrement, l’ancien CFOP, chef de l’UPC, avec l’essentiel de son cercle de proximité politique, a choisi d’investir et de rejoindre la majorité politique APMP pilotée par le MPP. Le président du CDP est désigné nouveau CFOP. L’ONA, avec le Soleil d’avenir, confirme ses positions et sa posture. L’APMP, le CFOP, l’ONA, voici les trois grandes enceintes politiques qui vont marquer la vie politique nationale dans l’immédiat. Deuxièmement, la majorité politique APMP pilotée par le MPP, jouit d’une majorité parlementaire, écrasante, voire une position hégémonique à l’Assemblée nationale. Le CFOP, qui est la résultante d’une opposition parlementaire, ne dispose, avec ses proches, que d’une infime part, 25 députés sur les 127 que doit compter le Parlement. Autant dire qu’il ne saurait y avoir d’opposition parlementaire crédible et efficace. L’opposition politique sera une opposition essentiellement extraparlementaire. C’est à cet égard que l’ONA jouera un rôle républicain et démocratique de plus en plus grand, étant actuellement constituée de partis politiques qui n’ont pas de députés à l’Assemblée nationale et qui doivent s’opposer. Troisièmement, l’impression se confirme que l’ancienne génération politique qui est aux affaires depuis la mort du président Thomas Sankara, se retrouve à la majorité APMP, un petit reliquat se retrouve au sein du cadre de concertation du CFOP, pendant que l’ONA est composée d’acteurs politiques d’opposition essentiellement de la nouvelle génération politique. Le jeu politique va se structurer autour d’une opposition politique et d’une proposition générationnelle. Tout le monde sait que le renouvellement générationnel est devenu un impératif pour la survie et la prospérité de notre Nation. L’essentiel est que tous ces blocs réussissent à s’emboiter convenablement, pour une gestion et une transmission apaisées du pouvoir. La concertation inclusive devient le concept-  clé.

 

L’on constate que beaucoup de partis ont préféré se rallier à la majorité présidentielle. Quelles en sont, selon vous, les explications ?

 

Plusieurs raisons peuvent expliquer le ralliement de tel ou tel parti politique à la majorité politique. Certains partis politiques ont été créés sous la houlette de leaders du parti majoritaire ; il va de soit que ceux-là se déclarent de la majorité. L’ancien CFOP, chef de l’UPC, ayant rejoint la majorité pilotée par le MPP, il est normal que les partis qui sont dans son train et sa proximité politiques, lui emboîtent le pas. Il y a aussi que la difficulté du travail d’opposition politique, dans des Etats dans lesquels l’esprit démocratique reste encore à construire, a poussé certains à rejoindre la majorité politique pour s’assurer une tranquillité politique. Comme vous le savez, l’opposition, en Afrique, est difficile. Il faut ses propres moyens financiers et logistiques, on s’expose à toutes les méchancetés et même parfois à la distanciation sociale et à la démarcation physique, etc. Certains ne peuvent pas assumer pareilles causes. Il y en a enfin dont le curseur politique se pointe toujours sur ceux qui jouissent des facilités dans le pays. Pour moi, on entre et agit en politique sur la base de valeurs et principes qui permettent d’améliorer la situation présente et l’état futur et d’espérer conquérir et exercer le pouvoir à leur lumière, même si quelquefois, il faut savoir et pouvoir faire des concessions raisonnables pour faire avancer les choses.

 

Comment jugez-vous les capacités de l’Opposition à jouer son rôle de contre-pouvoir dans le contexte actuel ?

 

L’opposition parlementaire seule, sous la houlette du CFOP, est incapable de jouer le rôle de contrepouvoir. L’ONA seule, qui constitue une opposition extraparlementaire, est incapable de faire contrepouvoir. Il faut donc une collaboration des deux entités de l’opposition pour réussir à constituer un contrepouvoir possible et plausible. C’est à la majorité de savoir et pouvoir créer l’espace d’expression de ces entités d’opposition. Pour être démocratiquement crédible et acceptable, un pouvoir majoritaire doit s’accommoder d’un contrepouvoir oppositionnel conséquent et percutant. L’idéal en démocratie n’est pas de ne pas avoir d’opposition ou de contrepouvoir. Sinon, le peuple reste un contrepouvoir politique naturel et ultime, tel que démontré en 2014.

 

Quels risques encourt-on avec    une opposition faible ?

 

L’insurrection et le coup d’Etat. La démocratie respire par ses deux narines que sont le pluralisme et la concertation politiques. A les étouffer, on finit par boucher les canaux de la démocratie et   ouvrir légitimement les voies anticonstitutionnelles d’accession au pouvoir. J’appelle qu’on y prenne garde.

Que pensez-vous de la démarche en lien avec la réconciliation nationale au Burkina ?

 

La réconciliation nationale me semble  une œuvre indispensable pour débloquer le verrouillage politique dans lequel notre pays se trouve. Je l’avais inscrite dans mon programme présidentiel. Quasiment, tous les candidats à l’élection présidentielle avaient un axe sur cette réconciliation nationale. C’est avec l’orientation que prend le ministre d’Etat en charge de la réconciliation nationale et de la cohésion sociale, que je me rends compte que nous ne parlions pas du même projet quand chacun parlait de réconciliation nationale. Qui est à réconcilier avec qui ? Qui peut réconcilier véritablement ? Pour moi, une réconciliation exige qu’on identifie clairement les acteurs en conflit. Il faut aussi que le réconciliateur ne soit pas partie au conflit ou ne soit pas supposé partial. C’est essentiel. C’est pourquoi je pense que seule une nouvelle génération politique accédant au pouvoir, peut se donner la mission d’une réconciliation nationale sur les passifs de l’histoire auxquels elle n’est pas actrice. Tout se perd si  c’est celui qui choque qui veut réconcilier. Il peut tout au plus demander pardon, mais pas réconcilier.

 

Propos recueillis par Boureima KINDO

 

 


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