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PRESIDENTIELLE AU TCHAD


Le simulacre de scrutin présidentiel qui s’est déroulé le 11 avril dernier au Tchad, s’est achevé hier à 17h de Ndjamena comme il avait commencé, dans l’indifférence quasi générale des 7 millions et demi d’électeurs potentiels. Le moins qu’on puisse dire, en effet, c’est qu’il n’y a pas eu foule devant les différents bureaux de vote, notamment dans les principales villes fortement militarisées pour l’occasion, de Ndjamena, Sarr, Moundou et Abéché. Les raisons de cette désaffection électorale des Tchadiens sont certainement multiples, mais la principale est le manque d’enjeu réel du scrutin, d’autant que l’actuel et inamovible président, Idriss Deby Itno, est certain de rester à son poste au Palais rose qui fait office de siège de la présidence, après avoir ridiculisé au propre comme au figuré, les six autres candidats qui ont décidé de l’accompagner dans cette énième forfaiture. La seule énigme, si énigme il y a, c’est le score que la commission électorale prétendument indépendante va lui accorder, même si on sait, d’ores et déjà, que cette dernière donnera des pourcentages anecdotiques aux six autres candidats. On ne sait pas s’il sera aussi impitoyable vis-à-vis de ses challengers comme l’a été Ismaêl Omar Guelleh face à ses « concurrents » lors de la présidentielle djiboutienne qu’il a remportée samedi dernier avec un score sans nuance de 97,44% des voix. Mais ce serait étonnant que le Maréchal Deby fasse moins bien que l’autre satrape de l’Afrique centrale, Denis Sassou Nguesso, pour ne pas le nommer, qui a raflé sans gêne 88,57% des suffrages exprimés lors de la présidentielle au Congo-Brazzaville en mars dernier. Avant même la publication officielle des résultats de ce premier tour de scrutin, on peut dire qu’Idi, comme on l’appelle affectueusement, rempile pour un sixième mandat qui devra théoriquement s’achever en 2027. Rien a priori ne pourra d’ailleurs perturber la quiétude de ce guerrier du désert qui en a vu des vertes et des pas mûres durant ses trente ans de règne, surtout quand on sait que son opposition politique va encore une fois sortir groggy de cette élection dont elle n’a pas pu empêcher l’organisation malgré le boycott actif.

 

Deby pourrait se prévaloir de son « indispensabilité » pour pousser sa mégalomanie jusqu’à faire du Tchad, une monarchie

 

Les guéguerres de leadership sur fond d’ego surdimensionnés des responsables de cette opposition et la peur que suscite le régime kafkaïen d’Idriss Deby chez la population tchadienne,  n’ont pas permis d’envoyer le puissant dictateur dans les cordes lors du scrutin de dimanche, et ce ne sera probablement pas demain la veille qu’on verra ce scénario surréaliste se réaliser dans ce pays qui a les faveurs de la communauté internationale pour son rôle central et stratégique dans la lutte contre le terrorisme au Sahel. Le comble, c’est que cet ami encombrant de la France et des Occidentaux, pourrait se prévaloir de son « indispensabilité » pour pousser sa mégalomanie jusqu’à faire du Tchad, une monarchie, et ajouter ainsi à son grade de Maréchal, le titre de « roi des rois » avec Idriss 1er pour nom de baptême. Rien ne l’empêche de nourrir ce rêve et de l’assouvir, sauf évidemment une révolte de palais ; ce qui est fort possible quand on sait que le Tchad n’a jamais connu, depuis son indépendance en 1960, de passation de charges entre deux présidents démocratiquement élus. Le risque est d’autant plus grand de voir ce pays, champion d’Afrique en coups d’Etat réussis ou avortés, sombrer dans des violences post-électorales que la colère est non seulement grande au sein de l’opposition républicaine, mais aussi au sein de la tribu des Zaghawa dont Idriss Deby est issu, et ce, depuis l’arrestation ratée qui a viré au drame familial, de son neveu Yaya Dillo par une unité spéciale de la garde présidentielle en fin février 2021. Le président tchadien craint que ce trublion des années 2000, qui l’a rallié en 2008, mais qui reste introuvable depuis son exfiltration par des éléments mis à ses trousses, ne soit son tombeur ; une partie de son bouclier tribal ayant pris fait et cause pour ce désormais ennemi juré. C’est probablement pour conjurer ce sort que le président Deby appelle déjà à l’union sacrée après cette présidentielle, au retour des exilés et à la décrispation sociale et politique. Pas sûr qu’il soit entendu, beaucoup de ses compatriotes le considérant comme un orfèvre en duplicité et en roublardise, qui n’hésite pas à procéder à de violentes purges ou à de sanglants règlements de comptes quand il s’agit de sauver sa peau et son fauteuil. Au lendemain de cette comédie électorale, le climat politique risque malheureusement de se durcir davantage, mettant face à face un pouvoir d’ordinaire récif à toute critique et une opposition politique et peut-être même armée, avec ce que cela comporte comme risque d’instabilité et de chaos, dans ce pays qui en souffre depuis le renversement suivi de l’assassinat du premier président François Tombalbaye, le 13 avril 1975. Idriss Deby, qui est depuis trente ans, le seul capitaine de ce navire en perdition démocratique, aura peut-être assez de lucidité pour enfin quitter les choses avant qu’elles ne se décident à le quitter de manière violente et humiliante, pour paraphraser Charles De Gaulle. Même si c’est en 2027 que cela devait arriver, ce serait bon à prendre pour un pays comme le Tchad. Ainsi, comme l’histoire a besoin de repères, on retiendra du dictateur Idriss Deby, celui qui a donné du fil à retordre aux terroristes du Lac Tchad et du Sahel, et surtout celui par qui la dévolution démocratique et pacifique du pouvoir a été rendue possible pour la première fois dans son pays. Ce rêve est peut-être trop beau pour se réaliser, mais avec son âge, sa santé déclinante et un coup de pouce de la France, cette divine surprise n’est pas à exclure totalement.

 

Hamadou GADIAGA


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