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PRESIDENTIELLE AU TOGO : L’opposition togolaise ou la stratégie du lépreux


Il y a trois semaines, l’opposant togolais Agbéyomé Kodjo, ancien Premier ministre et ancien président de l’Assemblée nationale sous Eyadema Père, appelait l’opposition à une candidature unique contre Faure Gnassingbé qui, après deux mandats et une décennie au pouvoir, ne semble pas prêt à partir du palais de la Marina.

Mais à l’allure où vont les choses, cette union sacrée apparaît plus comme un vœu pieux et un mirage, eu égard aux dissensions qui divisent actuellement l’opposition togolaise. Comme c’est le cas du Comité d’action pour le renouveau (CAR) et de l’Alliance nationale pour le changement (ANC) qui s’accusent mutuellement de compromissions, à quelques semaines de la présidentielle d’avril prochain, rendant illusoire la possibilité d’une candidature unique. Cela est d’autant vrai que plus le temps passe, plus les candidatures au sein de l’opposition se multiplient, portant pour l’instant à sept le nombre de candidats déclarés, tous issus de l’opposition.

L’incapacité de l’opposition  à s’entendre autour d’une candidature unique est incompréhensible

Dans ces conditions, c’est une Lapalissade de dire que c’est le parti au pouvoir, l’Union pour la république, qui se frotte les mains, lui qui s’apprête à désigner son candidat dont tout porte à croire, sauf tremblement de terre,  que ce sera le rejeton de l’ex-président Gnassingbé Eyadéma, celui-là même qui a assuré la continuité du pouvoir depuis 2005, à la suite de son défunt père, totalisant presqu’un demi-siècle de règne de la famille Gnassingbé au Togo.

Pour en revenir à l’opposition togolaise, on ne comprend plus rien de sa stratégie de conquête du pouvoir. Après toutes ces marches, après toute cette bataille, cette incapacité à s’entendre autour d’une candidature unique est tout simplement incompréhensible,  surtout, au moment où la lutte entre dans sa phase décisive. Bien entendu, certains ne manqueront pas de voir la main du pouvoir derrière ces querelles intestines de l’opposition, car c’est à lui qu’une telle situation profite le plus. Mais il y a que dans bien des situations, les opposants africains se sont montrés incapables de parler d’une seule voix, là où l’intérêt général et leur intérêt particulier l’exigeaient pourtant. Cela pose, du même coup, la problématique de leur crédibilité, dans le combat qui est le leur, au sein de nos sociétés. Toujours est-il qu’en agissant de la sorte, l’opposition togolaise adopte la stratégie du lépreux qui, incapable de traire la vache, sait pourtant renverser la calebasse de lait. Au bout du compte, c’est tout le monde qui en sort perdant. Dans le cas togolais, certains opposants savent pertinemment qu’ils n’ont aucune chance devant Faure. Mais ils ne s’aligneront jamais derrière un autre, pour donner plus de poids à la candidature de ce dernier. Cela fait tout simplement pitié. Et l’on a envie de s’écrier : tout ça pour ça ? A quoi auront finalement servi toutes ces marches, toutes ces mobilisations des populations, toute cette agitation pendant près d’une année, autour d’un slogan aussi fort que celui de la nécessité de « sauver le Togo », si c’est pour, au finish, ouvrir un boulevard au président sortant et l’accompagner dans une élection à laquelle il est sûr de battre à plate couture tous ses concurrents ?  A rien, sauf à traduire l’égoïsme et l’incurie de bien des leaders africains qui viennent à la politique plus pour des intérêts personnels que pour l’intérêt de la nation et qui n’hésitent pas, le cas échéant, à verser dans la compromission, pour des prébendes ou des strapontins.

L’union de l’opposition apparaît comme une nécessité absolue et incontournable

De fait, il est évident qu’en multipliant les candidatures, l’opposition togolaise émiette ses voix et s’affaiblit, d’autant plus qu’il s’agit d’un scrutin à un  tour.

Au demeurant, même unie, il n’était déjà pas évident qu’elle réussirait  à battre Faure dans les urnes, au regard des moyens colossaux dont dispose ce dernier et du contrôle de l’appareil d’Etat par son parti. Toutefois, elle se serait donné de réelles chances, en plus de montrer sa maturité, sa crédibilité et sa cohérence. Mais en allant en rangs dispersés, elle creuse assurément sa propre tombe et n’aura que ses yeux pour pleurer. Car, avant même d’avoir déclaré sa candidature, Faure Gnassingbé est assuré de remporter haut la main cette élection et de prolonger son bail au palais de Lomé II, dans un scrutin qui ne sera alors que pure formalité. A la vérité, l’opposition togolaise n’est pas à plaindre. Elle est seulement pitoyable, au moment où des exemples sur le continent, sénégalais et burkinabè en l’occurrence, ont montré qu’avec de la volonté et une union sans faille, les oppositions sont capables de venir à bout de bien des citadelles jugées imprenables, et  de renverser des dictatures. L’on ne comprend donc pas  que l’opposition togolaise ne tire pas leçon de ces exemples récents, mais qu’ elle s’engouffre plutôt dans une voie qu’elle sait pourtant sans issue, et qui, de surcroît,  ne peut que la conduire à un échec certain et cuisant. La question que l’on pose alors, est de savoir si elle mérite encore la confiance du peuple togolais dont tout porte à croire que la société civile est désormais le seul recours crédible pour espérer atteindre l’alternance.

L’erreur fondamentale de l’opposition togolaise aura sans doute été d’avoir accepté un code électoral qui fait la part belle au parti au pouvoir, avec un scrutin à un tour. Tout semble ainsi vicié dès le départ. Si bien que cela ne lui donne pas une grande marge de manœuvre, compte tenu du manque de moyens, financiers et logistiques, pour espérer renverser l’ordre des choses. C’est pourquoi l’union de l’opposition, dans une fédération des énergies et une synergie d’action,  apparaît comme une nécessité absolue et incontournable, pour espérer obtenir le changement, de façon démocratique, à la tête de l’Etat togolais. Or, tout semble indiquer que l’opposition togolaise est encore en train de manquer une occasion historique de se faire valoir aux yeux des Togolais et de la Communauté internationale. Alors, si elle venait à perdre encore ces élections comme l’on semble s’y acheminer inéluctablement, qu’elle se taise à jamais. En attendant, c’est Faure qui, tranquillement, boit son petit lait.

« Le pays »


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