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PRESIDENTIELLE CAMEROUNAISE


 Si ce n’est Biya, c’est donc Biya

Et de sept pour Paul Biya. En effet, hier 22 octobre 2018, le Conseil constitutionnel a proclamé les résultats de la présidentielle du 7 octobre dernier, à laquelle prenaient part une dizaine de candidats. Et c’est sans surprise que le locataire du Palais d’Etoudi a été proclamé vainqueur, avec 71,28% des voix, d’une élection sans suspense tant le vieux dirigeant domine de la tête et des épaules la vie politique au Cameroun, depuis maintenant plus de trois décennies. Comment pouvait-il en être autrement, quand on sait que l’octogénaire président n’a pas eu besoin de forcer son talent pour venir à bout de ses adversaires, se contentant d’une campagne a minima qui l’a vu briller par son absence dans certaines contrées du pays, notamment la zone anglophone sous tension depuis quelque temps ? Si ce n’est donc Biya, c’est encore et toujours Biya.

Paul Barthélémy Biya’a bi Mvondo s’affiche comme l’alpha et l’oméga du pouvoir au Cameroun

Et la question est de savoir jusqu’où il ira, puisqu’aucun de ses compatriotes ne semble en mesure de l’arrêter, encore moins de le battre dans les urnes. En tout cas, c’est peu de dire que depuis 36 ans, Paul Barthélémy Biya’a bi Mvondo s’affiche comme l’alpha et l’oméga du pouvoir au Cameroun. Si ce n’est pas l’antithèse de la démocratie, cela y ressemble fort. Et avec ce nouveau bail qui devrait le voir boucler ses 92 ans d’âge à la tête de l’Etat camerounais à l’horizon 2025, l’on est porté à croire que le vieux timonier tient enfin ses funérailles nationales tant il semble bien parti pour réaliser son rêve de mourir sur le trône.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que Paul Biya est en train de se fossiliser au pouvoir. Avec l’équato-guinéen Teodoro Obiang, il est non seulement en passe de battre le record de longévité au pouvoir, mais il est aussi l’un des plus vieux présidents encore en exercice dans le monde.

Si les longs règnes, comme on dit, débouchent souvent sur le chaos, il faut croire que le Cameroun est sur la voie royale tant on se demande de quoi l’après-Biya sera fait. Quand on voit ce qui est advenu de la Côte d’Ivoire après la mort du vieux Houphouët, l’on ne peut que nourrir des appréhensions pour le Cameroun où l’on ne connaît, à ce jour, aucun dauphin à Paul Biya. L’homme serait-il tenté par une patrimonialisation du pouvoir ? En tout cas, certaines sources ne l’absolvent pas des intentions de chercher à faire de la place à son rejeton. En attendant, tout porte à croire que Paul Biya a gommé le mot alternance de son dictionnaire tant et si fait que le Cameroun renvoie aujourd’hui, l’image d’un pays de dictature. A preuve, pour toute réponse à la manifestation de protestation que projetaient, à la veille de la proclamation des résultats,  des opposants pour dénoncer un hold-up électoral, il n’a eu que le vieux réflexe de l’intimidation policière pour étouffer le mouvement dans l’œuf, allant jusqu’à encercler des domiciles de leaders de l’opposition. Ce sont autant de vilains gestes aux antipodes de la démocratie, qui ne font pas honneur à leur auteur.

C’est le lieu d’interpeller les forces de sécurité  africaines sur leur rôle dans la construction de la démocratie. Car, bien souvent certaines se mettent du mauvais côté de l’histoire en prenant le parti du dictateur contre le peuple opprimé. Tant que les satrapes du continent seront portés à bout de bras par la soldatesque, la dictature aura de beaux jours devant elle en Afrique.

Le chef de l’Etat camerounais donne l’impression de vivre plus pour lui que pour son pays

Cela dit, si le papy n’a pas eu la sagesse de son âge, pour éviter de briguer un énième mandat, rien ne dit que ce septième mandat ne sera pas pour lui celui de trop.

En tout état de cause, maintenant que l’élection présidentielle est pliée, l’on attend de voir ce que Biya fera de ce septième mandat. D’ores et déjà, la question sécuritaire avec les incursions répétées de la secte islamiste Boko Haram, les velléités sécessionnistes de ses compatriotes anglophones et la lancinante et sempiternelle question du chômage des jeunes sont autant de défis qui s’annoncent pour le nouvel élu. Mais usé par presque quatre décennies de pouvoir et affaibli par le poids de l’âge, Paul Biya aura-t-il les ressources mentales et physiques nécessaires pour d’abord aller au terme de ce septennat et ensuite chercher à répondre aux aspirations de son peuple ? Rien n’est moins sûr ! Car, le chef de l’Etat camerounais, à qui l’on reproche souvent ses longs séjours à l’extérieur, donne l’impression de vivre plus pour lui que pour son pays. Quant aux questions de développement, elles peuvent toujours attendre. Pourvu que Paul Biya puisse jouir de son pouvoir et des avantages et autres glorioles qui vont avec. C’est pourquoi ce septième mandat du natif de Mvomeka’a ne s’annonce pas forcément sous les meilleures auspices pour le Cameroun. On peut même craindre que certains acquis ne se dégradent, comme la question de l’unité nationale qui est déjà mise à rude épreuve par les revendications des séparatistes anglophones. Et si cette question n’est pas traitée avec tact et doigté, il faut croiser les doigts pour que le Cameroun ne connaisse pas lui aussi « son Biafra ». Ce serait le pire héritage que Biya laisserait à son pays.

 « Le Pays » 


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